Robert Silivi: Poète du spleen et de l’amour ou « La voix de l’absent »

Par Sélom K. Gbanou, Université de Calgary

En 1869, Charles Baudelaire publiait son recueil de poèmes Le Spleen de Paris. Dans la préface-dédicace adressée au ponte des lettres de l’époque Arsène Houssaye, le poète français se posait une question légitime, dont la pertinence rejoint encore aujourd’hui la secrète motivation de Robert Silivi, cet esprit pur et sincère qui restera, pour tous ceux qui l’ont connu, vie et présence dans les larmes et les pensées, au même titre que Baudelaire, son idole :« Quel est celui de nous, lançait en effet Baudelaire, qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? »

Robert Silivi

L’affinité que Robert Silivi a entretenue avec Baudelaire dans ses écrits tient à la fois de son sens de la poésie et de cette profonde solitude qui le caractérise au-delà de son amour du groupe et de son rire bon enfant aux éclats de soleil. Sa poésie que seuls certains de ses proches amis connaissent est résolument intimiste et aux accents profondément mélancoliques car elle constitue le bréviaire profond de l’homme angoissé par le cannibalisme étatique de son pays, et inquiet du sort d’une jeunesse laissée à elle-même sans la moindre promesse de rêve à l’horizon. Robert est un rieur désabusé qui ne laisse transparaître son spleen qu’au travers de la confidence des mots et de la finesse de sa plume. Sa disparition dans la fleur de l’âge ne fait que rappeler la crainte de Roman Jakobson à propos de cette fameuse génération d’(ir)responsables qui a « gaspillé ses poètes » au profit de ses effigies grandeur nature le long des rues, des hôpitaux, véritables mouroirs institutionnalisés.

Robert Silivi se réfugie dans le silence de ses écrits

Robert Silivi, comme bien d’autres, a été victime de l’indifférence et de l’indécence d’un bercail qu’il a toute sa vie cherché à fuir en se créant refuge dans le silence de ses écrits. Néanmoins, il y a des voix que l’on ne se contente pas seulement d’écouter ou de lire parce qu’elles élisent demeure dans les tréfonds de nos cœurs et Silivi fait partie de ces voix qui, même en météore, ont su marquer leur passage sur terre d’une teinte indélébile et ineffable.

Toujours animé de la passion et du sens de l’invention littéraire, Robert Silivi alias Bob Bilyak pour les amis a réussi à faire de sa verve un pont entre l’Ici et l’Ailleurs, le Moi et l’Autre, le Présent et l’Avenir notamment à travers sa remarquable pièce de théâtre au ton éminemment poétique: Croisée de solitudes. Couronnée par le Premier Prix Plumes Togolaises du concours organisé par le FESTEF, Festival des Théâtres de la Fraternité en 2000, la pièce sera publiée aux Editions Haho à Lomé en 2002. Déjà dans l’exergue, il avertit de la tonalité de son œuvre qui ne se réclame d’aucune fioriture, à l’image de cette vie insipide dont elle est une vision esthétique : « Voilà une pièce lamentable, sans relief, triste et monocorde de bout en bout comme un requiem » (p. 7).

Jamais, pièce de théâtre ne fut aussi autobiographique! En effet, à travers le personnage de Solo, dont on devine la charge psychologique de la dénomination, Robert laisse accéder à ses pensées profondes, celles d’un monde sans repères qui confine à la déprime et où l’on se sent contraint à un exil intérieur, programmé pour la mort précoce loin de l’éloquence des bonnes intentions et des sentiments :

Solo : Désolé Torche. Il te faudra faire le reste du chemin seul. Moi je suis déjà mort. J’aurais voulu boire un peu d’eau, tu sais? Mais les sources, ici, ont tari. J’ai la langue qui me colle au palais, ma gorge, sèche se consume lentement, un siècle de soif privé de lumière voilà que je radote hanté par la mort je me mire dans mon propre regard si profond deux trous noirs remplacent mes yeux. Je glisse, je tombe face contre terre, le vent au loin porte mes souvenirs, les cris que je n’ai jamais pu pousser (14-15)

Solo et Torche, figures essentielles de son œuvre dramatique rappellent deux destins : celui de ces jeunes restés au pays et fatalement soumis aux balles perdues et qui perdurent d’un système égotique, sans crèches pour l’espoir évanescent et celui des rescapés qui s’usent les semelles le long des sentiers d’exil où guettent les flots des mers et le sable cruel des déserts. En filigrane, on y voit la figuration d’une génération à la croisée des chemins dans les années 90 avec Robert et ses amis de lycée Edem Awumey, Sogbadji Olivier, Missodey Komi, etc, chacun désormais face à ses solitudes aux quatre coins du monde. Les suggestions de l’œuvre d’art, on le sait, ne sont jamais anodines tant elles peuvent être des miroirs du réel et Croisée de solitudes est le testament d’une époque, le bréviaire d’un cœur qui saigne, comme le rappellent encore ces propos troublants de Solo.

Solo : C’est sans espoir Torche je suis déjà mort l’heure est arrivée j’ai couché quelques phrases en guise d’oraison […] C’Est sans espoir je suis déjà mort comme tous ceux qu’on crame, qu’on flingue depuis un siècle dans cette cité murée dans le silence et la lâcheté. J’ai perdu une à une mes étoiles dans cette longue nuit castratrice. Pourtant j’ai souvent rêvé de franchir le voile transparent de l’horizon où les anges se mêlent à la migration des oiseaux. J’ai si souvent laissé le vent m’envahir pour entendre les voix d’absents, glanées aux quatre coins de la terre. J’ai si souvent cherché mes points cardinaux, mon étoile polaire dans le ciel couleur de violences, de pertes continues… (pp. 30-31)

La Croisée de solitudes est le condensé de la vie de Robert Silivi

Cette pièce de théâtre est le condensé de la vie de Robert Silivi, textuellement parlant. Sa sincérité et sa crudité mêlée de détresse et de tendresse, témoignent d’une âme sans hypocrisie qui connait le sort et les émois d’une jeunesse sacrifiée et dans lesquels il se reconnaît entièrement. Ainsi, ce qui fait écrire peut être plus fort que ce qui fait pleurer ou crier de rage. Il s’agit de la redoutable absurdité de la vie qui nous fait mesurer, à chaque instant, l’impuissance de notre voix, de nos désirs. Robert s’était longtemps et longuement préparé, sans trop le montrer, à transformer en fonds poétique cette impuissance face aux mécanismes du réel ambiant. Emporté par les charmes de B., une camarade de classe en 1990 au Lycée de Tokoin, il s’était alors laissé aller à des épanchements lyriques qui constitueront, par la suite, le fondement de son capital poétique : écrire, c’est anticiper le monde et participer à cet effort permanent de donner sens à la vie sans se laisser abattre par l’inattendu. Et l’inattendu, Robert l’a connu, surtout dans son rêve inassouvi de poursuivre ses études de troisième cycle à l’Université Cergy-Pontoise en France.

Souvent, c’est à l’écriture qu’il se remet pour se retrouver. Le tapuscrit de son roman Le conclave des ombres. Récits de choses peut-être vues ou entendues terminé en 2005 et les nombreux poèmes qu’il a semés sur son passage, témoignent que pour lui l’écriture est soliloque, une épreuve de renaissance et de réconfort moral, une ivresse de sens et de sensations qui élève au-delà des ruines insipides du quotidien. A l’instar de Baudelaire, son projet littéraire est une quête des fleurs de l’angoisse, car l’exil il le porte au fond de son cœur et sait le dire avec la langue de son temps, cette langue qu’il a en commun avec son ami et complice Edem Awumey dont le roman Port Mélo (2006) en est un vrai télescopage.

A l’évidence, Robert Silivi a su faire de l’écriture un remède spirituel contre les tours et détours de l’existence. Et de tout ce qu’il peut éprouver, il ne retient que ce qu’il estime utile à ses préoccupations littéraires. L’on comprend alors pourquoi ses textes sont peu traversés d’humour et des recettes bon marché pour, sans doute, rester un lieu d’intelligibilité où le lecteur est appelé à se projeter à lui-même face à l’exubérance du mot juste. Ici encore, on ne peut que se référer à la pertinence des propos de Solo, le personnage le plus vrai et le plus dense de la courte carrière d’écrivain de Robert Silivi :Solo : Je refuse de finir comme cet autre homme que j’ai croisé un jour. Il avait des photos qu’il montrait aux passants. Des photos de lui prises au jour le jour pour tracer son parcours. Il a fait tous les bidonvilles de Manille à Port-au-Prince, tous les camps de refugiés du Congo à la Tanzanie. Maintenant il ne sait plus d’où il vient, quelle terre lui revient, quelle nation lui donne un nom et des racines. Il s’est pendu un matin, un doux matin calme, se balançant paisiblement, l’ai de sourire au ciel indifférent. […] Je voudrais réveiller tous ces morts pour leur donner à boire et me mirer dans leur regard immense pour retrouver la lumière d’antan. L’exil me fait peur. (p. 22-23)

Or comment fuir l’exil, l’éviter? Question à entrées multiples que chacun, dans nos pays de précarité, se pose pour lui-même et/ou pour les autres. Robert a conscience de l’omniprésence de la mort dans ces bas-fonds de l’humanité que constituent nos pays pris en otage. Lui qui, aux mécanismes social, idéologique et politique, a cherché, durant sa désormais courte vie, à opposer le dynamisme intellectuel et la subtilité de l’imaginaire. Il n’est guère étonnant que les échos familiers de la désespérance reviennent souvent sous sa plume même dès les premières pages de son roman manuscrit : « Aujourd’hui, je ne sais quelle heure, quel jour, quel mois, quelle année, j’ai vu partir mon voisin de pallier. Il s’est arrêté un moment. Il se savait observé. Il ne s’est pas tourné mais je sais qu’il venait de me lancer un dernier regard » (Le conclave des ombres, p.5)

Robert est un grand amoureux qui aime la vie et les êtres

Un tel envol lyrique de ses écrits ne déteint point sur l’élan vital de sa plume qui est le repère par lequel il balise ses convictions, car Robert est un grand amoureux qui aime la vie et les êtres, la solitude comme la compagnie. Et si dans tout ce qu’il écrit il campe plus les personnes humaines que de simples personnages, c’est bien parce qu’il sait, en grand connaisseur de la littérature,  que la seule manière juste et sincère de comprendre le monde, c’est de le recréer par le prisme de la rigueur et de l’objectivité loin des clichés à la mode. En cela, sa poésie est d’une extraordinaire densité philosophique, métaphysique, ontologique et littéraire. Celle-ci situe ses exigences et son langage dans l’étrange et incompréhensible géographie humaine où la femme reste l’incommensurable océan qui déleste le regard et le cœur ou qui fait sombrer les attentes dans les flots d’une douce douleur.

La plupart de ses poèmes sont en prose et réunis sous le magnifique titre de Géographies intimes de la Femme-fleuve, dont l’Anthologie de la nouvelle poésie togolaise donnait un avant-goût en 2012 (pp. 207-225)

Le projet littéraire de Robert Silivi prouve à l’envi que l’esprit des jeunes restés au pays est étonnamment voyageur, décidé à aller au bout de la détresse collective, à surpasser la déprime dans un univers carcéral qui réprime le plaisir et le sourire innocent. En vrai poète, Robert fait du moindre souffle littéraire un voyage vers lui-même et vers l’Autre, une traversée de la conscience humaine. Alors, romancier? Dramaturge? Essayiste?… Robert est simplement un poète du roman, du théâtre et de la pensée sociale.

D’ailleurs, le personnage de la Voix qui traverse « la salle en toute hâte tel un fantôme » dans Croisée de solitudes s’exprime, fait rare pour le théâtre, dans une tonalité particulière qui en fait un souffle poétique et annonciateur d’un langage intérieur : La Voix : Comment suivre la direction du vent ton chemin? Comment heurter la pierre sans grimace et nommer la solitude béante où te précipite la tyrannie? Qui parlera pour qu’une balle lui ouvre l’arcade, chut! Ils sont des snipers, chut! Et tu cherches ton chemin Tu cherches la mer et les étoiles, Mais les clés sont si rares pour dévoiler l’énigme de la démence, pour décrypter gestes et silences dans ce goulag, ma terre-amour. » (pp. 1112)

Robert Silivi est un grand poète qui sait dire le quotidien dans ses banalités et dans ses évidences

Robert Silivi est un grand poète. Un poète dans l’âme qui sait dire le quotidien dans ses banalités et dans ses évidences avec une vibration intérieure et une puissance de la parole qui en font un talent entièrement à part dans l’univers des lettres togolaises. Dans ses partitions, il est d’une bouleversante sincérité; il choisit de parler des sentiments et émotions fort simples comme la solitude et l’amour dans une écriture fluide et riche de métaphores, envoûtante et mélodieuse dont la douceur et la langueur, ingrédients omniprésents, finissent par emporter le lecteur au mystère du monde, de la rêverie, du dépassement, de l’indignation généreuse et de la fragilité humaine.

Tout porte à croire que parler de la femme revient, chez lui, à parler du monde, de la précarité du bonheur. La femme, comme le monde nous enseigne une leçon, une seule : il n’y a pas de vie merveilleuse, il n’y a que des moments merveilleux dans la vie. Les deux nous enseignent qu’il y a toujours un possible recommencement, une bouée de sauvetage. Et Silivi a toujours ce courage du recommencement même dans le désabusement total. Dans le poème en prose « L’Encerclé », il envisage sans affolement le sourire au bout de l’attente de l’inaccessible :  » Tout lui appartient, mais rien ne lui suffira. Je suis venu un jour de chaleur, m’enliser dans son exode estival et je suis tombé dans le tourment de ses caprices. C’est une ascèse ascendante, une mortelle escapade entre deux périls. Lequel me rendra plus aérien pour percer son ciel? Je suis prisonnier du miroir de ses yeux et j’attends de voir sa flamme m’embraser »

L’être aimé est « Fleur sauvage » – titre d’un autre poème – dont il faut savoir humer le doux parfum par-delà le rempart des ronces pour mieux se (la) découvrir et la dompter : « Il y eut les premiers puis les nouveaux arrivants, les plus téméraires n’eurent pour issue que leur recul massif, les autres rendirent leurs armes sans combattre, voués à son bon vouloir de vierge hermétique. Elle est si aérienne qu’il faut déjouer la morsure du soleil rayon par rayon pour entrer dans son giron de ronces »

Poésie d’amour que l’on savoure, toute l’écriture de Robert magnifie la douceur et la patience dans le carrousel de la vie. Aussi nous plonge-t-il dans une doucereuse prosodie dans laquelle l’on entend battre un cœur d’amant au rythme d’une aisance langagière que l’on envie : « Je suis prisonnier du miroir de ses yeux et mon cœur s’épuise dans le ruissellement infernal de son souffle. Ai-je la force de m’élever si haut pour la voir dans son bain matinal? »

Dans leur allure romantique, les poèmes sont chargés d’une grande possibilité d’évocation, même si souvent, les chutes très personnelles leur donnent une effusion fortement lyrique aux contours pessimistes, voire tragiques. Mais quoi de plus normal? C’est peut-être parce qu’il fait souffrir que l’amour est source d’écriture, de soliloque comme ces mots que Robert Silivi a toujours psalmodiés dans la solitude des soirs, sous le regard bienveillant des étoiles pour bercer nos propres attentes du cœur conquis, du cœur à conquérir, du cœur conquérant, en un mot de la vie et ses caprices.

Une grande poésie qui émerveille, un esprit précoce qui va nous manquer, un cœur unique qui s’est éteint, un monde qui s’en va…

Mais, comme Charles Baudelaire, il a laissé parler son cœur pour dire une génération maudite une vie sans mode d’emploi, tremper sa plume dans les douleurs d’un exil intérieur avec une décapante originalité. Mais en vrai poète, il a aussi su anticiper la mort surtout dans la dernière tirade de Solo, son double textuel dans Croisée de solitude :

Robert Silivi Photo Selom 1996

Solo : T’arrête pas Torche dis à B. que je l’aime à perpétuité que j’ai si froid, seul dans l’herbe humide où je tombe à portée des regards qui ricanent de nos malheurs depuis un siècle. Ma tendre absente la maison de mon enfance ma terre promise, je la vois qui danse au loin dans la brume, je vois flou, j’ai la gorge qui gèle. (Il ne bouge plus)

Certes, la poésie ne meurt pas avec le poète, mais il ne s’agit là que d’une insignifiante et absurde consolation car les mots seront toujours impuissants à remplir la béance que la disparition d’un être cher laisse dans nos cœurs. Pour ma part, saluer la mémoire de l’élève, du complice, du frère et de l’ami est pour moi plus qu’un devoir : lecteur privilégié de ses battements de cœur depuis bientôt trente ans, j’ai vu naître le littéraire, j’ai vu grandir l’Homme et je vois disparaître une sublime fleur du jardin commun, une fleur qui n’a pas eu le temps de répandre son voluptueux parfum. C’est au plus profond du cœur que l’on enterre les meilleurs et les amis et Robert Silivi dit Bob est un ami, un grand ami, un vrai ami, un authentique frère, la meilleure voix d’une absence inoubliable…

Sélom Gbanou

Quelques poèmes de Robert Silivi

Le chant de l’absent

  La parole est devenue si rare dans ce pays aux contours en faillite. Terre harassée au feu béant de la flagellation, marquage brûlant au fer lourd des bottes en furie. Les mots ont tari à la source sevrée longtemps avant l’aube avortée de nos premiers pas, nous troupeau obéissant, effaré et béat, pâté de cervelles ébouillantées, bouches ouvertes pour digérer aveuglément la crotte.

 Nous voilà couchés pêle-mêle dans les fosses du silence. Nous n’avons marché que pour revenir au commencement. Nous n’avons tant changé que pour devenir ce que nous avons toujours été. Nous n’avons zigzagué dans la fuite que pour nous ranger bien droit face au peloton.

 Et voilà encore sous le soleil éteint les longs corbillards qui remontent la rue fragile qui s’égare à quelque carrefour exsangue. La foule esseulée derrière les barbelés s’agite, car la rumeur gonfle, le cerveau gavé de peurs tentaculaires a déserté nos têtes.

 La ronde des corbeaux au-dessus des minarets, sonne le glas des derniers sursauts d’espoir, et tous détalent à l’heure où les prédateurs volent si bas que leurs serres écorchent la terre. Les morts en ce pays ont soif de sépulture, ils dorment à ciel ouvert et boivent continuellement la poussière des ruines alentour.

Sur ses ailes

 Je voulais prendre la mesure de son improbable regard, vision étrange d’une terre absente à l’appel des voyages. Mes yeux à peine effleurent sa couleur de terre rouge au reflet maléfique si flou au détour des nuits.

J’ai heurté la pierre qui garde son sillage et mon sang a soudain irrigué ses lèvres gourmandes et j’ai passé la porte interdite de ses formes. Oh! Chut! Messe basse ! Murmures béants ! Oh la cambrure insensée de ses crêtes m’affole! Oh! Ses côtes escarpées si augustes au loin, préservées de l’usure des tempêtes m’aveuglent de leur foisonnement tropical. Une goutte de pluie s’attarde sur sa peau dorée et glisse dans sa secrète posture de statuette. Oh! Hurlement dément à l’impact de son fouet! Ah! De grâce, soulagez ma chaire de cette immersion au creux de ma propre faute! Oh écorchures expiatoires, accordez-moi son sublime pardon! Oui! Je veux encore gratter son maquillage de braise pour déterrer mes frissons d’antan.

Elle entend mes cris et elle rit carapace hérissée. Oh! Comme elle s’agite dans ses draps d’or et d’encens. Silence! Elle dort!

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