Le Billet du Yovo ou Le billet du petit Blanc

En mina ou en éwé Yovo signifie le blanc. En interrogeant la racine de ce mot « Yévu » ou « ayévun »  se traduit précisément par « chien malin » ou « homme qui regarde de travers ». Bernard Müller regarde de travers la société et avec Togocultures, il initie son billet. Ce billet du Yovo fait la part belle à l’actualité entre là-bas et ici, ou inversement. Des questions qui nous bouleversent seront traitées chaque semaine par le « Billet du petit blanc ». Aujourd’hui, la question du vote des étrangers en France ou la nature de l’identité culturelle de l’Homme moderne.

La Rédaction

 « Le billet du petit blanc»:

Favoriser la multiplication des appartenances

Pomme de discorde Photo Gaetan Noussouglo
Pomme de discorde Photo Gaetan Noussouglo

François Hollande s’est exprimé à la télévision française le 6 mai 2014, droit dans les yeux de ceux qui prennent tardivement leur petit déjeuner avec le journaliste François Bourdin sur une chaine d’information française. Il est 8H30 et à ce moment de la journée la plupart des travailleurs sont dans les transports. Dans cet univers calfeutré qui n’appartient déjà plus à ceux qui se lèvent tôt, l’objectif de cette opération médiatique fut de réinstaller le président dans le paysage audiovisuel de la république et dans les cœurs de ses élus.

L’occasion se prêtait au bilan d’étape. Ainsi, dans cet inventaire de promesses électorales non tenues, je voudrais revenir sur l’une d’elles qui n’a été qu’effleurée[1] dans cette rencontre décaféinée et décroissante : il s’agit du droit de vote pour les étrangers.

Ce débat que pose cette promesse me paraît crucial[2]. Il est central pour orienter une politique culturelle digne de ce nom, au service d’une refondation des modalités de participation citoyenne. Le débat qui entoure le droit de vote des étrangers permet de redéfinir la signification de l’adhésion au projet citoyen, en faisant de la participation, le critère d’appartenance à la communauté. De fait, la sacro-sainte question de l’origine culturelle ou celle de la confession religieuse se trouve ainsi évacuée.

Plus qu’une reconnaissance de la différence, qui s’inscrirait dans une logique communautariste également à bannir, cette nouvelle citoyenneté reposerait sur le principe de la multitude des appartenances, la multiculturalité et la pratique simultanée – par une même personne -de plusieurs langues.

Sous tous les horizons, l’identité de l’homme moderne est bigarrée. Le travail de la culture et des arts se pose là : comme mode d’invention d’un monde nouveau, hétéroclite et fragmenté, dont nous sommes déjà tous porteurs. Un art de faire tenir ensemble des morceaux épars, patchworks vivants que nous sommes, avec nos langues rabibochées, nos religions bricolées et nos cultures partagées, bâtards que nous sommes tous.

C’est à l’aulne de cette mission que devront être jugés ceux qui construisent le monde de demain, sans plus essayer de s’éclairer à la lumière des idéologies d’un autre temps, ou de s’alimenter du faux idéal de la poursuite d’on ne sait plus quelle construction nationale.

 Bernard Müller  © Togocultures

Le 9 mai 2014

[1] «Je n’ai pas voulu introduire ce (texte législatif accordant aux étrangers non communautaires le droit de vote aux élections locales) avant les élections municipales, parce qu’on nous en aurait fait le reproche. Ce texte sera de nouveau proposé après les scrutins pour que dans la préparation (des élections) qui viendront dans six ans, il puisse y avoir cette réforme», a expliqué François Hollande, interviewé sur BFMTV et RMC, ce même 6 mai à 8H30 et des poussières.

[2] A priori, le débat semble biaisé, dans un pays où ceux qui peuvent voter ne le font pas, rappelons que 36 % des inscrits se sont abstenus lors des dernières municipales françaises

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