Joseph Kossi Gapé, un jeune batteur de 16 ans révélé par Togocultures, son aîné de deux ans, le chanteur Speezy ainsi que les ensembles artistiques : « Afuma, échassiers du Togo », « Mintolato » et « Amlima/Nunana » participent pour le compte du Togo depuis le 1er septembre aux côtés de leurs pairs africains à l’enregistrement de l’émission télévisée : « L’Afrique a un incroyable talent » au Palais de la culture Bernard Binlin-Dadié dans la capitale ivoirienne, Abidjan.
Au cœur de la fièvre de sélection
Plongé dans l’ambiance du Palais de la Culture Bernard Binlin-Dadié où se déroule l’événement, on découvre, on constate, on s’imagine à peine un monde aux talents protéiformes les plus incroyables les uns que les autres.
Dehors, dans une aile du Palais de la culture, le célèbre chorégraphe ivoirien Georges Momboye répète ses poulains sur un air de salsa endiablée ; dans une autre aile menant aux escaliers extérieurs, s’entrainent des acrobates guinéens de l’Ecole de cirque, le Centre d’art acrobatique Kéïta Fodéba. Les frères Sylla Kabinet et Aliya multiplient les numéros les plus éblouissants les uns que les autres pendant que plusieurs de leurs cadets de la même école se contorsionnent et s’amusent en séances interminables de tours acrobatiques. L’art est devenu leur seconde nature !
A l’intérieur de la salle de répétition et d’enregistrement elle-même, on trouve un monde hétéroclite démontrant les mille facettes artistiques dont recèle l’Afrique. S’y retrouvent, entre autres, Vounoundougou Leberger, griot camerounais qui tourne avec sa poésie et ses chants ancestraux au service de la paix ; et aussi la jeune Brouba Marie-Audrey, chanteuse à la voix captivante, qui se revendique d’une certaine parenté togolaise. Nous y avons également croisé Kadré Bi, alias « Le phénomène de Bezaka », un chanteur-interprète de l’OFI, l’Orchestre de Fraternité Ivoirienne, créé par la Mairie de Bouaké, la deuxième grande ville de Côte d’Ivoire.
Kadré Bi « Le phénomène de Bezaka » confesse son incrédulité en face de ce dans quoi il a été fourré de façon confiante, fort de son talent et de sa renommée. Mal lui en a pris : « Comment un chanteur comme moi peut-il se retrouver parmi des magiciens, des avaleurs et cracheurs de feu, des jongleurs, des cascadeurs et des acrobates ? J’avoue que ça me dépasse… ».
Sonné par son élimination subite, il tente d’oublier sa frustration en chantant sur des airs endiablés de zouglou et de zigblibiti accompagnés sur des tambourinades improvisés par les autres artistes qui tournent en cercle chacun avec la danse de chez lui. Le dimanche, Kadré Bi s’est fait volontiers accompagné sur la batterie expérimentale de Joseph Gapé sur des rythmes tout autant trépidants, exécutant au passage « Adjoba » de l’artiste Petit Denis sur un zouglou des plus remués. Un featuring et une collaboration artistique des plus inhabituels !
Sur la scène du grand événement, nous avons rencontré au passage Rhaude Mokaneo, un Congolais vivant en Côte d’Ivoire portant un habit tout cousu de plastiques bleu-marine et noires, qui fait de la musique avec le bruit de l’eau tout en sifflant et soufflant à même le sol dans des bouteilles multicolores revêtues de tissus pagne. Juste après, passe un jeune chanteur malien résidant au Canada, et Dexter, un Libérien vivant au Sénégal. Puis, c’est Solo Béton qui tourne sur la scène avec sa moto de cascadeur. Un monde visiblement étonnant !
Et nous, notre étonnement est plus grand lorsque ce « cascadeur professionnel » nous explique qu’il vit de son art, en tournant non pas seulement à Daloa, sa ville natale, mais encore partout en Côte d’Ivoire, cavalant pour des occasions diverses : funérailles, sorties de deuil, naissances, mariages… Décidément, ce ne sont pas seulement les artistes qui ont le sens du risque ! Sinon, quelle idée d’inviter un cascadeur grimpant une moto folle pendant qu’on réunit des gens dans une célébration de mariage ! Et pourtant, on en a fait apparemment des habitudes par ici!
Vivre une extraordinaire aventure humaine, c’est l’essentiel
Pour le compte du Togo oublié sur les médias internationaux, nous enregistrons pourtant plusieurs candidats dont : un jeune batteur « prodige » de 16 ans, Joseph Kossi Gapé révélé par Togocultures, un autre jeune talent de 18 ans, le chanteur Speezy qui vit à Ouagadougou ainsi que les ensembles artistiques : « Afuma, échassiers du Togo », « Mintolato » et « Amlima/Nunana ».
A cet important carrefour de talents, on voit certains pays hyper-représentés. En dehors des artistes du pays hôte, nous avons par exemple 70 candidats sénégalais (peut être plus), mais seulement une vingtaine de Togolais pour le moment. Certains comme les échassiers d’« Afuma » (Blaizo, Arouka Kossivi), Lucra (Arouka Kodjo) et Orara (Ayéna Adébayo) ont été auditionnés au célèbre festival Les Eurockéennes à Belfort en France. Pour avoir fait le tour d’Afrique et de France sans oublier leur escale mexicaine où un membre de la production Periscoop les aurait connus, le trio Afuma accompagné de leur percussionniste joue à fond sur son originalité sur des échasses ancestrales moulées dans la modernité du cirque. D’autres comme Amlima/Nunana doivent leur participation à l’inscription en ligne alors que Joseph Gapé doit sa participation à une page Internet et une vidéo sur You tube que lui avaient consacré Togocultures en 2012. Il a été inscrit en 33ème position à partir du bureau parisien de Periscoop.
Amlima/Nunana compte sur les multiples facettes de la formation de ses acteurs pour passer la première étape. Quant à Akodégnon Mawulolo Komlan Gillio alias « Speezy », âgé de 18 ans, il va tenter de convaincre le jury en chantant du Rn’B. Il a été sélectionné à Ouagadougou au Burkina Faso où il réside depuis cinq ans. L’artiste touche à la batterie et au piano mais sa spécialité est le chant.
Ce lundi 5 septembre, les échassiers « Afuma » et le jeune Joseph Gapé avec sa batterie expérimentale recyclable particulière n’ont pas pu passer le cap de la présélection, tout comme « Mintolato », le groupe de comédiens et mimes qui a quitté le navire dès le 3 septembre. La prestation acrobatique à plus de 6 mètres en hauteur du groupe « Afuma » a mis le jury et la salle en émoi. In fine, l’honorable jury a estimé que cet « art des sommets » n’est pas celui d’une salle, mais de rue et de grands espaces. Non pas que le groupe a démérité !
Passé devant ce même jury ce jour, Joseph Gapé a été malmené par sa propre émotivité. Le jury l’a trouvé certes ingénieux mais suffisamment crispé. Il n’aurait pas tiré le profit entier de sa propre création ! Il a néanmoins eu droit à un gros bijou de la belle Claudia Tagbo. Une certaine grande récompense aussi. Après tout, il a toute la vie pour reprendre autant d’inscriptions qu’il veut pourvu que sa passion de la batterie soit aboutie et étonne vraiment ! A en croire le jury, les trois buzzles auraient eu pour finalité dernière de l’enlever à la tristesse dans laquelle il se plongeait tout seul sur la scène au lieu de s’éclater ainsi que le veut le principe de l’émission. Comme quoi, on ne peut dépasser ses propres limites ! Ce qui est tout à fait normal car cet enfant qui vit dans sa famille dans les hauteurs de Kouma a tout appris sur le tas. Il a créé sa propre batterie avec des ustensiles de cuisine et une bassine. Aucune formation en vue pour lui permettre de peaufiner son art. Il trimballe aussi avec lui, des problèmes d’ulcères gastriques. On espère que ce passage dans une aussi grande compétition améliorera sa vision de la musique et de la vie. Il n’a que 16 ans.
A la fin de cette impressionnante manifestation artistique et audiovisuelle de valorisation et de promotion des industries culturelles en Afrique, comme l’ont indiqué à juste titre les organisateurs, l’essentiel aura été tout simplement « de vivre une extraordinaire aventure humaine ». Tant pis ou tant mieux si vous n’êtes pas choisi à ce jeu de qui perd gagne.
Yod Wonoussé Edoh
Envoyé spécial de Togocultures à Abidjan
Abidjan, le 6 septembre 2016