Toofan : les princes de l’ambiance et de l’Afrique heureuse

Le décor représente le sous-sol d’un immeuble sombre, rayé par des portes grillagées. Du plafond, proviennent des lumières, trois ou quatre projecteurs avec des sunlights multicolores qui balaient régulièrement le décor, révélant des danseurs qui se contorsionnent en habiles athlètes, avec des gestes amples et justes. Ce sont des crochets et des uppercuts exécutés à l’endroit de rivaux imaginaires voulant leur arracher leurs fiancées. Car, c’est la nouvelle trouvaille de Masta Just et de Barabas, les deux compères du groupe. Ils miment le combat d’un homme voulant protéger et défendre sa bien-aimée, objet de toutes les convoitises.

Le rythme fait chalouper le corps entier, glisse sur les hanches dont les roulements s’enchaînent avec les poings qui se déploient alternativement, cherchant la cible à cogner. Et la chanson, « ma girl » chantée en duo avec le nigérian Patoranking, offre aux danseurs l’occasion d’explorer toutes les variantes de cette nouvelle chorégraphie. Sport, plaisir, humour, les trois éléments sur lesquels repose la philosophie de ce groupe, s’illustrent parfaitement dans ce nouveau clip. Toofan a choisi de construire ses succès autour de l’Afrique souriante et positive. Le plébiscite du public lui en donne raison.

Pourtant, quinzaine années en arrière, ce groupe était apparu presque dans l’anonymat. Avec leur premier titre, ces deux adolescents, à peine plus grands que trois pommes, rendaient hommage aux zemidjans, ces ferrailles à deux roues au ventre dégoulinant d’essence frelatée, qui rendent service en même temps qu’ils provoquent dégâts, accidents et morts d’hommes sur les routes. Le morceau n’était pas un hit, mais il permettait d’installer le nom et le rythme dans le cœur des mélomanes. Master Just et Barabas prenaient alors date pour insuffler à la musique togolaise le petit grain de folie nécessaire à son renouvellement. Il est vrai qu’exister aux côtés de King Mensah, d’Afia Mala, de Fifi Rafiatou après l’épopée historique des personnalités fortes comme Bella Bellow, Grégoire Lawani et Germaine Jourias, n’était pas une gageure. Mais entre les envolées lyriques d’un King Mensah, les élans afro cubains d’ une Afia Mala et la poésie fiévreuse de Vaudou Game, les jeunes Toofan ont su trouver leur voix.

Leurs textes, en français, en mina, en pidgin anglais, traitent de sujets légers dans une urbanité trépidante où la jeunesse peine à exister : les vertus de la musique, la prodigalité des patrons, la passion du football, la réconciliation nécessaire entre fils du même pays déchirés par des conflits insensés, la soif de vivre des jeunes, l’amour, la célébration de la femme, etc. Alors que la voix rauque et mélodieuse de Masta Just s’amuse à surfer sur les notes, les cris du rappeur Barabas, comme des incantations, viennent en prolonger les messages. Les rôles ainsi campés, il ne reste qu’au rythme de donner du corps et de la personnalité à cette musique.

Entre le coupé-décalé ivoirien, le n’dombolo congolais, le agbadja togolais et le high life ghanéen, il fallait trouver un rythme dansant, très communicatif qui fédère toutes les générations et fasse passer les messages. Les deux chanteurs vont prendre un peu de tout, déclinant à loisir la rythmique sur deux temps, parfois même sur trois (avec par exemple le agbadja) agrémentée des sonorités de guitare solo si typiques de la musique africaine. Et tout cela s’accompagne, à l’heure de la préséance des clips, des danses aussi inventives les unes que les autres, touchant à l’expressivité du corps : coolcatché, gweta, teré, ma ga…Toofan, maître de la scène et des platines, multiplie les hits, accumule les succès, devenant, à l’exemple des jumeaux de P-Square, l’un des groupes les plus demandés et les plus influents en Afrique. Même Koffi Olomidé est obligé de surfer sur du gweta pour ne pas paraître obsolète. Au Mexique, en Colombie, on ne compte plus le nombre de fans accrocs à leur musique. C’est le docteur Michel Kodom, leur mentor qui serait aujourd’hui sur un petit nuage. C’est lui qui, le premier, a cru en eux et leur a déroulé le tapis rouge. Pari gagné. Que du bonheur pour lui. Et pour les mélomanes.

Florent Raoul COUAO-ZOTTI

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