Sortie d’album: Ali Jezz sur les airs d’un hip hop au grand format

Ali JezzL’ambition et la passion font les grandes œuvres. C’est ce qu’a voulu certainement faire Ali Jezz, le chanteur de la scène togolaise du hip hop, avec son troisième album qui vient d’être dans les bacs. « Hip hop au grand format » est le titre de l’album, une compilation de dix-huit titres dont trois featuring avec King Mensah, le roi de la musique d’inspiration traditionnelle africaine, Noellie une chanteuse du paysage « gospel » et Lidzy.

Cet album se déguste comme du miel pour les amateurs du créole de Lomé, cet ewé-mina mâtiné du français dont Ali Jezz est un virtuose. Un lyrical flow qu’on lui connaît déjà avec son premier album « One million » sorti en 2003. Ali Jezz aime à choquer, le goût de la provoc à fleur de peau, un brin humoristique, distillant ci et là le venin de sa langue vipérine, dénonçant les tares sociales, le vécu quotidien. Comme souvent les hommes en prennent pour leur grade, à cause de la phallocratie, du machisme ambiant de la société togolaise qu’il dénonce dans les morceaux « Ajan » et « Nouloboé », tout en prônant la fidélité. Les hypocrisies sociales aussi sont montées en épingle. Et l’artiste se porte au secours des Orphelins qui du coup deviennent «des enfants abandonnés par leurs pères ». Il fallait le dire, quand on sait les milliers d’enfants jetés à la rue pour refus de la paternité par le géniteur. Les orphelins, il le chante dans le feat avec King Mensah, une reprise de « Djena », le morceau emblématique du King du funk traditionnel. Le meilleur titre sur ce hip hop grand format, pas aussi grand que cela peut-être, malgré l’ambition de l’artiste d’élever le niveau de la qualité. La musique bien sûr fait appel au folk traditionnel et le hio rap américain. Cela ressemble un tout petit peu aux deux premiers albums, mais plus soft et plus choquant, le langage plus ou moins lubrique d’un registre scatologique impressionnant. A interdire au moins de 15 ans. Un reproche tout de même pour cet album : l’artiste se laisse par trop engluer par le quotidien. A voir ce qui se passe au Togo, on s’étonne qu’un artiste n’ait pas de mots pour chanter un peu plus fort le vécu quotidien de ses concitoyens, la misère ambiante et pourquoi pas la grande difficulté des Togolais à dépasser leur crise politique. Avec Ali Jezz, on a juste comme l’impression d’avoir trop d’histoires de fesses.

Ali Jezz confirme sa place, éminente, dans le panorama du hip hop. Et ce gourmand collectionneur de titres, meilleur Tube Rap en 2004, 2005 et Meilleur clip Vidéo 2005 du Togo Hip Hop Awards, meilleur album du Blekete d’or 2007, en rajoute un tantinet.

De son vrai nom Ali Philipps, ce métis a débuté sa carrière comme danseur du rap à Maquina Loca dans les années 1980, avant de fonder son groupe K-Grav avec des danseurs du zouglou détournés de leur genre. En 2003, il fait paraître avec fracas son premier album « One million » dans lequel l’artiste épingle avec beaucoup d’humour la prostitution sexuelle des jeunes filles qui s’entichent avec les vieux riches. Il y dénonce également la gabégie et la corruption, la mauvaise gouvernance. 2004, il pose sur la compil « Entre deux mondes », un produit de la Hope Row Record, premier label du rap au Togo. Sa chanson « Hip hop respect » fera partie des 15 titres de la compile qui auront beaucoup de succès. Après un deuxième album voit le jour, qu’il nomme « Police ». Avec la même rengaine, la même constance et la touche de son inimitable cousin et fidèle associé Dub’n Flezz.

Avec Hip hop grand format, Ali Jezz se donne une musique à la taille de son physique.

Ali Jezz, Hip hop Grand Format, Mix Box Production, Prix 1000 Cfa.

Tony Féda© Togocultures

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