Quand il pleut à Lomé, les averses des zones tempérées n’ont qu’à aller se rhabiller. Ici quand il pleut, c’est le ciel qui tombe sur la tête. Ici, nous ne sommes pas loin de l’équateur et la mousson n’a qu’à bien se tenir.
Alors, en un clin d’œil, la ville change d’habits, les routes débordent d’eau et les flaques se rejoignent entre elles pour ne plus faire qu’un grand lac. Les cours des maisons sont désertées aussitôt, les étals se retournent et les rues se vident, Les moteurs se noient et les voitures s’immobilisent dans des surfaces d’eaux rougeâtres, parfumées à la latérite.
Les enfants s’amusent. Leurs parents les réprimandent mais cela ne leur fait ni chaud, ni froid, tant la pulsion du jeu est forte et que l’air est moite. Les fonctionnaires sur le départ rebroussent déjà chemin, trouvant ainsi leur excuse du jour.
Les fous pataugent dans la boue, heureux. Les notables arrogants dans leur 4X4 surélevées traversent les eaux à la manière d’un hors-bord. Tout devient abri. Et l’objet le plus improbable est alors invité à révéler sa vertu imperméable.
Telle bassine qui à l’instant contenait encore on ne sait quelle marchandise se transforme en couvre-chef….Telle tôle déchirée servira à couvrir l’étal d’une marchande… Tel bout de plastique fera l’affaire sur la tête d’un élève sur le chemin de l’école dans son kaki beige devenu presque gris de pluie.
Les stations-essences accueillent bien malgré-elles, devant des pompistes scandalisés, des centaines de motards en perdition qui attendent la fin de l’averse, sans faire le moindre plein, gorgées d’eau qu’ils sont déjà.
Même le cercueil-poisson des pompes funèbres de la route d’Adidogomé semble frétiller devant ces paquets d’eau, lui qui est pourtant condamné à la terre. (voir billet « Partir sous terre en hélicoptère » )
Les filles toujours surprises par ces attentats de la nature, tentent de protéger leurs nattes si patiemment tressées, en plaquant leurs deux mains sur la tête, oubliant le reste du corps qui – aussitôt trempé – en souligne certaines formes habituellement plus discrètes.
Étrangement, quand il pleut à Lomé, les parapluies se font rares. Lucien en a fait les frais.
Bernard Müller © Togocultures