En 2008 aux éditions Ndzé a paru en poche en France Enfances, un recueil de neuf nouvelles sur l’enfance publié par les Editions Ndze en 2007, une maison africaine logée au Gabon et spécialisée dans la littérature africaine, ce qui démontre si besoin en est, qu’elle fait un travail de qualité.
Le recueil contient deux nouvelles d’écrivains togolais parmi les plus célèbres, Sami Tchak (Une bonne nouvelle) et Kangni Alem (Le nain volant), et qui constituent des références en matière de littérature africaine. Il est à noter que depuis 1989 la littérature togolaise écrit ses lettres de noblesse notamment dans les domaines du théâtre et de la fiction grâce à plus d’une dizaine d’auteurs. Si Sami Tchak et Kangni Alem peuvent être considérés comme les fondateurs du roman togolais, Hermina pour le premier et Cola cola Jazz pour le second, Kossi Efoui demeure sans doute celui qui a créé une tradition théâtrale au Togo.
En dépit de cette poussée littéraire, on remarque l’absence des nouveaux auteurs togolais dans les programmes d’enseignement de la littérature togolaise dans les classes de lycée. Les programmes actuels sont vieux d’au moins deux décennies et les auteurs au programme sont toujours les mêmes : David Ananou, Félix Couchoro, Emmanuel Dogbé ou Senouvo Agbota Zinsou. L’inspection de l’enseignement se contente seulement de remplacer un ouvrage d’auteur par un autre sans que l’on se pose des questions sur l’intérêt littéraire et la qualité des ouvrages. Pour caricaturer, la politique d’enseignement de la littérature peut se résumer de cette façon: rangez les Grands Prix littéraires d’Afrique Noire au placard, mettez en évidence les auteurs inconnus !
Est-ce ce programme suranné et inadéquat qui est à l’origine de la baisse générale du niveau en français ? On ne saurait l’affirmer avec exactitude, mais toujours est-il que les enseignants se plaignent du fait, en plus du désintéressement des élèves pour les auteurs au programme.
De toute façon, le ministère de l’enseignement et les inspections pédagogiques semblent en déphasage avec l’enseignement moderne de la littérature, car la même situation prévaut en ce qui concerne la littérature africaine, où les auteurs au programmes sont toujours les classiques Césaire, Senghor, Damas ou autres, comme si les auteurs de la négritude et de la littérature post-colonie sont les seuls écrivains que l’Afrique ait connus ; comme si « la littérature africaine ne peut être lue que par le prisme de la négritude, de « l’engagement », de la « postmodernité », ou de la « post-colonie ». En fait, les inspecteurs ne mettent que les ouvrages qu’ils ont connu ou lu depuis belles lurettes. Ceci démontre encore une fois l’échec des politiques de l’enseignement et du livre au Togo.
Un espoir semble toutefois luire à l’horizon: les Editions Graines de Pensée s’apprêtent à publier en décembre 2009, avec l’aide de l’OIF, Femme infidèle, le premier roman de Sami Tchak en langues nationales mina et tem, les deux langues les plus parlées au Togo. On peut s’interroger légitimement sur la portée d’une telle publication, étant donné que peu de gens sont incapables de lire en ces deux langues, jusqu’ici seule la bible fut traduite dans les langues nationales. Mais les ambitions ici sont multiples : créer un lectorat dans les langues nationales ; susciter la traduction d’auteurs togolais dans ces langues ; amener les auteurs à écrire dans leurs langues.
Exemple : en Tanzanie, la plupart des auteurs écrivent en swahili avant d’être traduits en anglais ou français ; les Tanzaniens ont résolu pour ainsi dire le problème crucial qui se pose aux pays colonisés d’Afrique francophone : l’enseignement dans les langues nationales enfin de mieux approprier le savoir. Les Tanzaniens ont réussi grâce à leur premier président Julius Nyerere, le père de la nation, le premier à avoir traduit Shakespeare en swahili et qui a appliqué une politique de l’enseignement en swahili. C’est ce qu’on appelle avoir un projet de pays avant d’arriver au pouvoir ou acquérir un poste ministériel.
Tony Féda©Togocultures