Lomé et Togblékopé, terre de contes

Septembre, les vacances scolaires se prolongent au Togo. Rogo Koffi Fiangor saisit une fois encore ces moments de flottement entre une rentrée qui tarde et des vacances qui s’éternisent pour inviter les conteurs du Togo, du Bénin et Burkina Faso à célébrer pour la 5e édition, la beauté des belles histoires. C’est le Festival Misé gli loo. Rendez-vous de contes ludiques, éducatifs, moraux, mystérieux, contemporains, légendaires qui ont suscité de véritables engouements et fascinés petits, mentons velus et cheveux gris.

Rogo Koffi Fiangor à Toglékopé Photo: Gaëtan Noussouglo
Rogo Koffi Fiangor à Toglékopé Photo: Gaëtan Noussouglo

En collaboration avec Terre de récits en France et Gabité – Maison de l’oralité au Togo, les contes sont en balade : Goethe Institut de Lomé, Star Bus de Gbossimé, la Cour du Roi de Togblékopé et le centre culturel Hakuna Matata à Adidogomé. Quatre lieux, quatre différentes façons de raconter, d’entrer en scène, de travailler sur les contes et les récits. Des racontées frontales, l’adaptation au plein air, à l’entrée dans une arène comme à la cour du Chef de Togblékopé, toutes les pratiques avaient voix au chapitre.

Raconter en plein jour nécessite dans la tradition togolaise la demande d’une permission aux aïeux. Au lieu d’inviter les auditeurs à enlever un cil et un cheveu et l’enfoncer dans un trou de fourmi, comme cela se fait de façon ordinaire, un notable du chef accompagné du conteur Alassane Sidibé préfère directement s’adresser aux mânes des ancêtres et aux esprits à travers une invocation-imploration exécutée dans les règles de l’art.

Mise gli loo à Togblékopé Photo: Gaëtan Noussouglo
Mise gli loo à Togblékopé Photo: Gaëtan Noussouglo

Avant d’entrée dans cette cour du Chef de Togblékopé, le Dou Légba ou Eshu et ses acolytes vous accueillent. L’univers du Vodou et du culte des ancêtres est là, présent. Dans ce village non loin d’Agoé Nyivé, 15 km au Nord de Lomé, les enfants affluent sur les lieux ouverts aux quatre vents. Misé gli looo… Les contes peuvent commencer sous le magnifique tamarinier de la cour royale. L’univers de la sagesse des anciens est rappelé à travers Atopani- tambour parlant, habillements, proverbes et devinettes. Objectif : relayer les valeurs ancestrales essentielles, des connaissances d’aujourd’hui et d’hier aux enfants et adultes ?

Les conteurs Allasane Sidibé et Alex Mondé Photo: Gaëtan Noussouglo
Les conteurs Allasane Sidibé et Alex Mondé Photo: Gaëtan Noussouglo

Plusieurs conteurs professionnels se relaient. Ils content en français et en mina. Les enfants, adultes de tous âges et notables participent et se régalent. Une vraie joute contée entre jeunes avant que la parole ne soit donnée aux « vieux » notables. Un relai formidable car depuis l’apparition de la télévision, les contes se perdent. Les parents ne content plus à leurs enfants et les « vieillards » ne racontent plus publiquement. Cette première école, véritable source d’éducation en Afrique est restée fermée ! Les notables présents ont relevé le défi de donner de la voix et ils n’ont rien perdu à l’art de conter, de captiver. Malheureusement, avec l’âge, ils n’ont plus une voix forte comme les professionnels pour capter l’attention de ce nombreux public. Débuté à 16h, le public et les conteurs ont été paradoxalement surpris par la nuit et l’obscurité naissantes appelant à rentrer aux pénates. Les derniers contes laissent un goût d’inachevé. Ces expériences épanouissantes et réjouissantes méritent d’être renouvelées.

Le conteur et musicien Roger Atikpo Photo: Gaëtan Noussouglo
Le conteur et musicien Roger Atikpo Photo: Gaëtan Noussouglo

Quelques jours plus tôt au Goethe Institut de Lomé, dans le théâtre de verdure bondé à souhait, quatre conteurs ( Roger Atikpo du Togo, Patrice Toton du Bénin, François Moïse Bamba du Burkiba Faso et le doyen Béno Alluwasio Sanvee du Togo) et un musicien béninois ont comblé les attentes d’un public de connaisseurs. Rogo Koffi Fiangor allègre maître de cérémonie, tisse les liens et brode entre histoires drôles, contes et sagesses.

Rendez-vous est pris pour 2015. Il est grand temps que ces initiatives ne soient plus de simples festivals mais des activités présentes dans la cité toute l’année et qui parcourent tout le territoire. Le besoin d’histoires est là comme nécessaire et qualitative nourriture pour les esprits à isoler des mauvais et répétitifs feuilletons à la télévision nationale.

Gaëtan Noussouglo © Togocultures

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