« La quête des racines noires passe par la « Rome Noire », Salvator de Bahia »

Le festival des divinités noires qui se déroule à Aného au Togo est un festival atypique, inclassable. Il rassemble des milliers de personnes chaque édition autour des diverses cultures des sociétés initiatiques africaines et de la diaspora. C’est un festival de chants et danses traditionnels. Il intègre, entre autre, l’esclavage et les souffrances des peuples noirs. Il est né en 2006 et plusieurs reportages ont fait écho de cette manifestation. Togocultures a approché le Président de l’Association Acofin organisatrice de ce festival. Maitre Yves Tété Wilson-Bahun nous en éclaire davantage sur ce festival.

 Togocultures : M. Wilson, vous êtes le président de l’association qui organise le Festival des Divinités Noires. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a motivé à  créer ce festival?

Tété Wilson-Bahun : Le festival des divinités noires a été créé en 2006 après plusieurs années de réflexions qui ont débuté entre des étudiants Togolais, Béninois et Antillais et Français, à Poitiers, tous passionnés de culture africaine. Nous voulons retrouver nos racines et renouer nos liens avec la diaspora africaine des Amériques et d’Europe.

Togocultures : Nous constatons que vous êtes très actifs : on entend parler de vos activités hors du Togo entre deux festivals. Pourriez-vous nous en parler ?

Tété Yves Wilson-Bahun, directeur du Festival des Divinités Noires
Tété Yves Wilson-Bahun, directeur du Festival des Divinités Noires

Tété Wilson-Bahun : ACOFIN, l’association pour la sauvegarde du patrimoine culturel africain, suscite beaucoup d’intérêts dans le monde. En même temps, le festival des divinités noires détonne par son originalité et fait parler du Togo en bien.  ACOFIN a, par exemple, eu plusieurs rencontres fructueuses au Brésil avec la Fondation Palmarès, la SEPPIR et le Ministère de la Culture à Brazilia  et à Rio de Janeiro. De même un accueil chaleureux nous a été réservé par le directeur du musée Afro-Brasil à Sao Paolo. Autre exemple, à Salvador de Bahia, ville invitée d’honneur du festival 2007, qui a accueilli deux délégations d’ACOFIN, en 2007 et 2008, le Bale Folclorico De Bahia, le plus grand ballet traditionnel du monde, a invité notre association pour son 20éme anniversaire. A cette occasion le Bale a créé une chorégraphie spéciale en reconnaissance à l’accueil inoubliable qui lui a été réservé au Togo lors de sa participation à la 2ème édition du festival des divinités noires. Cette chorégraphie s’appelle «Togo, le Pays du Vaudou ». Il faut reconnaître que la quête des racines africaines passe par Salvador de Bahia, qu’on appelle «la Rome Noire», c’est-à-dire la ville qui a le mieux conservé la culture africaine de l’ère esclavagiste. A l’issue de la présentation de cette chorégraphie, le Togo a été longtemps ovationné par plus de 2000 personnes devant des divas de danses classiques et des stars noires américaines mondialement connues. Plus récemment, le 10 Mai 2009, une délégation d’ACOFIN s’est rendue à l’inauguration du musée de l’esclavage à Bordeaux, sur invitation de Monsieur Alain Juppé, ancien Premier Ministre de la République Française et Maire de Bordeaux. Cérémonie à laquelle participaient Madame Alliot Marie, Ministre de l’Intérieur, ainsi que Madame Christine Albanel, Ministre de la Culture et de la Communication et Monsieur Yves Jego, Secrétaire d’Etat chargé de l’Outre-mer. Plusieurs hautes personnalités dont Madame Christiane Taubira ou Madame Françoise Verges, des représentants de l’UNESCO et des fondations culturelles ont assisté à cette Journée nationale de commémoration de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions, qui avait lieu cette année à Bordeaux.

Nous tenons particulièrement à remercier Monsieur Alain JUPPE qui, par cette invitation, a remis le TOGO au centre de la Route des Esclaves : en effet, plus de 2.000.000 de Dahoméens et de Togolais ont transité par le port de Ouidah (Bénin) pour être vendus aux Amériques comme esclaves. Les ports d’Aného et de Porto Seguro (Agbodrafo) ont également été mis à contribution lors de cette traite. Malheureusement le Bénin et le Togo n’ont pas assez communiqué sur cette phase de leur histoire, ce qui a pu laisser croire que les esclaves d’Afrique de l’Ouest étaient tous partis de l’île de Gorée.

Togocultures : Quel est l’apport du festival des divinités noires à la connaissance de l’esclavage au TOGO ?

Tété Wilson-Bahun : La cérémonie de contrition de Klouvidonou en 2007 avec les Brésiliens, notamment les représentants officiels du Brésil, le Bale Folclorico de Bahia et les populations togolaises, a eu beaucoup d’échos dans le monde. Car le Togo était le grand absent du programme de la Route des Esclaves. Ces propos peuvent être confortés par le fait que les divinités du Togo se retrouvent à Bahia en leur état originel. L’Afrique est très présente au BRESIL à travers quatre aires culturelles : Yorouba (Nigéria-Bénin), Fon (Bénin – Togo), Ewe (Togo-Ghana), Bantou (les deux Congo et l’Angola). Comme je vous le disais, ACOFIN a, dès sa création, décidé de s’intéresser à l’histoire de l’esclavage au Togo, et c’est pourquoi nous avons envoyé des délégations au Brésil et à la cérémonie de Bordeaux.

Sans dévoiler entièrement le thème, la quatrième édition du festival des divinités noires comportera des cérémonies de purification et de contrition pour conserver le souvenir de la traite négrière et de l’esclavage au TOGO.

Togocultures : Certains voient en ce festival une résurrection du vaudou et en ont une peur bleue. Que pourriez-vous dire pour les convaincre ?

Festival des Divinités Noires, une démonstration de Zangbéto
Festival des Divinités Noires, une démonstration de Zangbéto

Tété Wilson-Bahun : ACOFIN n’organise pas un festival vaudou mais un festival des sociétés initiatiques africaines.  Le vaudou c’est le sud du Nigéria, du Bénin, du Ghana et du Togo. Je ne pense pas que les troupes qui viennent de Bassar, Tchamba, Bafilo, Kpalimé font du vaudou. On ne peut pas non plus assimiler le Poro de Kouto (Côte d’Ivoire) au vaudou. Nous devons plutôt nous pencher sur l’anathème qui est jetée sur le vaudou, la religion première de nos ancêtres. Cela provient de l’esclavage et de la colonisation, qui avaient surtout cherché à diaboliser tout ce qui appartenait à ce continent : malheur aux vaincus. ACOFIN s’intéresse énormément à la partie culturelle du vaudou et des autres sociétés initiatiques africaines; par exemple les cérémonies précédant les luttes Evala en pays Kabyè, les Fangs du Gabon, les Senoufos  de la Côte d’Ivoire et les Dogons du Mali.

Togocultures : A quand le prochain festival et quelles seront les innovations et les pays invités ?

Tété Wilson-Bahun : Les Brésiliens nous ont demandé de déplacer la date du festival, afin de pouvoir y participer. Ils se rendent au festival mondial des arts nègres, et tiennent absolument à participer au prochain Festival. Par conséquent le prochain festival des divinités noires aura lieu à partir du 17 Décembre 2009.  Nous sommes, en outre, en négociation avec plusieurs sociétés initiatiques pour vous surprendre cette année encore.

Togocultures : L’Etat vous soutient-il dans vos démarches ?

Tété Wilson-Bahun : Nous avons tout le soutien de notre ministre de tutelle, Monsieur Oulégoh Kéyéwa, le Ministre de la Communication et de la Culture. Nous allons préparer ensemble avec le ministère de la Culture, la 4ème édition du festival. Nous avons également l’appui du Président de la République, Faure Gnassingbé qui a apporté une importante aide logistique et financière pour la tenue de la 3ème édition l’année dernière.

Togocultures : Votre cri de cœur.

Tété Wilson-Bahun : Il faut voir la chorégraphie « TOGO » du Bale Folclorico De Bahia. Il faut lire absolument l’Océan Noir de William Adjété Wilson, un artiste plasticien Togolais vivant à Paris, qui commente ses fantastiques 18 tentures sur la culture africaine et l’esclavage.

 Interview réalisée par Gaëtan Noussouglo pour Togocultures

LES NOMS DE L’ABOLITION

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