(La maison d’édition Graines de Pensées a publié à fin 2008, le roman du professeur Daniel Lawson-Body, précédemment directeur du Bureau régional de la Francophonie à Libreville. Spécialiste du nouveau roman, monsieur Lawson-Body dispense des cours dans les universités de Lomé et de Kara. Nous avons assisté à la soirée café littéraire qu’il a organisée au CCF pour le lancement de son roman La déméninge.
Il faut dire que déjà le titre démange les méninges et ça déménage. Cependant, ce n’est pas tant ce qui m’excite au moment d’écrire ce texte ; c’est plutôt de voir comment le professeur , au stylo rouge même au grand- marché à corriger les fautes des braves commerçantes qui n’ont que faire du Français de Robbe-Grillet, du professeur aux oreilles inquisitrices à traquer les fautes dans le parler militaire de ces officiers et hommes de troupes qui n’ont rien à cirer de l’accord du participe passé conjugué avec l’auxiliaire avoir des verbes impersonnels. Bref, voilà, du professeur d’un cran au-dessus de Larousse, de Littré et du Petit Robert en cartel.)
Pour commencer, ce fut une soirée épique. Très épique. Un programme tout classique: une introduction par Antoine Violeau, une présentation de l’auteur par une fonctionnaire de Graines de Pensées, la présentation de l’œuvre par Anatole Mollé, intervention de l’auteur, puis questions. Que du classique.
Tout s’est bien passé jusqu’à la prise de parole de l’auteur. Antoine Violleau a été bien français, la fonctionnaire de Graines de Pensées a été concise, et Mollé, manquant d’emphase, a réussi tout de moins à donner au public, un aperçu du contenu du livre, malgré la profusion de lectures d’extraits par des étudiants en habit de soirée pour l’occasion. Puis le professeur Daniel Lawson-Body a pris la parole. D’abord, j’ai appris que la décision d’écrire ce roman avait fait l’objet de dix années d’atermoiements, tant l’œuvre à réaliser était titanesque : 155 pages à peine. Bref, entre nous, à cette allure, des types comme Hugo ou Tolstoï auraient exigé des longévités bibliques pour pondre leur bibliographie. Donc, après avoir expliqué que « le nom tue le nom », que dans un roman, une seule personne pouvait avoir autant de nom qu’on voulait lui en attribuer, et que « Lomé, Mélo, Molé, et Elom participait de la même recherche de pureté de la langue française », un peu comme « ancre », « rance », « crâne » qui ont en définitive le même sens en Français selon le professeur et participent de la recherche de la pureté de la langue français (sic), l’auteur a asséné son public d’une une série d’histoires drôles très en bas de la ceinture. Son fuel argumentaire semblait tari. Les histoires sur la différence entre l’église et les femmes, et celle entre un homme pré et post fornication étaient franchement d’un humour plus que douteux, venant surtout d’un respectable docteur ès-lettres, qui en matière de convenances, devraient en principe avoir des principes proches de l’inquisition. En public du moins ! Attention, je n’interdis pas la ribauderie, mais pas en public et quand il y a des dames respectables… Bref, après ces propos forts libertins, l’auteur nous a envoyé sur son lieu de prédilection, le bon français. Tel le tribun, il nous a dit comment la togolité était en français une hérésie, comment les gens parlaient vraiment mal français au Togo, à la radio, dans la presse, à la radio….Et bien entendu, comment il fallait parler ou écrire (il est bon seigneur en fait). Il faut préciser que son roman La déméninge (ça démange les méninges), n’est en définitive qu’un précis grammatical et orthographique sur la pureté de la langue française. Et certaines indications parfois mal à propos comme « tailler une bavette », ou les expressions latines insérées au forceps dans le roman, relèvent plutôt d’un « m’as-tuvuisme (pardon professeur si ce mot n’existe nulle part) désobligeant. Toute cette propension langagière pousse à penser que La déméninge est un prolongement d’un cours de Français que le prof aurait dispensé à moitié dans une université.
On avait cru avoir bu la tasse : mais non ! Avant de finir, le paillard tapi en lui a surgi de nouveau, et le professeur a gratifié son monde d’une dernière blague où il était question d’un jeune marié qui envoyait des messages signés « TVA », sauf votre respect mesdames lisez, « Trou Vachement Agrandi », à ses parents, des blague qu’on pourrait retrouver sur des sites d’humour, où elles se retrouvent à la pelle.
Résultat, la série de question s’est limitée à décortiquer le bon français. Seul un intervenant à réussi à reprocher à l’auteur le camouflage transparent des noms des personnages, DB résistant difficilement au déchiffrement de Daniel Lawson-Body, l’existence de DB ressemblant étrangement à celle de son auteur. Bref, c’était à chier. Chier ? Mais c’est impropre ça ! Ce n’est même pas familier, c’est populaire ! Sauf les brochettes du cocktail. Un régal et merci au passage à la restauratrice. Je parais dur dans mon appréciation, mais la qualité ne se gonfle pas la poitrine de fierté. C’est connu depuis les dieux grecs. Se pavaner pour sa maîtrise de français, alors que le texte qu’on a produit est un mélange de style, que le « je », le « il » et le « nous » dansent une gigue violente dans le roman, que des mots tels « nana », « pimbêche », « gonzesse » émaillent les passages, que l’expression « donner la route » se prête non de cette « togolité » que j’aime, mais du prétendu bon français, bon, top là, j’arrête. S’il a voulu faire du nouveau roman, il l’a fait à l’envers. S’il a voulu enseigner le Français, le canal est mal choisi. Si les Togolais parlent mal Français, les troubadours ont fait Malherbes ; les togolais ont fait Efoui (son dernier roman Solo d’un revenant vient de recevoir le Prix Ahmadou Kourouma le 23 avril 2009 à Genève), Alem (il vient de publier Esclaves), Zinsou, Gbanou et Sami Tchak et tous les etc. que je tais non pas parce qu’ils n’ont pas le mérite mais pour occuper cette expression latine « et cætera … Alors quoi ? N’est-ce pas le même prof qui enseigne la naissance et l’enrichissement de la langue française ? Les Français même le savent : la pureté de la langue française est un débat à l’académie, mais maintenir sa rigidité dans le parler quotidien, c’est lui tailler un linceul et refuser de tailler une bavette à la langue anglaise.
Ce propos me déméningeait, c’est bon, je m’en suis libéré. Point !
Ted Hangui