Hommage à l’écrivain Daniel Lawson-Body (1953-2015)

Daniel LAWSON-BODY, dit DB, écrivain togolais né au 20e siècle est mort le dimanche 12 Avril 2015. Son dernier roman, paru aux éditions Haho (une maison d’édition factice, dont je ne cesse de dénoncer l’inexistence, et dont se servent quelques anciens employés pour soutirer des sous aux auteurs !), portait un titre très long et beau, dont je me suis inspiré pour titrer mon hommage à l’écrivain : Peu d’épouses s’appellent Astrid (que j’abrège PESA). L’histoire d’un amour que le romancier présentait comme un modèle d’amour courtois. J’ai bien dit qu’il était né au 20e siècle, n’est-ce pas !

Le critique Edem LATÉVI s’étonnait aussi en son temps de l’amour chevaleresque que décrit le romancier, je cite : « nous pouvons lire chez cet auteur une forme de naïveté en amour, connaissant la réalité qui nous environne en ce 21ème siècle… Vivre à deux est plus un contrat social que l’expression de l’amour. Tellement les calculs sont énormes et délicats. Il se pose alors une interrogation. PESA est-elle une réminiscence du moyen âge et du classicisme ? » Quelque part, dans ce roman, DB laisse entendre aussi, que l’acte d’écrire est une victoire contre la mort. Je le comprends, surtout si on admet que le meilleur hommage que l’on puisse rendre à un auteur, c’est de le relire, ou pour ceux qui ne l’ont jamais lu, c’est de le lire. Oui, il faut le lire pour comprendre le pari fou qu’il s’est imposé lorsqu’il est entré en littérature comme auteur après avoir été longtemps professeur de théorie littéraire. Le nouveau venu dans les arènes littéraires togolaises ne laissa pas la critique locale indifférente. Il faut dire que l’homme n’avait pas froid aux yeux et assumait ses choix esthétiques, tous ses choix esthétiques. Il a tenté d’acclimater le Nouveau Roman sous nos cieux, en l’expérimentant sur trois romans. Il y avait une logique personnelle qui l’avait conduit à écrire, un besoin vital tel que cela apparaît dans PESA La vie peut faire d’un professeur de lettres un écrivain, l’inverse aussi.

J’ai toujours pensé que ceux qui « critiquaient » son choix d’écrire avec des techniques datées ne rendaient pas assez compte des motifs de ses choix. Tenez, relisez ce passage placé au début de PESA, roman écrit au mitan de la maladie qui emporta DB : « Longtemps, très longtemps, naïvement sûrement, j’ai pensé avoir définitivement payé mon tribut de souffrances à la vie, pour qu’elle me laisse un peu la paix. En paix seulement, jouir tranquillement, profondément, durablement du bien le plus précieux que Dame Nature m’a donné. » Il y a des mots qui sonnent autrement, quand la mort conclut l’œuvre de l’écrivain.

Plusieurs fois, dans nos discussions, je lui avais fait remarquer que ce n’est pas un hasard si un seul desdits « nouveaux romanciers » qu’il admirait a reçu le prix Nobel de littérature. Claude Simon, puisqu’il s’agissait de lui, avait sorti le Nouveau Roman de la simple technique, du simple rejet de Balzac et Flaubert, pour nous ramener vers le sensible, l’émotion, en travaillant sur un thème sérieux: la guerre. DB (comme on le surnomma après son premier roman La Déméninge, où il s’était mis en scène sous cet acronyme) n’ignorait pas tout cela. Après tout, il enseignait le Nouveau Roman. Claude Simon a servi le Nouveau Roman, mais il s’est éloigné du mouvement, en le subvertissant pour créer ce qu’il est convenu d’appeler le néo-roman ! Souvenez-vous, dans la préface à La Déméninge, son ami Kogoé AKRIMA lui en faisait la critique, clairement, regrettant l’enfermement dans cette technique. Ce que DB avait entrepris de faire avec trois romans seulement aurait-il pu conduire, au final, à une relecture personnelle des codes du Nouveau Roman ? Puisque, au final, ce dont il s’agissait c’était de provoquer le débat dans le champ littéraire togolais sur l’art même d’écrire des romans, et de proposer un renouvellement.

Il a lancé la polémique de façon orthodoxe, et je ne le voyais pas continuer dans cette voie à contre-courant, car j’espérais que son entreprise, rare dans le monde des lettres africaines, aboutisse nécessairement à subvertir les codes et imposer son hétérodoxie! Il m’avait annoncé travailler sur un quatrième roman, dont j’ignore tout du contenu. Espérons qu’il paraisse à titre posthume, et nous situe sur l’évolution ou non de la vision romanesque de Daniel Lawson-Body.

Paix aux morts, et vive la mémoire de DB à travers ses livres, La Déméninge, Damas, Peu d’épouses s’appellent Astrid !

Kangni ALEM

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