Mike Assogba: Le joaillier vaudou

Mike Assogba est un homme discret, presque timide. Nous l’avons rencontré chez lui un matin, dans sa maison située dans un quartier périphérique de Lomé, qui s’étend sous un réseau de lignes hautes tension. Il a pris l’habitude d’aller accueillir en moto au carrefour le plus proche ses hôtes qui trop souvent se perdent dans ce nouveau quartier, où toutes les rues ensablées se ressemblent.

Nous pensions rencontrer un vieux sage, et nous fumes surpris de voir apparaître sur son deux-roues au lieu-dit un homme svelte, élégant, drapé dans un « Mawa », la tenue traditionnelle d’Afrique de l’ouest, taillée et brodée dans le même tissu pagne.

Une fois arrivé chez lui, après nous avoir offert la traditionnelle coupe d’eau fraîche, Mike Assogba commence à répondre avec force détail, en pesant ses mots, visiblement conscient des malentendus qu’il pourrait générer. Son propos est en fait hors norme : selon lui, le culte des vodous pourrait se passer de représentations, la matière dans laquelle les hommes logent les forces étant selon lui superfétatoire.

Né à Lomé le 12 mai 1963, Michel Kossi Assogba dit « Mike », s’engage dans des études que ses parents n’auront pas les moyens de supporter financièrement au-delà de la classe de 4e. Il ne s’exprime pas moins dans un français parfait qu’il rêve de perfectionner. Son désir d’apprendre est grand et il se considère d’ailleurs d’abord comme un chercheur. On lit la fascination dans son regard, une sorte de magnétisme qui pousse à la spiritualité.

Il nous amène ensuite dans la maison de son frère, récemment décédé. Dans un espace dédié on y trouve toutes sortes de divinités. Il s’adresse à Sakpatè tout simplement. La consultation se fait en jetant une calebasse dans une bassine remplie d’eau, la manière dont elle retombe et le bruit qu’elle produit sont pour lui des mots qu’il replace dans une phrase. Par là, il s’agit de connaître nos intentions et de s’assurer que nous n’apportons pas avec nous un mal que nous même pourrions ignorer. En effet, il n’est jamais aisé d’entrer dans le secret des vodous quand soi- même on n’est pas initié. A l’acquiescement des dieux muets à notre sens et dont lui seul détient la parole, il se tourne vers nous pour se lancer dans une visite qui va durer près de deux heures. Chaque divinité a droit à son éloge : Mami Wata, divinité des eaux, les Légba ou guerriers de Sakpatè, la divinité Egun, … Combien de divinités possède donc Mike ? Une centaine, sans doute. Nourri aux seins des voudou, une fois adulte tous ses regards se sont ouverts sur lui. La plupart appartiennent à ses ancêtres, il en a pris d’autres pour se protéger et évincer les obstacles afin de préserver ses quatre enfants. Le vaudou n’est il pas un ancêtre transcendé, dont la médiation permet d’atteindre Mawu, le Dieu unique et suprême ?

Mike prend soin de ses vodous comme il le fait de ses joyaux. « Le vaudou, c’est un bien précieux, c’est ma vie et je ne peux jamais m’amuser avec. Les forces doivent être vénérées et non être vendues ! ». et de rajouter : « Point besoin de représentations pour séduire, quand on atteint un niveau supérieur dans le culte vaudou, le vaudou est en toi, dans ton for intérieur. Ça se sent, ça se vit. L’expérience crée la différence ».

Selon ce prêtre hors norme, qui cherche des formes nouvelles pour transmettre sa foi au monde, la foi est dans la croyance et non dans le visuel, le réel. Il faut dissocier ces deux mondes mais on se retrouve face à des asymptotes et c’est la stabilité de la croyance ou de la foi qui compte. Croire sans voir est un autre degré. Quand on a tout en soi, on n’a plus besoin d’un hectare de divinités représentées.

 Gaëtan Noussouglo © Togocultures

Cet article, sans les photos, a été publié dans le catologue Vodou, Voodoo

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