Mettre l’Art au service du développement économique: interview de Espoir Fadu, artiste plasticien togolais

Après avoir longtemps vécu et traîné sa bosse d’artiste au Bénin, Espoir Fadu a posé ses tréteaux au Togo. Cet artiste plasticien togolais qui se particularise par sa polyvalence est né dans l’art : Mère artisane, décoratrice, père musicien, chanteur et comédien. Il parle à Togocultures des grands moments de son parcours singulier et les ambitions qu’il nourrit pour redorer le blason de son métier au Togo.

 Enfance et choix artistiques

Espoir Fadu posant devant sa "Jarre messagère"
Espoir Fadu posant devant sa « Jarre messagère »

Il a commencé à tracer des figures géométriques et leurs déviations à l’âge de 5 ans aux côtés de sa maman, sans savoir ce que ces traces représentaient en ce moment-là. Il a contracté le virus de l’Art « depuis le ventre de sa maman ». Deux virus – du père et de la mère – se sont accouplés pour faire de lui, un artiste. Il n’a pas choisi les arts plastiques « ce sont plutôt les arts plastiques qui m’ont choisi et ont fait de moi leur prisonnier et j’en suis fier. J’étais plutôt tourné vers la prêtrise. Hélas ! Je n’ai pas pu réaliser mon rêve. Mais je vous avoue que cela me suit, partout où je passe, on m’appelle «Mon père» ou «pasteur». Cela me rend triste parfois » Comme pour la plupart des artistes africains son entourage n’avait pas accepté qu’il soit artiste car les artistes sont « des voyous, des vagabonds » et l’Art ne nourrit pas son homme. « Il y avait les difficultés d’accès au crédit, la carence de transmission du savoir par les aînés, le manque de soutien pour exposer mes œuvres ». Espoir Fadu a « bien sûr bénéficié de quelques coups de pouce en matière de formation et de conseil ; c’est l’occasion de remercier le Père Nyuiadzi pour tout ce qu’il m’a fait, mon premier professeur de dessin, le Prince Abdou et le grand frère Jimi Hope, un grand artiste ».

L’Art est sa vie et son sang « L’Art et ma vie sont deux choses indissociables. Je ne peux laisser l’Art pour autre chose. » Il a connu des moments de galère comme tout artiste « j’ai beaucoup souffert dans ce métier. Je sais ce que c’est que créer une œuvre et crever de faim à côté. J’avais aussi eu des propositions très alléchantes dans d’autres domaines d’activité ; je pouvais les accepter en abandonnant l’Art et gagner beaucoup d’argent. La question est de savoir si je serai heureux… Je ne peux pas non plus dire que je suis aujourd’hui satisfait financièrement dans l’Art. Je ne vis pas de mon Art mais je remercie le Seigneur, je ne suis plus à mes débuts. »

 Espoir Fadu parle de sa réussite et de son échec

Cet admirateur de Paul Ahyi, Jimi Hope, Michel Adayi , Romuald Hazoumé et de Picasso est aujourd’hui un « artiste confirmé » et aussi un promoteur artistique et artisanal. Il a fait de l’art et de l’artisanat une véritable entreprise en mettant sur pied une société qui intervient dans le domaine du bâtiment, de la publicité, de la décoration intérieure et d’entretien de locaux ; car qui parle de la beauté parle aussi de la propreté. « Mon art est d’abord un don, ce serait un péché de ma part de ne pas le partager avec les autres. Je suis directeur général d’une société qui est au Bénin et dont nous venons d’installer un bureau au Togo grâce à l’Art. » Il a obtenu plusieurs prix dans le domaine de l’art plastique. « J’ai été sélectionné par le Centre Social SOS d’Abomey Calavi au Bénin pour être formateur agréé dans le cadre du renforcement des capacités des maîtres artisans. Le Centre Panafricain de Prospective Sociale, partenaire opérationnel du HCR-Bénin m’a également fait appel pour former certains réfugiés. En 2004, une structure européenne m’a choisi pour représenter le Bénin et le Togo pour le Commerce équitable dans le secteur de l’artisanat. En 2005, deux de mes collaborateurs artistes avaient gagné les premier et deuxième prix du SNAB (Salon National des Artisans du Bénin) dans le domaine de l’art et la décoration. Je rends grâce à Dieu, car c’est ma modeste façon de participer à la promotion de ce secteur. » Comme échec, j’avais reçu une commande auprès d’une société au Togo. J’étais au Bénin, je ne pouvais pas descendre à Lomé pour des raisons de santé. J’avais confié le travail à mes collaborateurs et le travail a été bâclé. Cela a été une grande honte pour moi. Mais vous savez, mon plus grand échec, c’est de voir encore des frères et sœurs artistes et artisans souffrir, et vivre au seuil de la pauvreté sans que je puisse leur apporter grand-chose.

 « Commerce équitable dans le domaine de l’artisanat et développement socio-économique»

 On entend par « Commerce équitable », un moyen d’équilibrer les échanges entre les pays du Nord et ceux du Sud. Certains artistes plasticiens s’organisent en association, en réseau afin de pouvoir remplir les critères du « commerce équitable ». D’autres sont déjà partenaires de ce commerce. Par contre, il y a aussi beaucoup qui n’ont aucune information là-dessus. Un travail d’information et de sensibilisation se fait par les gouvernements et les ONG en Afrique. C’est l’exemple de la CERAD internationale (ONG togolaise qui appuie les artisans) et qui travaille beaucoup avec les artistes plasticiens sur cette thématique au Togo, au Bénin, au Ghana …

 Un artiste peut beaucoup contribuer au développement socio-économique et politique de son pays. Cette contribution ne peut être effective que s’il est encouragé ! Je vous donne l’exemple de King Mensah qui émerge grâce à son art. Cet artiste partage le fruit de ses durs labeurs avec les autres en créant un centre pour des orphelins et nécessiteux. Je lui rends un hommage. N’est-ce pas un bon exemple ? Ce que King fait est très louable, raison pour laquelle je me suis mis corps et âme à côté de « Micro-Mosaïc » (unité de production audiovisuelle) pour lui offrir un trophée « spécial développement » au cours de la première édition du concours « Excel Presse », organisé pour les journalistes au mois de mai 2007. Aujourd’hui, en tant qu’artiste, je me suis mis du côté du Centre Régional des Nations Unies pour la Paix et le Désarmement en Afrique (UNREC) pour apporter ma modeste contribution à cette noble lutte que mène cette structure.

 L’artisanat occupe une place très importante en matière d’emploi après l’agriculture et le commerce au Togo. L’industrie est la fille de l’artisanat. Le Togo peut faire de l’art et de l’artisanat de véritables entreprises, s’il y a une bonne politique nationale de développement de ce secteur. Prenons l’exemple des Chinois qui secouent le monde entier avec leurs créations ; c’est grâce à l’artisanat. Le Togo aussi peut arriver, doit et va arriver. Déjà, un effort louable se fait, mais beaucoup reste encore à faire.L’Afrique doit comprendre qu’il n’a rien de mieux à vendre que sa propre Culture. Aucun peuple ne peut prospérer s’il bafoue sa culture. Chaque peuple a sa culture et c’est à partir de celle-ci qu’il peut s’identifier et se développer. Donc, on doit accorder la première place à la Culture en Afrique.Chacun peut être utile là où il est. Il suffit qu’il ait les moyens. Ce ne sont pas nécessairement les moyens financiers ; certes ils comptent, mais l’environnement et les ressources humaines jouent un grand rôle dans le développement de toute entreprise. Pour réussir une entreprise, il faut 80% d’idées et 20% de moyens financiers. Je suis un simple artiste ; selon moi, pour réussir, « il faut mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut »…

 Projets d’avenir à court et à moyen terme

Nous allons bientôt organiser un forum des artisans et artistes plasticiens si Dieu le veut. Ce sera notre manière d’apporter notre modeste contribution à la valorisation de ce secteur au Togo.

 Propos recueillis par Edem Gadegbeku © Togocultures

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