Le coin du poète: VILLE FANTÔME de Maximilien Amegee

Les baobabs de Lomé Photo Gaëtan Noussouglo
Les baobabs de Lomé Photo Gaëtan Noussouglo

Maximilien AMEGEE est Avocat au Barreau de Paris. Féru de lettres depuis son jeune âge, Maximilien AMEGEE a fait du théâtre et de nombreuses tournées avec sa troupe. Il a terminé ses études secondaires dans le prestigieux lycée catholique Mabillon (à Sedan) d’où il sortira bachelier. Passionné de littérature, ses sources d’inspiration restent variées, allant de Sophocle, Rousseau ou Sartre à Sembène Ousmane ou encore Césaire. Maximilien AMEGEE entame alors des études de Droit à l’Université, lesquelles seront sanctionnées par une maîtrise de droit privé en 2001, un DEA de théorie générale et philosophie du Droit en 2002 et un DESS de Droit des nouvelles technologies de l’information et de la communication en 2003.

VILLE FANTÔME de Maximilien AMEGEE

Que reste-t-il des rosiers de ces 112 kilomètres-carrés que la Terre désirait tant ?

Et les étincelles peuplèrent la fumée-soir en plein midi d’avenir

Tous ces souvenirs

Ces lendemains aussi

 

Ce soir le soleil d’été

Arrivé d’un midi nonchalant

Sans bruit qui freine le vent

Sans vent qui brûle l’émoi

 

Terre rouge, vin de palme

Taule rouillée, canicule

Arbustes fatigués, don Diègue

Visages traversés par le temps

De la mère jusqu’au père.

 

Depuis 1907.

 

Du bruit sans choix

De la faim sans fin

Toutes ces âmes qui brûlent

Toutes ces nuits qui pleurent

Ces morceaux de bébés aussi.

 

Bras sous lit,

Tête et front sous table

Pied droit, pied gauche ailleurs

Comme une vieille poupée inanimée

Comme une Barbie déglinguée.

 

Ce soir, le soleil sans lumière sorti des armes de ces trafics

Pendant que la faim rassasie la foule

Qui se courbe chaque jour un peu plus

Qui avale les éclats

Du bruit sans fin

De la faim sans cœur.

 

Tous ces drames qui circulent

Tous ces fauves fortement dentés

Tous ces sots qui vous sautent dessus

Pour la rage débile qui se meut

Pour la folie qui tue.

 

Kigali, la haine au bout des doigts

Le sol qui bout

La boue qui flatte si peu

Là où la bouche se tait

Là où les yeux voient encore.

 

Ciel voilé de Maximilien AMEGEE

De l’huile versée le charbon vivant crépite

Jaillit le voile épais qui se joue du temps qui coule,

Epais comme ces mémoires sur ta tête

Enorme comme la pénitence tissée à Fatima

Tissage jeté sur le flanc de Jeanne d’Arc

 

Et Ibrahim, alors ?

Et Safia, on la fout où ?

Et Cécilia dans tout ça…, au couvent ?

Et oui, Jailli pour se jouer du temps qui coule

Le voile, comme Rachel, prie des fois !

Aspic et épervier près du torrent rasent l’image virtuelle d’une face inconnue

 

Comme sorti des ténèbres plus souples

Le voile descend et berce l’eau qui coule

L’eau monte et consume le coton tissé

Bleu ou fier, rouge comme la corde de Saddam

Mais jamais neutre devant la folie de l’autre bouche

Voile, voyons !

 

Oui, pour ça elle est vénéneuse

Oui, pour ça elle est envenimée

Oui, pour ça elle est menaçante

Oui, pour ça elle est menace

Oui, pour ça elle est gênée

Oui, pour ça elle est gêne

 

La fleur prie des fois

Pour que le souffle reste la mesure de toute chose

Pour que l’épée des archanges ne décapite plus jamais une pousse de soja

Pour que le fou fini respire lui aussi

Car il n’appartient à aucun maître au sol

Ô souffle de haut vol !

 

Elle est rupture

Elle est rompue

Elle est fin en soi

Elle est finitude

Elle est finie

Mais jamais finition

Parce que ce n’est pas toujours la bonne tête

 

Oui, elle prie des fois !

 

De l’huile versée sur la braise

Gicle ce voile épais non saisonnier

Voile empoisonné

Crêpe lacéré en pleine cour de récréation, spectacle du siècle

Comme ce petit chapeau noir entre-temps

Comme tous ces enfants qui ont visité la mort, livrés

Sous ces lugubres cieux d’un maréchal sans étoile

 

Comme si l’Œuvre manquait de caresse à Abraham

Comme l’innocence plâtrée

Comme l’argile souillée

Comme au petit matin des obscurs wagons

Oui, elle prie des fois !

Comme le voile de la mère Térésa.

Pour ces voix perdues, j’écrirai un mot

Pour ces âmes reniées, je dirai un mot

Pour ces larmes qui coulent, je lèverai le rideau

Pour ces corps raccourcis, restons debout

Pour le pot cassé, restons droits

 

…de l’huile versée sur le feu

Le voile s’évade sans mot dire

Il est blanc, jaune, ou de la couleur interdite

C’est-à-dire sans visage

Mon Dieu !

 

Le voile est débordant

Il ne dit rien

Si ce n’est le regard

Il n’écrit rien

Si ce n’est un point d’interrogation

Comme ça, regarde : ?

 

KARUKERA  de Maximilien AMEGEE

L’autre jour c’était l’ébène mouvant du Dahomey qu’on violait sur ces plages

Crabes dociles sans pinces au large du Togo, Ghana… Gorée

Gorée la plaie ouverte !

Oui l’autre jour et ne me racontez point des histoires !

Ce n’est pas si vieux que ça

J’en porte encore la plaie !

Ne me parlez même pas de cicatrices !

A chacun sa peau et la mienne est bien délicate …

 

(pour la suite voir ouvrage Karukera, la monnaie du Nègre, Maximilien AMEGEE, éditions Le Manuscrit 20 rue des Petits-Champs 75002 Paris

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