Festival de théâtre: FESTHEF 2009 : Et la Fête… revient!

Leonard Yakanou, directeur du Festhef
Léonard Yakanou, directeur du Festhef

La onzième édition du Festival du théâtre de la fraternité (Festhef), qui se déroulera du 16 au 25 décembre prochain, sera certainement l’une des plus grandes depuis le lancement de  ces rencontres théâtrales en 1993 quand le Togo avait commencé à s’enliser dans ces marasmes sociopolitiques. Un financement du Fonds Régional pour la Promotion de la Coopération et des Echanges Culturels en Afrique de l’Ouest, estimé à 139 mille euros pour des activités de festival, de résidence d’artistes, de formation et d’édition et de conférence aura donné une certaine couleur à cette onzième édition. « Le budget est estimé à 160 millions CFA », a déclaré Léonard Yakanou, directeur du Festhef.

En tout plus de 230 artistes dont 15 compagnies, 5 conteurs professionnels venant de la sous-région, 10 auteurs dramatiques, 10 jeunes metteurs en scène également de la sous-région, trois groupes musicaux, 30 opérateurs culturels etc.  Le programme général s’étale sur dix jours pour une vingtaine de spectacles avec plus de 50 représentations à Assahoun, ville de siège du Festhef, Lomé, Kpalimé et d’autres villes de l’intérieur.

Il y a d’abord le Festhef in, c’est-à-dire, une quinzaine de spectacles de théâtre sont programmés en compétition devant un jury international de 7 membres venus d’Afrique, d’Europe et du Canada à Assahoun.  Des spectacles de danses et de contes de la part de professionnels venant de la sous-région sont également au programme.

Il y a ensuite le Festhef off, qui rassemble plusieurs spectacles non en compétition présentés en salle ou dans les espaces publics (rue, marché, bibliothèque, cours royales) Assahoun et dans les autres villes du Togo.

Il y a enfin les rencontres professionnelles et ateliers thématiques. Ce sont des communications, conférences-débats sur des thèmes se rapportant la viabilité de la culture, à la promotion des cultures africaines. Il y aura ainsi un colloque d’acteurs culturels et des responsables des collectivités urbaines sur le thème « Ville et Culture », et d’autres rencontres sur la coopération artistique Sud-Sud, les opportunités de financement de la culture dans l’espace CEDEAO, etc.… L’organisation prévoit également des ateliers de formation à l’endroit de 50 acteurs culturels ayant rapport aux arts de la scène.

Sortie d’enfer

Initiative audacieuse de jeunes togolais, tous originaires presque de la petite bourgade cosmopolite  d’Assahoun, pendant la grève générale illimitée 1992-1993 du Togo, le Festhef allait bouleverser dès ses deuxième et troisième édition le paysage théâtral et culturel togolais. Car, il venait combler le vide dans le monde des arts de la scène. A l’époque la troupe nationale créée en 1974 sous la houlette du dramaturge Senouvo Agbota Zinsou a cessé de régenter la scène du théâtre togolais. Dans un pays longtemps fermé au monde de la culture et sans infrastructure digne de ce nom, le genre théâtral même naviguait dans un flou artistique, le public et nombre d’acteurs le confondaient beaucoup avec les sketches et les films à la télé.

Dans ce paysage, des compagnies privées ont bousculé la tranquillité de cette troupe nationale, à partir de 1988, les plus connues Nivaquine et Koliko dans laquelle jouait un certain Efoui Kossi, Atelier Théâtre de Lomé de Kangni Alem, ATLAS de Komla Sélom Gbanou, Zitic de Sanvee Béno et plus tard la Compagnie ENAL de Banissa Méwé. 1989 et 1990 Kossi Efoui et Kangni Alem vont réussir à sonner la renaissance de l’écriture dramatique en Afrique. Les deux ont été successivement lauréats du Concours Théâtral Interafricain de RFI. L’absence de politique culturelle sur le plan étatique n’a pas empêché les jeunes d’avoir des initiatives louables.

Il a fallu un festival pour créer les conditions d’intervention sur les arts de la scène. Et le Festhef, premier festival professionnel au Togo, a réussi dès sa création à fédérer les énergies. Son directeur charismatique de 1993 à 2001, Dany Komla Ayida a su trouver le moteur essentiel : organiser un festival de qualité dans un village, faire partager le quotidien des habitants avec les festivaliers et créer des liens sociaux très forts avec les artistes locaux et internationaux.  Le message a eu un retentissement profond. Les habitants et le chef traditionnel d’Assahoun n’hésiteront pas à donner un terrain de plusieurs hectares au Festhef.  Sur le plan national, Festhef fera découvrir des metteurs en scène comme Banissa Mèwè et l’ENAL, feu Armand Brown et Tambours Théâtre de Richard Lakpassa, Alfa Bawibadi Ramsès et sa compagnie Louxor,  Rodrigue Norman et ses 3 C, Roger Atikpo et Aktion Théâtre, Luc Koubidina Alanda et Kadam Kadam. La plupart des compagnies sélectionnées venaient et viennent d’Afrique, d’Europe et d’Amérique.

Daniel Ayidah, ancien directeur du Festhef
Daniel Ayidah, ancien directeur du Festhef

Avec ce festival, vont fleurir des compagnies de théâtre et surtout naître de jeunes dramaturges  grâce au Concours « Plumes Togolaises »  dirigé jusqu’en 2001 par son secrétaire administratif André Akoutsa. Ce Concours a réussi à révéler de jeunes dramaturges pleins de  talents entre autres Rodrigue Norman, Gustave Akakpo, Robert Silivi, Amoussa Koriko,  auteurs aujourd’hui auréolés de titres internationaux. Le phénomène d’ailleurs n’a pas échappé aux acteurs culturels tant à l’extérieur et l’intérieur, qui n’ont pas lésiné sur les moyens et ont apporté tout leur soutien à ce festival.

Mais le Festhef allait subir une descente aux enfers depuis 2001 à cause d’épineux problèmes de financements, de changements de direction. Dany Ayida quitte le Togo  et laisse les rennes du Festival à Léonard Yakanou. Une traversée du désert qui aura duré en tout sept longues années et de laquelle est sortie heureusement la nouvelle équipe dirigeante en place depuis 2004. Léonard Yakanou et son équipe n’ont jamais baissé les bras, ils se sont battus pendant toute la période de vache maigre pour maintenir la flamme. Leur lutte n’a pas été vaine. Le Festhef renaît. Une résurrection que vient saluer le Prix d’excellence CEDEAO qui lui a été attribué le vendredi 13 novembre.

Il n’est guère donc prétentieux d’entendre Léonard Yakanou dire faire du Festhef, un « Patrimoine national ». Que le Fonds d’Aide à la Culture annoncé par le Conseil des ministres du 11 novembre 2009 voit rapidement  le jour pour accompagner ces initiatives et permettre à notre pays le Togo de compter sur ses fils pour asseoir sa renommée. La culture est un grand facteur de développement.

 © Togocultures

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