Danaye Kalanféï : L’Homme, le Marionnettiste et la Marionnette

A 65 ans, Danaye Kalanféi, cet authentique fils moba de Dapaong, a fait le tour du monde avec ses spectacles de marionnettes. Ces petits et grands personnages fabriqués à base de calebasses, de bambous, de sables modelés, d’épis de maïs que des artistes manipulent à l’aide de cordes ou de doigts.

Il est le créateur de marionnettes au Togo. Les marionnettes sont avant tout pour lui des fétiches, représentants des ancêtres : la sculpture Tchitchili. C’est du moins ce que lui a inculqué « sa » tradition. Les marionnettes, c’est sacré. La vie n’est-elle pas comme un théâtre d’ombres à la Platon où les êtres ne sont que des marionnettes entre les doigts des dieux ou du Dieu ?

En tant que créateur, Danaye se rapproche du divin, il donne le souffle de vie à ses personnages et il les habite à travers ses spectacles, sa scénographie et ses textes.

La divine cohésion entre l’Homme et ses créatures

Chaque marionnette de Danaye est particulière et unique. . La communication entre l’homme et ses marionnettes est consubstantielle et relève du sacré, en rapport avec le dieu ou les fétiches. Ils se parlent. Il s’identifie à  elles. Il lui arrive la nuit de leur parler. Ce qui est surprenant, il affirme que certains matins, il se rend dans son atelier et constate qu’elles ont bougé :  « Elles  se sont emmêlées  et ont changé de place ». Deux principales marionnettes entrainent toutes les autres dans d’autres mondes. Ces deux Tchitchili sont en fait le secret gardé de Danaye. L’homme sourit en sachant que ces deux fétiches sont vivants et mènent la grande danse. Il faut avoir d’autres yeux pour entrer en liaison avec les marionnettes. Danaye en a la science infuse et se permet de poser des questions à ses créatures –créateurs. Ces êtres, une fois sur scène continuent quelque part à vivre sans leur maître. Ils croquent leur liberté et dérogent aux règles selon lesquelles, elles ne sont que de simples figurines de personnages que des mains invisibles manipulent.

Dans l’atelier implanté dans sa maison dans le quartier Adidogomé à Lomé transformée en « Musée vivant », fétiches et marionnettes cohabitent dans un rythme enivrant. Un pacte unit le marionnettiste à ses marionnettes. Tout se déroule dans le respect et dans une profonde communion.

40 ans au service des marionnettes

Les marionnettes, à cet instant de la vie de Danaye, devient fétiches, ancêtres. Danaye est un orfèvre des marionnettes. Au-delà leur aspect sacré, ses marionnettes  sont des œuvres d’art exposées dans des musées européens : Musée de l’Homme en France, en Allemagne, aux Pays Bas. Parmi ses marionnettes, on y  trouve le citoyen lambda, des chefs de village et ses notables, les habitants du  village et de la ville, des déesses – déesse de l’envie, de la haine et de la jalousie , génie du vent, spectre de la nuit, des messages des ancêtres. Et aussi des personnages qui représentent des types européens ou asiatiques. Les personnages de l’au-delà communiquent allègrement avec les vivants dans une certaine symbiose.

Avec plus de 42 ans d’expérience professionnelle dans le spectacle des marionnettes, il a atteint la maturité, son art affermi. Il est toujours sur les pistes de festivals en Afrique, en Europe.

Quand il est sur scène, il est aux anges : « Sur scène, je suis la marionnette. Une fois que la marionnette prend vie, elle est en moi. Elle prend corps avec moi. Elle est moi. »

Danaye, l’artiste et la marionnette s’entremêlent

Les aventures de zando
Les aventures de zando

Fabriquer des marionnettes  le conduit à aborder les questions de la place de l’Homme dans son univers spatio-temporel, ses rapports avec les divinités ancestrales,  la tradition et le modernisme, l’environnement,  la démocratie,  la corruption,  l’immigration clandestine avec un certain humour. Par le choix des thèmes et leur traitement, ses spectacles sont particuliers. Ce directeur de compagnie est polyvalent dans son art : marionnettiste, conteur, metteur en scène, percussionniste. Il fusionne avec sa marionnette.  Dans le travail de Danaye Kanlanféï, l’artiste et la marionnette s’entremêlent. Son humour est croustillant. Il connaît à perfection tous les rythmes du sud au nord du Togo.

Dans la vie, l’homme est très abordable, enthousiaste, accueillant. Seulement il reste confiné dans son univers, dans ses créations. Il est dans la foule mais ses pensées sont toujours ailleurs. Il est comme ses marionnettes posées, inertes, figées. Dès qu’il est sollicité pour une démonstration ou pour entrer en scène, son bonheur fuse. Il est pleinement lui-même et son énergie déborde.

Il a créé le personnage de Zando en 1988 qui devient le moteur essentiel de ses spectacles. Il déclare comme le romancier Gustave Flaubert parlant de son personnage Madame Bovary, « Zando, c’est moi ». Zando signifie la nuit est tombée mais pour Danaye, le fils de Dapaong, la nuit ne tombe jamais.  Le sage dit qu’il n’est jamais trop tard pour réussir sa vie et guérir la société de ses maux par le truchement de la marionnette.

Le réalisateur Laslo Horvath a réalisé un intéressant documentaire intitulé Danaye Kalanféï.  Il parle sous un nouveau jour de la vie et de  l’œuvre immense de ce grand créateur togolais.

Gaëtan Noussouglo ©Togocultures

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