Sassou Koudou, le Togo et les maisons des retraites

Sassou Koudou
Sassou Koudou

L’ambiance était simple et cool au bâtiment Tokyo à Lormont avec l’artiste de la chanson togolaise Sassou Koudou du groupe Togo Tempo accompagné du percussionniste Togbévi Nador. Il n’a rien perdu de son allure de banquier. Converti à la musique, il s’habille toujours élégamment, comme on dit dans le milieu artistique, « en ministre ». Son travail intense sur la musique togolaise le rapproche du précurseur Dama Dama Wuzan et du roi King Mensah.

Il présente King Mensah en « pote » et non en rival, contrairement à ce que certaines mauvaises langues avancent. Le travail sur le rythme et les sonorités togolais rapproche plutôt King Mensah et Sassou Koudou. Il faut unir les énergies au lieu de chercher à les disperser. A Lormont, aux portes de Bordeaux, en compagnie de Togbévi Nador, les idées coulent, s’ouvrent…

 Le Togo est le centre du monde et « télévi », un instrument de ralliement

Avec sa musique, comme on dirait chez les illuminés de Dieu, il a eu une vision, Sassou koudou au-delà des grands concerts s’est donné une mission spécifique, aller dans les maisons de retraites pour parler de l’Afrique en général et plus particulièrement du Togo sur le plan musical et culturel aux personnes âgées. Noble tâche d’autant plus qu’il n’y a plus personne pour s’occuper des vieux, ni pour les plaindre, ni pour effacer de leur univers les préjugés sur l’Afrique. Les africains ne sont pas cultivés, ils viennent manger le repas des blancs, voler… Parler de l’Afrique aux personnes âgées dans les maisons de retraite, c’est leur ouvrir l’univers à une autre réalité disons un peu exotique et balayer les idées de l’extrême droite française. Le principal objectif est de leur faire connaître ce qu’ils n’ont pas pu connaître de formidable avant de mourir. « Le Togo est le centre du monde, ne pas connaître le Togo et sa musique et mourir, c’est de vivre inutilement » affirme Sassou Koudou.

On a vu Brice Kapel avec ses concerts en famille et son engagement à faire un concert sous forme de contes, inviter les enfants aux voyages et les aider à gagner des dizaines de kilomètres par leur participation. C’est un autre style, Sassou Koudou. Il veut aider les personnes âgées à goûter au plaisir de la musique togolaise, de façon intimiste. Le « Télévi » est l’élément de jonction « Télévi est formidable. C’est un petit instrument qui donne autant de sonorités. C’est beau ! C’est fou ! ». Mettre ces instruments en valeur, c’est valoriser l’identité musicale du Togo.  «  Je suis appelé partout grâce à « Télévi » et aux chants du terroir. L’idée m’est venue d’aller vers les personnes âgées parce que les aînés ont du prix à mes yeux. Les ignorer n’est pas humain. Les personnes âgées sont l’incarnation de la sagesse en Afrique. »

S’intéresser à la culture de l’autre pour l’amener à croquer notre culture

Sassou et Tempo Togo
Sassou et Tempo Togo

Le côté positif de l’Afrique permet de garder les valeurs sûres que sont les aînés en Afrique. La culture togolaise est plus forte que tout. Togo Tempo et Sassou Koudou viennent dans les maisons de retraites, les écoles, la Mairie, tout le monde afflue pour écouter, débattre. Sans une identité musicale forte, le Togo continuera à ne pas exister. « Et pour moi, Télévi est d’abord l’instrument de raccordement ou de ralliement à la culture. Les autres instruments suivront… » Sassou Koudou enflamme son auditoire par les chansons françaises des années 10 en passant les années 60, 70 ce qui crée une complicité, un rapprochement entre lui et son public. Le public est subjugué par la voix de ce noir cultivé qui connaît bien la culture française. Et, c’est devant un public conquis qu’il change de langue et de tempo. Le télévi siffle et les chansons en mina défilent, aiguisent l’attention et l’appétit de la foule. Ce sont deux boules remplies de graines reliées entre elles par une corde d’environ vingt centimètres. Télé-vi fait allusion au téléphone. Télé-vi serait un petit téléphone, un instrument de musique mais de communication entre les jeunes ou les vieux, c’est selon. Cet élégant jeune africain qui connaît les vieilles chansons françaises et qui est également imprégnée par sa culture, les séduit et les impressionne. Ce qui permet d’aborder sans problèmes la culture togolaise et la vision des jeunes par rapport à la culture.

L’auteur de « Afrique, je t’accuse » partage sa nouvelle vision de l’Afrique « aujourd’hui, il faut arrêter de se plaindre. Gémir sur les misères du passé, ce n’est pas ça qui va redorer le blason de l’Afrique ». L’Afrique digne est celle qui tourne le dos à l’Esclavage et à la colonisation. « Je ne dis pas d’oublier le passé mais il faut trouver des idées pour se développer au lieu des jérémiades. Quel Africain porte les séquelles de la colonisation et de l’esclavage parmi les jeunes générations aujourd’hui ? » Tous les Africains peuvent changer le destin de l’Afrique et l’aider à s’épanouir. L’Afrique a des ressources et est capable de prendre son destin en mains. Les grandes conférences internationales comme le G8 traitent mal l’Afrique. Les africains ont gardé la prédisposition d’avant l’esclavage, la colonisation. Tout peut encore leur arriver aujourd’hui. La plupart continuent de penser avec leur ventre. L’Afrique doit avancer par le biais de la culture. La culture est le ferment de la vie, du développement, délaisser la culture au profit d’autres considérations, c’est vouer l’Afrique à la mendicité, au développement du sous-développement.

Le concert de Sassou Koudou

Entre 70 et 200 personnes sont souvent à son écoute. Le mélange des personnes âgées et des enfants crée une sorte d’harmonie. Un vrai brassage, un public. Depuis un an et demi les villes défilent : Bordeaux, Marseille, Montpellier, Toulouse, Béziers.

Ce jeudi 6 avril, vers 16h Sassou Koudou quitte la résidence Tokyo à Lormont et se dirige ver la Résidence de Saint Brice à 50 km de Bordeaux. 300 personnes dont 70 personnes âgées l’attendaient. Silence plat dans la salle. Il commence par les chansons françaises « Isabelle » années 20, « les amants de saint jean » crie dans la salle « waooh ». Ils se sont déplacés pour écouter la musique et les chansons en mina de Sassou Koudou sous les sons harmonieux de son Télévi. Le répertoire est dense. La forte présence scénique de l’artiste de la chanson togolaise et sa voix séduisent. Quand le débat s’ouvre, les regards des personnes âgées et des enfants sont cristallisés sur cet instrument merveilleux qu’on jouait tout enfant. De 17h45 à 19h 00, Sassou koudou a plus chanté que débattu sur la conception et la vision des jeunes de l’Afrique. Le public est émerveillé.

Les Maisons de retraites financent les concerts de Togo Tempo en prenant en charge les frais de transport et la prestation de Sassou Koudou. Les demandes sont nombreuses et les lieux sont tirés chaque semaine au sort.

 Cap sur le Togo

Après Bordeaux, Sassou Koudou reprend la route pour son domicile à Toulouse à environ deux heures de route de Bordeaux. Vendredi, il sera à Lomé avec pour objectif de financer un programme destiné à la formation des jeunes à la musique et à la danse togolaises, spécifiquement. Il faut s’affirmer en Togolais au lieu de couler dans les moules des Ivoiriens, Maliens, sénégalais, burkinabé ou des congolais. Une mission de 8 jours au Togo avant de retrouver les grands festivals d’été en France et les maisons de retraites à Toulouse et dans le Sud-ouest de la France.

Gaëtan Noussouglo ©Togocultures

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