Au 22e Festival International de Géographie de Saint-Dié-Des Vosges présidé par l’universitaire et ancien premier ministre Edem Kodjo, le Togo est à l’honneur. Ainsi, dans le salon de la gastronomie à l’Espace François Mitterrand au rez-de chaussée Mme Rosalie Ankrah et Better Doh-Grunitzky exposent leurs bijoux togolais. Rosalie Ankrah la soixantaine dépassée a écumé depuis une quarantaine d’années des festivals européens pour faire découvrir et vendre des bijoux du petit rectangle togolais. Ces bijoux sont fabriqués à base de pierre mélangée au bois ou au bronze ou à l’os. Ils sont montés sur du fil à pêche ou du fil de fer pour empêcher toute cassure. Leurs fermoirs sont en argent ou plaqués or afin d’ éviter l’allergie à des personnes qui ne supportent pas certaines matières.
Fièrement Rosalie Ankrah exhibe ses bijoux et trouve de la joie à parler de son travail, de ses années de jeunesse. Elle était encore avec sa mère et l’aidait à enfiler les perles en verre. Les années passent, elle quitte Lomé pour suivre son mari dans la capitale française, Paris. Ils habitent dans le XVIIe arrondissement. Assistance de secrétariat, elle n’abandonne pas sa passion pour les bijoux, surtout les perles. Une fois à la retraite, le travail devient plus dense, intense. Des échanges avec les artistes togolais évoluent, sont une réalité inextinguible. La clientèle européenne, africaine et antillaise est de plus en plus exigeante. Ce qui l’amène à créer un pont entre le Togo et la France. Elle diversifie ses sources en allant dans d’autres pays limitrophes au Togo : Ghana, Burkina Faso. Entre plusieurs clients qui contemplent son travail et leur départ, elle présente ses nouveaux bijoux et les pots de beurre de karité qui sont de plus en plus prisés en Europe.
La ravissante Better Doh-Grunitzky, drapée dans sa tenue en ashanti kenté suit béatement sa cousine dans son exposition et sert les clients. Certains n’hésitent pas à la prendre en photo. Sa tenue traditionnelle somptueuse et attrayante marie avec sa beauté et les bijoux exposés. Des boucles d’oreilles roses tyrien en forme d’étoiles qu’elle a fabriquées elle-même ornent ses oreilles. .Elle est adepte d’Akofala, sa belle mère, dont les pendentifs et les médaillons embellissent son joli cou. Elle sort de son sac d’autres bijoux à l’effigie d’Akofala, la femme du 2e président togolais Nicolas Grunitzky. Elle évoque son décès et son enterrement à Béthel, sur la route de Kpalimé.
Les années souvenirs ne sont-ce pas ces moments de joie où elle tenait sa boutique Lady Vitoria Store à la Place Clichy à Paris ? Entre souvenirs et mélancolie, elle égrène ses voyages à la rencontre du Prince Albert de Monaco et la Reine Elisabeth II d’Angleterre pour leur vendre ses tissus fantaisies de chapeaux. Chapelière modéliste, dans sa boutique elle exposait et vendait sa création de chapeaux en tissus mousse, mousseline, satin, taffetas. Cette femme à la cinquantaine avec une allure de jeune fille de 25 ans a pourtant six filles. Elle habille les mariés, les miss. La nostalgie gagne un brin Better Doh-Grunitzky, juvénile dans l’âme, qui a le tort de fermer boutique pour des raisons privées et personnelles. La création togolaise n’est-elle pas un lien nécessaire pour créer des cohésions entre deux continents et unir des vies ? Ses pans de vie datant de l’époque de sa boutique refassent surface, balaient la jalousie des uns et suscitent l’admiration des autres.
La vague à l’âme suinte. Better Marie Doh-Grunitzky fait corps avec Rosalie Ankrah qu’elle remercie pour l’avoir épaulée dans ses moments difficiles. Elle voulait tout abandonner, tout larguer et embrasser une autre vie. Grâce à sa cousine, elle continue d’exposer depuis deux ans à la semaine africaine à l’UNESCO. L’avance à peine voilé de certains clients de l’Espace François Mitterrand ne l’intéressent pas, elle a désormais les yeux rivés sur ses premières amours et sa carrière qui a un bel avenir devant elle.
Gaëtan Noussouglo © Togocultures