Un médecin togolais romancier, ça n’arrive pas très souvent dans nos contrées. La très courte histoire de la littérature togolaise n’en compte que très peu d’ailleurs. Kossi Sénam, gynécologue-obstétricien officiant dans une clinique privée et à l’Ecole Nationale des Sages Femmes à Lomé, vient de publier « Un Hôpital des morts » (Société des écrivains, 2010, 120 pages, 12 euros), son tout premier roman.
Togocultures, en attendant de revenir en détail sur ce roman, partage la critique du journal « L’union du 20 juillet 2010 » avec ses lecteurs.
Difficile de savoir si Kossi Sénam a lu le Gouverneur de la rosée, car son roman y ressemble quelque peu, en ce qu’il prend non seulement pour cadre le village, lieu où se déroule son histoire, mais surtout comme terrain d’expérimentation de la problématique du développement en Afrique. Voici un village très pauvre, comme on peut en trouver partout au Togo, sans eau ni électricité, où les gens meurent des maladies qui ne tuent plus dans un monde tourné vers la modernité, une population consciente de son retard. Oublié des autorités, le village accueille quand même un projet de construction d’un hôpital moderne, cadeau de Blancs.
Mais où faut-il construire cet hôpital ? Des divergences vont naître entre les populations villageoises d’une part et les autorités politiques d’autre part, en ce qui concerne le lieu d’érection du bâtiment. Ce malentendu va précipiter le village dans un gouffre tragique incroyable digne des dictatures tropicales. Deux personnages vont tenter de sauver quand même ce village de cette situation incongrue : il y a d’abord l’ambitieux gynécologue (l’auteur ?) ayant à cœur le développement de son pays, et Missiwo, le paysan au tragique destin, qui constitue la pointe de la modernité dans un monde versé dans l’obscurantisme.
C’est un tout petit roman, écrit avec dextérité dans une langue facile d’accès et concise, qui rechigne les fioritures, où l’auteur fait le procès de l’Etat africain post-colonial, pour son incapacité à comprendre les populations et à les insérer dans une dynamique de développement global. Kossi Sénam stigmatise en passant les hauts fonctionnaires, leur corruption, leur cupidité.
On a certes des choses à reprocher à Kossi Sénam, surtout le côté par trop sociologique du développement de son roman. On aurait aimé par exemple à ce qu’il s’attardât quelque peu sur la psychologie des personnages, mais on ne peut manquer d’apprécier ses interrogations sur le traitement que les dirigeants africains réservent aux intellectuels et cadres qui ont à cœur le développement de leurs pays. Il n’y a pas de doute : ce roman, c’est le cri de condamnation par un médecin des désastreuses politiques en matière de santé.
Photos : Société des écrivains