roman francophone: Hélène Kaziendé brise « Les fers de l’absence » de l’Afrique

les fers de l'absenceLa maison d’édition « L’Harmattan » vient de publier dans la collection « Encres noires » le second roman « Les fers de l’absence » du journaliste, écrivain et enseignante, Hélène Kaziendé-Djondo (Nigéro-Togolaise). Togocultures l’a rencontré pour parler de son œuvre.

 « Les fers de l’absence » est-il « le premier roman politique écrit par une Nigérienne », ou bien c’est le fil de l’écriture qui a façonné et déterminé cette orientation ?

La marche de l’Histoire et l’évolution politique de nos sociétés forment le creuset qui a inspiré ce roman. Tous ces bouleversements qui surviennent aujourd’hui, tous ces « tsunamis » sociopolitique et économique successifs ne peuvent laisser indifférents. J’ai la chance d’avoir une plume pour témoigner non seulement aux yeux de mes contemporains, mais aussi pour laisser une trace pour les générations futures. Premier roman politique écrit par une Nigérienne ? Tant mieux. L’essentiel, c’est que le message qui y est véhiculé traverse les âges, interpelle chacun et fasse vibrer en chacun la fibre panafricaniste.

Pourquoi « Les fers de l’absence » dénoncent seulement à travers un cadre spatio-temporel fictif et non nommément comme le font d’autres œuvres s’inscrivant dans le même mouvement littéraire en Afrique ?

La fiction n’est, d’une part, qu’un léger voile qui laisse voir en filigrane un pays qui pourrait être n’importe où en Afrique, un pays dans lequel tout Africain peut se retrouver en tant que citoyen, celui d’hier, celui d’aujourd’hui. D’autre part, par le truchement de l’allégorie, on a beaucoup plus de liberté pour faire voyager à travers les lignes, faire jaillir son imagination et la répandre à souhait sans aucune contrainte, ni d’espace ni de temps. C’est aussi ça le roman, et ce qu’attendent les lecteurs, les conduire là où ils s’y attendent le moins.

Votre casquette de journaliste devait vous aider à produire une œuvre engagée sans recourir à des personnages fictifs…

Pour rendre mon récit, j’avais besoin de cette forme d’expression qu’est le roman. Vous savez, c’est comme dans certains films qui s’inspirent de faits réels où l’on vous dit que certains personnages, certains lieux ont été changés pour les besoins de la fiction. J’ai voulu écrire avant tout, une œuvre de fiction ; et puis, aujourd’hui, la frontière entre le monde réel et celui de l’imaginaire est bien ténue. Nous vivons actuellement des situations tellement hors du commun, extra-ordinaires que la réalité dépasse souvent la fiction !

En 2006, vous avez écrit le roman « Aydia » ; d’où vient l’urgence de l’écriture d’une œuvre engagée ?

Toute œuvre est engagée, tout écrivain, à partir du moment où il couche sur le papier les premiers mots de son œuvre est « en situation » comme l’a dit Sartre. « Aydia » dénonce des maux qui gangrènent nos sociétés ; lesquelles les subissent au quotidien à tel point qu’elles sont arrivées à les domestiquer et à vivre avec eux dans une sorte de fatalité écrasante. Je n’ai pas avec ma modeste plume la prétention de pouvoir changer par un coup de baguette magique les choses mais se taire, c’est se rendre complice des tares de ce continent qui patauge dans une fange sans cesse renouvelée et entretenue par une « pincée » d’individus qui sapent et tuent dans l’œuf tout désir de liberté et de progrès. Lamartine dit : « Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle».

50 ans après les « indépendances africaines », faut-il encore peindre les maux multisectoriels de l’Afrique ou faut-il plutôt insister sur la recherche de solutions idoines, hic et nunc, à ces maux ?

Je ne suis pas afro pessimiste et il n’est de l’intérêt de personne que nous continuions à nous lamenter sur notre sort. Des solutions ont toujours été proposées par des patriotes convaincus, des projets d’envergure ont été parfois initiés mais malheureusement balayés d’un revers de la main et stoppés net par des gens qui tiennent nos destinées en mains et qui trouvent intérêt à ce que l’Afrique continue de montrer une image en constante faillite. Combien sont morts assassinés pour leur idéal d’indépendance ! Mais la roue de l’Histoire continue de tourner, qui pourrait l’arrêter ? La richesse ? Le pouvoir ? Non.

Quelle posture adoptent « Les fers de l’absence » vis-à-vis de cette double problématique précitée ?

Je laisse au lecteur le soin de la découvrir. Mais je pourrais juste ajouter que le roman relaie cette idée selon laquelle la liberté mais aussi le progrès, le développement, ne se donnent pas, ils se conquièrent au prix de durs sacrifices. Lorsque le vent de liberté commence à souffler, nul ne peut l’arrêter. Steve Biko a dit : « Vous pouvez souffler sur une bougie et l’éteindre, mais vous ne pouvez pas souffler sur un feu et l’éteindre».

 

Propos recueillis par Edem Gadegbeku©Togocultures

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