Comment fait-on pour passer des chiffres à la musique ? Il faudra poser désormais la question à Sassou Koudou quand vous le rencontrez un jour dans un métro français. Car en plus de constituer la dernière attraction d’une musique togolaise montante, il a cette particularité d’avoir fait des études supérieures de comptabilité à Toulouse.
Les habitués du Centre culturel français ont pris date quand il s’est produit de façon remarquable au cours d’un concert le 15 décembre 2007. Le public restait agréablement interloqué par les prouesses d’un artiste qui sort des sentiers battus, même si les connaisseurs lui connaissaient déjà le tube « Yehowa », chanté en 1999. Deux albums, « Djessi Wo » et « Afrique, je t’accuse » à son arc, une tessiture de la voix à la King Mensah, des instruments musicaux africains et européens faisant le lien entre l’Occident et l’Afrique, la tradition et la modernité, voire l’universalité. Auteur, compositeur et interprète, Sassou Koudou s’inspire des rythmes du répertoire traditionnel des populations Ewé-Mina du Sud du Togo, notamment les rythmes Aguéché, Agbadja et Akpessé. Mais son inspiration va bien au-delà des cocons du Sud -Togo, il va également puiser dans les rythmes Kabyè du Nord Togo, tout en prenant de la graine à l’Afro-beat des voisins du Nigeria et surtout d mythiqu Fela.
Des rythmes qui bruissent de messages forts et sans concession à l’endroit de l’Afrique. Car si Sassou Koudou aime l’Afrique qu’il chante, il demeure sans complaisance avec elle et tient un discours d’une rare lucidité quoique fort polémique et parfois désuète, témoignage disloqué d’un voyageur qui perçoit l’Afrique à partir de l’Occident. Il tient un message à la fois accusateur et revendicateur. Il parle de responsabilité africaine dans la traite négrière, la colonisation et même dans le retard du développement de l’Afrique. Il parle d’identité culturelle, d’amour et du travail bien fait. On n’est pas souvent d’accord avec ce discours où peuvent se reconnaître facilement Stephen Smith et Axelle Kabou, mais il y a du vrai là-dedans.
http://www.youtube.com/watch?v=p-CqiX1ZogA
Pour l’artiste, «sans la collaboration active des Africains la traite négrière n’aurait pu se réaliser ». « La colonisation négative de l’Afrique n’est en fait que le résultat de la naïveté de son peuple. Enfin, la pseudo indépendance de l’Afrique aujourd’hui se trouve être encore une preuve palpable que ce continent n’est pas encore mature ». «L’Africain doit savoir revenir à ses sources pour y puiser les ressources nécessaires pour un développement culturel, social et économique ». « Il y a un mal profond qui mine le continent depuis la nuit des temps dont il doit être extirpé : c’est la méconnaissance de la grandeur de ses valeurs. Il n’y a pas de développement possible, sans fierté identitaire et culturelle». Le discours et la musique émerveillent, au point que son deuxième album « Afrique, je t’accuse » sorti en 2006, fait dire au grand maître Manu Dibango que « Togo Tempo est une valeur sûre de la musique africaine qui fait honneur au continent de par son engagement et son originalité ». Sur scène, Sassou se révèle un régal. La boule à zéro, cet artiste au physique athlétique est une bête de scène. La musique chez lui se danse avant tout. Et avec beaucoup d’entrain. Pour arriver à ce stade, il fallut à Sassou Koudou de ménager la chèvre et le chou, faisant des va-et-vient entre ses ambitions scolaires et musicales.
Né au Togo dans une famille de choristes, le jeune Sassou grandit dans les chorales d’église, où il affine son chant en mina. Quelques années plus tard, le choriste quitte sa capitale natale pour suivre des études supérieures en comptabilité, à Toulouse. Son diplôme en poche comme pour satisfaire les lubies paternelles, il revient à ses premières amours.
Comme il l’a toujours dit, la musique est pour lui comme une langue qu’il a toujours parlée. En 1999, après avoir cultivé son atout vocal dans les nefs toulousaines, Sassou Koudou fonde son groupe, Togo Tempo. Un groupe réunissant des musiciens de formation (conservatoire, faculté de musicologie, Ecole des musiques vivantes) au service d’un patrimoine mélodique et rythmique togolais. En 2002, Togo Tempo signe son premier album « DJESSI WO » sur le label P2A Productions (distribué par Mosaïc Music Distribution). Dix titres estampillés néo-acoustiques, traditionnels dans l’esprit, contemporains dans l’approche, universels dans le message, qui mettent en lumière un art musical oublié. Son art se confirme avec son deuxième album, sur la même lancée mais avec beaucoup d’influences occidentales, au point qu’ayant pris peur pour sa réception au Togo, il fit carrément une adaptation au goût local.
Le champ musical national si restreint et confiné à la dimension du seul King Mensah vient de s’élargir. Voici venue l’ère Sassou Koudou, le temps de la révolution musicale. Il compte désormais parmi les grands musiciens du Togo et d’Afrique. Bon vent… au Roi Sassou.
Par Tony Féda ©Togocultures
Discographie
« DJESSI WO », 10 titres dont le tube Yéhowa
« AFRIQUE JE T’ACCUSE », 12 titres dont le meddley Churchi ha