une intervention théâtrale au musée d’ethnologie de Leipzig, très librement inspirée d’un sketch de Karl Valentin (1940) « L’étranger n’est étranger qu’à l’étranger » Du 30 avril au 4 mai au Musée de Leipzig (Saxe, Allemagne).
Cie Gakokoé, avec Gaétan Noussouglo, Bernard Müller et Kevin Bress
Comment faire souffler un peu de vent frais dans les étouffantes collections permanentes d’un musée d’ethnographie ? C’est à tenter d’esquisser un début de réponse à cette question que se sont employés Gaétan Noussouglo et Bernard Müller (avec Kevin Bress) dans l’épilogue de l’exposition « Fremd / Etrange» qui déjà se proposait par une série d’interventions artistiques polémiques en collaboration avec une école d’art (HGB-Leipzig) de revisiter l’exposition permanente.
Le musée Grassi de Leipzig est un musée de facture classique qui propose un parcours géographique présentant des vitrines saturées d’objets, rythmé de reconstitutions réalistes de costumes sur mannequin ou d’habitats traditionnels, des dioramas. Ce procédé a été élaboré au 19ième siècle et est destiné à mettre en scène des personnes dans leur environnement par le biais de maquettes à échelle réelle dans lesquelles sont plantés des mannequins costumés, à la façon de « natures mortes sociales » sensées présenter des actions quotidiennes : épluchage de coquillage typique des Ādivāsī les aborigènes de l’Inde, trébuchement rituel de sortie de deuil australien, gardiennage tellement masaï d’un troupeau sans vache et sans aucun autre animal d’ailleurs…
C’est dans ce décor quelque peu surréaliste, de diorama en case reconstituée, que se déroulait la performance théâtrale concoctée par nos deux artistes. Au cours d’une déambulation décalée, un guide loufoque tourne en bourrique les visiteurs avec sa valise à malices. En chemin, il rencontre un diorama qui va changer le cours de la visite : le mannequin qui l’habite est vivant ! Il sort de sa boite de verre, se permet de répondre au guide qui, désarçonné, se fait doubler par le personnage vivant du diorama qui finit par prendre en main les visiteurs. Les visiteurs sont à leur tour transformés et deviennent acteurs de leur visite. S’en suit une joyeuse confusion, dont le fil conducteur est le sketche de Karl Valentin qui décline jusqu’à l’absurde l’idée d’étranger et dont la chute est contenue dans la tirade suivante : « Imaginons qu’un étranger fasse connaissance de quelqu’un, il se peut que cette personne ait d’abord été étrangère avant de lui devenir familière, mais qu’en faisant connaissance, ils ne sont plus étrangers l’un à l’autre. Mais si les deux étrangers en venaient à voyager ensemble dans une ville étrangère, ces deux connaissances deviendraient toutes deux des étrangers dans cette ville étrangère. Nos deux énergumènes sont ainsi devenus – tel est le paradoxe du jour – des étrangers qui se connaissent à l’étranger ».
A trois reprises, une dizaine de visiteurs peu avertis se sont prêtés au jeu, acceptant de devenir à leur tour étranger et étrange dans le monde qui est sensé être le leur, finalement consacrés africains, vêtus de leur habits d’ailleurs, au milieu des vitrines de toute petite zone des collections permanentes consacrée à l’Europe, isolée à l’entrée comme à la sortie par deux lourdes portes anti-feu.
Cette action s’inscrit dans le programme « museum on the couch » qui vise à mener au Grassi Museum für Völkerkunde/Ethnologie à Leipzig (Allemagne) une série d’expérimentations créatives et réflexives destinées à aider le musée d’ethnographie à retrouver son temps. Les visiteurs et les premiers responsables du Musée sont conquis par cette visite d’un genre nouveau. Le français, le mina et l’Allemand cohabitent le temps d’une visite qui aura durée 60mn d’horloge sans gêner aucunement le public allemand. Un prochain rendez-vous est fixé au mois de septembre.
Pour en savoir plus: https: Grassi Museum für Völkerkunde/Ethnologie à Leipzig