Note de Lecture : Une comédie sous les tropiques de Robert Dussey

couverture une comédie sous les tropiquesOn peut soupçonner, à tort ou à raison, Robert Dussey, le conseiller diplomatique du chef de l’Etat, d’aimer le sensationnel en donnant à ses ouvrages des titres quelque peu provocateurs. Son dernier essai était titré : L’Afrique malade de ses dirigeants (Editions Picolec 2008). A l’époque, d’aucuns n’avaient pas hésité de demander à Dussey d’aller faire lire l’ouvrage son mentor Faure Gnassingbé, et l’auteur avait répliqué que lecture de l’ouvrage avait été faite par le patron du Palais de la Marina.

Nul ne sait ce qui se passe réellement à la présidence de la République. Le conseiller diplomatique du chef de l’Etat vient de récidiver, cette fois-ci, dans le domaine de la fiction, par la parution d’un roman, titré Une comédie sous les Tropiques (Editions L’Harmattan, Collection Ecrire l’Afrique, 2011). Il s’agit de la première incursion de l’auteur, un essayiste, dans le monde délicat et complexe du roman et de la fiction en général.

Ici, la provocation est à la fois dans le titre et le graphisme de la première de couverture : alléchante, choquante et provocante, elle se présente sous la forme d’un treillis de militaire, et, au centre, mise en loupe, l’image d’un militaire en arme frappant de sa botte la tête d’un manifestant civil ! Cette image des malheureux événements de 2005 avait fait le tour de la toile. A la parution du livre, un chroniqueur d’un journal de la place, sans avoir lu une seule feuille du roman, avait produit un papelard dans lequel il avait fait une attaque en règle contre Dussey. A la lecture du roman, on comprend vite que cet écrit au vitriol et volontairement méchant était non seulement inutile et mal placé, mais stupide. Malheureusement il continue toujours à distiller lentement son contenu vénéneux là où il est destiné.

 Robert Dussey interpelle une fois encore l’élite africaine

Robert DusseyTitre provocateur mais roman quelque peu décevant pour le lecteur qui s’attend à trouver une fresque décapante des politiques en Afrique. Le lecteur qui penserait à la comédie habituelle sous les tropiques depuis les indépendances, serait plus ou moins surpris : ce roman n’est proche ni du Cercle des Tropiques du Guinéen Alioum Fantouré ni de Mon Cancer aux Tropiques (une nouvelle) du Togolais Kangni Alem. Avec un art plus ou moins nouveau du roman, où le lecteur ne découvre le véritable héros du roman qu’à la fin de l’histoire, l’auteur nous raconte la vie d’un jeune homme Serge, de famille modeste, qui par moult péripéties de la vie est devenu le père officiel d’un dictateur loufoque, le commandant Steven. Lequel commandant, apparu sur la scène seulement dans la troisième partie du roman, étrenne plus ou moins les caractéristiques d’un certain soudard ayant défrayé la chronique dans un pays connu pour avoir dit un non retentissant et désastreux au général Charles De Gaule au moment des indépendances.

Le roman est une longue histoire sur les vagabondages sexuels de Serge et de son fils Steven. Si Serge, un dandy, est un séducteur culbutant les filles avec les règles de l’art, son fils Steven n’est qu’un Don Juan sans coeur, un voyou voire une brute sans nom. Un mauvais caractère congénital, puisque sa mère, une prostituée et son père, un homme d’affaires sans scrupules, qui a empreint son passage à la tête de la République de Korodou.

Sans l’art de la philosophie du boudoir d’un Sami Tchak, le sexe et la licence ont une importante prégnance dans ce livre, chose insoupçonnable chez l’auteur, un ancien séminariste dont le langage en public est plutôt châtié voire pudique. Cependant, le roman laisse planer quelques interrogations en ce qui concerne la définition des personnages: Steven, le comandant dictateur de la République de Korodou, par exemple, est un bâtard né d’une femme de petites mœurs. Sans grande formation malgré tous les soins prodigués par son père adoptif, il finit par devenir un fléau pour son peuple, un Dracula d’opérette violateur des droits de l’homme et de la démocratie. On peut se poser la question de savoir si les prostitués ou les bâtards, considérés dans le roman comme la lie du peuple, ne sont pas capables de grande chose. Quelques clichés glissés ça et là dans ce roman ne permettent pas de juger de la psychologie véritable des personnages.

Il s’agit d’un roman par endroits manichéen. Le projet de Robert Dussey a été de dresser la satire jusqu’à la caricature d’un roi nègre, sans éducation, la brute la plus extrême qui puisse être à l’instar d’un Idi Amin Dada ou d’un Dadis Camara, le tout mangé à la sauce de la littérature populaire. Il l’a fait dans une langue simple, peut-être trop simple. Robert Dussey interpelle les élites africaines sur la question de comment parvenir au pouvoir et à qui confier la destinée d’un peuple.

Une comédie sous les Tropiques, est le premier roman de Robert Dussey. Il est auteur de plusieurs ouvrages dont l’intéressant L’Afrique Malade de ses hommes politiques, L’Afrique face au SIDA, La Vie sans vie, Penser la réconciliation au Togo .Une comédie sous les tropiques, Harmattan, 23,50 euros.

Tony Feda

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