Nom et Prénom : Agbedoglo Yawo Sylvester à l’Etat-civil. Nom d’artiste : Master Drummer. Littéralement maître percussionniste, car il est un virtuose du djembé et du sogo, ce tambour majeur tant prisé dans la musique folklorique ewé, qu’il joue accroché entre les jambes, dégageant des sonorités merveilleuses de cet outil agreste.
Né en 1968, ce Togolais, originaire du Sud du pays, au regard large et au physique fort athlétique, est à son troisième album, «Tsadila», au ton très nouveau et très tradi-moderne. Son objectif est de faire de la musique de recherche où le rythme a une forte prégnance, quelque chose qui ressemble à de la musique traditionnelle africaine mais où sonorités occidentales et orientales sont présentes. Il utilise toute une foultitude d’instruments de la percussion africaine tels que le djembe, le sogo, le bougaroubou, la calebasse, la kora et les tam-tams ; des instruments asiatiques tels que la trompette tibétaine et la flûte chinoise ; des instruments européens tels que la guitare électrique, la basse, le piano et la trompette. Un répertoire de rythmes variés où l’on retrouve notamment les rythmes togolais comme agbadja, aguéché, akpessé. C’est un véritable patchwork de rythmes africains traditionnels et modernes, avec d’excellents morceaux d’afro beat et de reggae. Un tel ensemble instrumental nécessite une équipe de diverses nationalités dans laquelle on retrouve des Danois, des Suédois, des Ghanéens, des Togolais, un Gambien et une Française.
Depuis King Mensah, on n’a plus eu sur le marché musical un produit de ce type, tendant à faire alliage des rythmes africains, togolais et mondiaux. Mais il va plus loin que l’ancien élève de Were-Were Liking, en faisant la somme de toutes les cultures musicales possibles. Ce troisième coup est déjà un coup de maître, et découvre un artiste aux multiples talents qui devrait nécessairement constituer l’un des porte-flambeau de la musique togolaise traditionnelle et de recherche. C’est un espoir sur qui il faut désormais compter, à côté de King Mensah. Comme par hasard, Master Drummer fait bonne équipe avec Sassou Koudou, l’autre espoir de la musique togolaise, qui s’illustre également dans le domaine de la musique de recherche.
Comme son titre l’indique en éwé, l’album «Tsadila» (le voyageur en français) illustre les pérégrinations du musicien à travers le monde, et porte en écho les thèmes de l’exil, de l’amour, la nostalgie, la vérité, l’héritage, où l’on sent un peu les relents du pays, à travers ses dix titres. Vivant au Danemark, Master Drummer porte certainement les traces des dures réalités de l’immigré, comme la plupart de ses concitoyens jetés sur les routes de l’étranger, pour raisons politiques ou économiques. Quand on se jette sur dans l’inconnu, on abandonne toujours derrière soi des êtres aimés. Il chante leur nostalgie à travers le titre «Mayi mava ». Le titre «Gnatépé» (la vérité) exprime l’absence de cohérence dans les manières de vivre ensemble. Le discours est alors moral : «le mensonge est à la vérité ce que la nuit est au jour. Quoi qu’il en soit, faisons un effort pour être droit dans nos démarches.» Pazunga I est le morceau le plus abouti, Sylvester Agbedoglo fait l’apologie de la solidarité contre l’individualisme : «En toute communauté et contrairement à l’individualité, l’union fait la force à l’image des fourmis», chante-t-il.
Ce trosième album est d’une grande qualité auquel il manque quand même un petit effort sur la voix. Pour se distinguer réellement de part sa composition, ne vaudrait-il pas mieux que le musicien pousse plus loin ses recherches dans la musique de recherche. Les deux morceaux de Il comporte également quelques faiblesses, essentiellement dues aux déviations vers le rythme reggae sonnent comme une dispersion des efforts. Deux chants reggae parfaits mais qui s’écartent de l’objectif de la recherche. On note également que le titre N° 10 « Sogbadza », morceau très instrumental, reste beaucoup trop conforme aux productions folkloriques nationales. Cela ceci montre également l’influence du Togo sur sa création, « Sogbadza », étant le seul produit au Togo par l’artiste, le reste étant fait en Suède par Anders Hvidberg-Hansen. En fait l’artiste le voulait comme un retour aux sources, les neuf premiers titres étant considérés comme l’incursion de l’artiste dans les autres cultures. Ce voyage étant accompli, et imprégné d’autres cultures, ce morceau vient « en conclusion à cette écriture, à cette œuvre [pour montrer] la culture qui coule dans [ses] veines.» Un retour sur soi qui n’enlève néanmoins rien à la qualité de ce produit et surtout à l’artiste.
«Tsadila», Master Drummer Sylvester Agbedoglo Album CD produit par Sylvester Agbedoglo et Anders Hvidberg-Hansen, 2006 Prix : 10. 000 CFAAfro Roots, Roots 1, 1997
Tony Féda ©Togocultures