Les fous de la ville de Lomé: Ils sont vraiment fous, ces gens.

Les enfants s’amusent à lancer des pierres ou à crier sur les fous. L’ignorance galvanise leurs gestes puisque c’est la folie qui détient la vérité de la psychologie. Chaque ville et chaque quartier garde un peu son « fou », le temps qu’il prenne goût à la marche et disparaisse dans la nature. Être fou en Afrique n’est rien, dit-on, savoir marcher est la clef de tout.

On trouve dans la ville de Lomé des fous nomades, des fous sédentaires squattant poubelles et dépotoirs, des fous plasticiens jouant avec des objets pour en détourner le sens, des fous comédiens répétant les mêmes gestes tout le long de la journée, des fous de la plage voltigeant dans le sable fin de l’océan atlantique et se reposant sous les cocotiers…Mais le pire des fous, ce sont ces hommes qui veulent s’enrichir à tout prix et qui feraient commerce, raconte-t-on, avec les « esprits », lesquels les obligent en contrepartie de l’acquisition de la richesse à coucher avec les folles.

La violence n’alimente pas le quotidien de nos « fous et folles », comme en Occident, où certains, pris dans l’étau de la schizophrénie, s’en prennent violemment aux passants. Les fous d’ici, un jour leurs têtes ne fonctionnent plus normalement, puis le corps lâche, et ils s’en vont établir résidence dans la rue. Ils abandonnent le bienfait de la parole, l’attitude fantoche de l’amitié, le spectacle ridicule du travail, le chemin menant à leur domicile et le monde aliénant des humains. La tête lâche, le corps ayant fait faillite se débarrasse des habits ou amoncellent des tissus souillés à la longue par la crasse. Adieu la comédie du travail ou la chasse à l’argent, ils vivent dans un monde dont ils détiennent seuls les codes et les secrets. Le seul asile psychiatrique que le Togo compte, l’hôpital psychiatrique de Zébé, ne peut pas les héberger tous. Y séjournent les fous venant des familles ayant les moyens d’assumer leur folie. Les autres vivent dans la nature. Les citoyens les nourrissent et les sauvegardent comme une espèce protégée. Certains membres de la famille ne supportant plus leur crasse, en viennent à les enlever de force pour les laver un peu et leur donner de nouveaux habits qui ne résisteront pas aux intempéries.

Pour l’instant, la ville fait corps avec eux comme un citoyen lambda. Ils n’insupportent pas les regards,  ne font pas honte à la cité. Ils vivent dans leur logement de fortune ou courent tout simplement les rues. Il est rare de les voir faire l’amour en plein jour au vu et au su de tout le monde. Ces fous minoritaires vivent leurs histoires et leurs mondes.

Depuis quelques années le nombre de fous augmente dans la cité, sous le regard attendri des citoyens. Au Centre Hospitalier Universitaire de Tokoin, certaines folles viennent accoucher, puis disparaissent dans la nature. Qui sont les pères des enfants ? La ville de Lomé garde pour l’instant le secret de ses fous.

Article et reportage photos: Gaëtan Noussouglo©Togocultures

 

 

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