Des échasses de 2 à 5 mètres en bambous voltigent dans le ciel du Goethe Institut de Lomé. Ils sont chevauchés par Les Tchébé Tchébé de la « Ville des 7 collines », Atakpamé, qui exportent depuis quelques années l’art des échasses en Europe. Pour ce spectacle unique en son genre, ils se font accompagner par l’écrivain, conteur et comédien David Ganda et des danseurs de la compagnie « Nukunu Capoeira ». Ensemble, ils valorisent les rythmes et héritages culturels du Togo. En filigrane le long du spectacle se glisse l’histoire du Roi Toffa et du dieu Tonnerre
La fusion de talents, de compétences dans le monde de l’Art togolais peut valablement donner une autre dimension aux productions collégiales des artistes locaux. C’est ce qu’ont entrepris le groupe d’échassiers « Tchébé Tchébé »et la compagnie de danse « Nukunu Capoeira ». Ce duo détonant qui vient de rentrer d’une tournée en France et au Maroc a gratifié le public loméen d’un spectacle inédit le 18 mai dernier au Goethe Institut, durant deux heures. « Gbenodou » (« fraternité, entente, cohésion ») était le nom de cette représentation aux contours atypiques. Il s’agissait pour ces danseurs de nourrir leur public à la source d’un conte intitulé : « La colère des génies ». A cheval sur l’imaginaire, le fabuleux et le réel, ce conte est une fresque du rayonnement de la gloire de célèbres empires en Afrique occidentale, comme celui du Bénin.
Il s’est agi pour ce binôme de donner à voir des facettes de l’Afrique rayonnante d’avant-colonisation. Toutes les expressions gestuelles et corporelles ainsi que la résonance des tam-tams et de chants rituels ont été bonnes pour replonger les Loméens dans le passé glorieux de leurs ancêtres africains. Les danseurs se sont mués à un moment donné de leur spectacle en comédiens, n’hésitant pas à assaisonner leurs textes avec des propos comiques. Comme « l’invocation du vaudou climatiseur, pure water (eau minérale) » ! L’Afrique décrite par ce collectif de danseurs est un continent de mythes, de castes dont certains membres sont des gardiens de secrets transmis de génération en génération comme « le langage Egoun ».
Il en va de même lorsque l’écriture du spectacle de ce 18 mai donne à apprécier des pas de danse d’échassiers qui font partie de l’identité cultuelle de l’ex-Dahomey et de beaucoup de pays d’Afrique occidentale : une somme de gestes exécutés avec une dextérité et une habileté à couper le souffle et à « secouer le cocotier » de l’incrédulité de beaucoup d’Africains vis-à-vis du pouvoir des religions traditionnelles de leur continent. Dans cet effort de sauvegarde de la mémoire culturelle, les exercices de Capoeira savamment pratiqués par certains danseurs jettent un pont étroit entre le continent berceau de l’Humanité et sa diaspora éparpillée dans des Etats sud-américains comme le Brésil. Les clins d’œil aux chants et danses du terroir aussi bien au sud qu’au nord du Togo témoignent de leur attachement à leurs racines et du rapprochement entre les rites séculiers en Afrique subsaharienne.
Ce voyage dans le temps et dans l’espace de « Tchébé Tchébé » et de « Nukunu Capoeira » n’est pas déconnecté du monde contemporain comme le spectateur peut le penser au premier abord. L’évocation de l’Afrique glorieuse d’un point de vue cultuel est une manière pour ces professionnels d’être les défenseurs de l’importance de l’existence d’une harmonie entre les composantes de la Nature. Un clin d’œil subtile à la désormais célèbre « thématique du développement durable », en démontrant que les traditions d’Afrique prônent aussi dans leur essence la lutte contre le gaspillage des ressources de dame Nature.
Rappelons que la danse Tchébé Tchébé a fait l’objet d’un livre d’Emmanuel Lambert de la Compagnie Bulles de Zinc, de Jérôme Blin et de Georges Kotannon Nangbé. Il est édité par les éditions Graines de Pensées de Lomé.
Edem Gadegbeku©Togocultures
