Le boom des écrivains togolais

"Ma Adidoti" de Anne-Marie Djondo-Oberlé Photo: Gaëtan Noussouglo
« Ma Adidoti » de Anne-Marie Djondo-Oberlé Photo: Gaëtan Noussouglo

Il y a des contrées qui sont des déserts sur la carte littéraire du continent Afrique. La Zambie, par exemple, ou le Burundi, deux pays dont les voisins immédiats (Zimbabwe, South Africa, Kenya, Tanzania, RDC) ont donné de grands noms à la littérature africaine. Cette indigence dans la production, c’était aussi le cas du Togo jusqu’à ces dix dernières années, avant l’émergence soudaine sur l’échiquier continental et international des auteurs togolais.

Ils sont relativement visibles et nombreux ces noms que l’on retient : Kossi Komlan-Ebrie (photo ci-contre), Edem (rien à voir avec l’autre Edem, Kodjo de son patronyme), Sami Tchak, Theo Ananissoh, Kossi Efoui, Anatole Tokofai, Agba Esso-Wêdéo, Rodrigue Norman, Gustave Akakpo, Sénouvo Zinsou, Séwanou Dabla, Amoussa Koriko et Alfa Ramses (dramaturges prolixes mais pas édités), Richard Alem (à ne pas confondre avec Kangni Alem), et tant d’autres, domiciliés au Togo ou éparpillés à travers le monde.

Néanmoins, dans ce concert de voix littéraires, la rareté des voix féminines m’inquiète. Depuis la mort de la virevoltante Chaold Pyabélo, d’autres plumes de femmes semblent s’être cassées. Christiane T. Ekué, ancienne directrice littéraire des NEAT et auteur du Crime de la rue des Notables se consacre activement à sa nouvelle maison d’édition Graines de pensée; Gad Ami (L’Etrange Héritage) a disparu de la scène littéraire togolaise.

Certes, il ya encore Germaine Kouméalo Anaté (photo ci-contre), romancière et nouvelliste (Le regard de la source, Frontières du jour, Ana Editions, Bordeaux) dont la production naissante promet si elle se libère davantage dans son écriture châtiée, mais par-delà elle, combien d’autres nous ont habitués aux faux démarrages avant de disparaître dans les limbres?

Comment expliquer la faible présence des femmes dans le fertile champ littéraire togolais? Certains avancent l’hypothèse selon laquelle la dictature aurait encore plus éloigné les femmes togolaises des activités de l’esprit. Peut-on vraiment imputer uniquement aux 39 années de la dictature militaire cette rareté? De son vivant, Chaold Pyabelo elle-même avait coutume de le répéter : “C’est un acte de courage pour une femme africaine que d’écrire”. Certes les hommes togolais, jeunes et moins jeunes, sont partis en exil, laissant aux femmes le soin de gérer le quotidien, mais j’ai aussi rencontré dans mes voyages autour du monde des Togolaises qui en avaient les moyens et le temps, pour lesquelles l’acte d’écrire ne signifiait rien, quelque soit le genre, fiction, théâtre ou essai. Il y a lieu, alors, de s’interroger autrement sur ce clivage si lourd, car la réponse pourrait être ailleurs que dans une explication socio-politique. La littérature, comme le hip-hop ou le football, aurait-elle érigé ses propres barrières qui feraient de chaque apparition des femmes dans son champ une victoire à célébrer, au lieu d’un acte normal de prise de parole différente et complémentaire à apprécier? That is my question

Kangni Alem© Togocultures

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