Kofi Ettoh Nénonéné, chorégraphe, formateur au Centre Brin de Chocolat jusqu’en 2005, entre à l’Ecole Offjazz à Nice d’où il est sorti en 2010 nanti d’un diplôme de danse. Installé à Nice avec sa compagne tchèque Jirina Urbanova, ils viennent de créer leur structure « Mouvement du sud » pour promouvoir la danse. Ils travaillent avec la Cie Kenju sur leur prochaine création « I want to be ready », un spectacle dans lequel se croisent des chemins de la vie et des histoires de vie. Une sorte de délire de la rencontre de deux mondes. Togocultures a rencontré Kofi Ettoh Nénonéné pour retracer son parcours artistique.
Rien ne prédestinait ce jeune homme à la danse. Né le 20 janvier 1978 à Lomé, le jeune Kofi embrasse très tôt une scolarité pour devenir comptable. En classe de Terminale au Lycée Technique d’Adidogomé, l’ennui a commencé à le prendre aux collets « je m’ennuyais au sein de cette institution où je ne comprenais rien. En terminale ; je n’ai pas fini mon année car tout me saoulait. ». Il cherchait un univers où la pratique est la règle « la danse, pour moi, incarnait la liberté, la pratique. Enfermé à l’intérieur d’une classe et avoir six heures de compta dans la tronche ne m’enchantait plus guère. » Le père de Kofi, prof d’anglais ne savait plus ce que son enfant faisait de ses journées, préoccupé par ses cours. Ses parents le découvriront sur la radio RFI et lors de son premier voyage à Bamako. Puis ils l’ont porté jusqu’à aujourd’hui : « Ils savent que je ne suis pas feignant, ils ont découvert ce que j’aimais de plus profond et de plus noble et tout s’est goupillé naturellement ».
La danse m’a sauvé
« C’est la danse qui m’a dit « viens, mon fils ». Elle m’a sauvé ! En 2000, j’ai commencé à suivre des cours d’Henry Motra au Centre Culturel Français de Lomé ». Ce chorégraphe, ancien élève d’Ass Ayigah, lui a enseigné les rudiments de la danse avant de lui donner un rôle dans sa chorégraphie « La nuit de la danse africaine ». Il quittera Henry Motra pour tenter l’aventure de la formation des jeunes talents au Centre Brin de chocolat d’Annie Toussaint dans le quartier Kodjoviakopé jouxtant la frontière du Ghana. Il crée son spectacle : « la salutation solaire », un solo, un enchainement inspiré de yoga. « Au début, je n’avais pas beaucoup de matières autour de moi ». Puis suivra « zémidjan » où cinq danseurs retracent la vie des conducteurs de taxi et établissent un rapport entre taxi-motos et la population, les klaxons, l’habillement des femmes qui montent sur la moto.
Sentant son jeune formateur limité, Annie Toussaint le poussera à suivre d’autres formations. A Lomé, la formation était sur le tas : « Les différentes rencontres m’ont permis de grandir mais la soif de la formation était intense. »
Aujourd’hui, il revoit toutes ces périodes avec grandeur : « Je voulais aller au-delà de la danse, du ballet cru, où la beauté se percevait à peine si ce n’est un remix de tout ce qui est traditionnel. L’aventure de Bamako chez Kettly Noël de 2004 à 2005. J’ai rencontré Sidi Graoui danseur d’Eddy Malem avec qui j’ai pris des cours et le regretté Augusto Cuvilas. ». Il a réussi à côtoyer le milieu du théâtre avec King Okouley du Ghana, suivi aussi une formation avec Kikan Ayigah.
En 2004, à l’invitation du Festival Filbleu, il a échangé avec le japonais Katsura kan autour de la danse buto. « Il avait un gros problème de communication, sa danse était excellente. Ca me fascinait à l’époque Mais je ne comprenais pas trop ce que nous faisons. Il n’a pas réussi à nous expliquer la portée de cette danse. » . Aujourd’hui, après sa formation il voit plus clair.
En 2005, il part en tournée en Belgique avec Harold Georges autour du projet Wateba qui a été un grand succès. La création « His story » lui ouvrira enfin les portes de l’Europe. A la fin de la tournée, il continue sur le festival Plate Danse à Bastia en France où il rencontrera Carolyn Carlson, danseuse expressionniste allemande « Son approche en danse contemporaine m’a séduit. »
Le professionnalisme permet de mieux outiller le corps
En faisant de petits boulots, il s’est payé sa formation, de 2006 à 2010 à l’École de danse Offjazz à Nice. Il était un peu tard pour Kofi d’entrer dans un conservatoire car son corps a perdu toutes les souplesses : « Au niveau du corps, de l’articulation, la danse classique était difficile. Je me blessais, j’avais des problèmes de bassin. J’ai compris tous les risques que donnait le travail sur le tas ». Il a appris par la suite à se mettre au service et à l’écoute de son corps : « j’ai découvert mon corps, ses rouages et j’ai puisé dans ce fonds pour être au diapason des autres ! le contemporain et le jazz, étaient différents au niveau des phrasées »
Il ne regrette pas sa formation minimaliste au Togo car il en a tiré un bénéfice certain. La technique, la formation n’assujettissent-elles pas le rudimentaire, le basique ?
Rêves et réalités
Sur le terrain, à Lomé, le centre Brin de chocolat devient progressivement une structure de diffusion de danse. Les jeunes ont besoin d’outils nécessaires pour améliorer leurs prestations. Ce qui nécessite des moyens pour travailler la frontalité, la situation dans l’espace, les fondamentaux de la danse. Cet art doit, pense Koffi Ettoh Nenonéné, redorer sa noblesse d’antan. La Compagnie Woenyo restée sur place y arrive à sa façon. Elle amène l’art chorégraphique à l’intérieur du pays et auprès des populations n’ayant aucun outil d’appréhender les réalités de cet art. Les chorégraphes professionnels togolais de l’Europe doivent œuvrer avec les « nationaux » pour recenser les besoins des jeunes et les amener à tendre vers un certain professionnalisme. Le Togo reste aujourd’hui à la traine dans la sous-région.
En créant un lieu, un conservatoire pour la danse, le gouvernement pourra ré-envisager avec les professionnels un sérieux travail. Il sauvera ainsi la danse togolaise et la rendra plus compétitive.
Gaëtan Noussouglo