King Mensah vante l’Afrique dans « Da »

King Mensah en concert à Kégué Photo: Gaëtan Noussouglo
King Mensah en concert à Kégué Photo: Gaëtan Noussouglo

Dans le microcosme musical togolais, on connaissait le faible qu’a King Mensah pour l’exaltation des vertus de la femme africaine et de l’amour qu’il porte à sa terre natale. Sur son 6e  album, « Da », il a tout simplement étendu cette disposition d’esprit et artistique à l’Afrique. Non seulement en restant fidèle à son identité musicale, l’afro-funk, tout en se découvrant de nouvelles tentations musicales.

« Da Mère, nôtre tu l’as été jusqu’à la racine. Et une mère on la saigne pour en naître, on la tète pour se nourrir. Et pour sa douleur on l’aime davantage. Comment se priver du désir de l’aimer toujours, de la fierté de la servir, et du plaisir de rêver d’elle comme d’une amante ? Se faire un devoir de la recréer après l’avoir enterrée. Jusqu’à la lie, mère, tu as subi nos caprices. Debout, mère, il est temps de renaître. Lève-toi Da Afrique !!! ». Ce court poème inséré dans la pochette en digipack (une première pour cet artiste) du 6ème album de King Mensah révèle à lui tout seul la coloration artistique que donne le natif de Bè-Kpota (un quartier chaud de Lomé) à sa carrière en cette année 2010.

En effet, c’est au chant d’un véritable hymne pour la renaissance de l’Afrique que se livre, du haut de ses 39 ans, King Papavi Ayaovi Mensah dans son 6e opus, en 14 ans de carrière. La nouvelle Afrique, aux yeux du « Meilleur artiste traditionnel africain aux Koras Awards en 2000 et 2004 » doit être parfaite dans tous les sens du mot. Cet ardent souhait prend forme à travers le chiffre pair du nombre de morceaux que contient son nouveau bébé discographique : 10 ! Ce désir de l’avènement d’une nouvelle ère pour l’Afrique se manifeste très précisément à travers les chansons « Dada » et « Maman ». Dans « Dada », Papavi Mensah rend hommage à toutes les génitrices du monde et tout singulièrement à la sienne (Da Vodou). Orphelin de père dès l’âge de 13 ans, ce benjamin d’une famille très modeste et qui compte six enfants n’a donc pas la mémoire courte quand il chante : « A mes yeux mère, tu vaux plus que toutes les richesses du monde ; il n’y a que Dieu qui te dépasse sur mon échelle des valeurs ». Pour souligner un peu plus cette reconnaissance, le chanteur, fait rarissime dans ses sorties discographiques, loue également les qualités de cette mère en français !!! Le lien entre génitrice et mère Afrique, le « Meilleur artiste togolais 2007 » le réaffirme davantage dans l’unique featuring de son nouvel album au moyen de « Maman », grâce à la complicité du célèbre groupe panafricain « Bisso na Bisso » sur un ton essentiellement hip-hop. Une première dans la production d’opus du « Meilleur artiste ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) de l’Unesco en 1997 ». Ces deux titres sus-évoqués qui dépeignent la thématique centrale de cette galette musicale ont été bâtis sur un ton musical tradi-rock (un savant et habile mélange entre le rock et des rythmes traditionnels du Togo qui a forgé depuis 14 ans la réputation du « Roi » Mensah). Tout comme les chansons « Matui » et « Mifon » qui, respectivement, ouvre et ferme la nouvelle production musicale de ce Togolais.

 King célèbre les rythmes du terroir

Sur le reste de ce 6e opus, le «{ Meilleur artiste social africain en 2005 au Bénin }» se remet dans la peau du Jean de la Fontaine de la chanson togolaise en prodiguant des leçons de la vie de tous les jours au travers de la multiplication de figures de style et d’images. Comme à son habitude. Cette attitude est adoptée dans les morceaux « {Enouwo le djo} », « Migavon} » ou encore l’actualisation du titre «{ Evenam} » pour dit-il, « {décrier la duplicité de l’être humain en général} ». Conscient du fait que le Togo « {ne s’est pas encore forgé un rythme musical propre à lui} » comme il aime lui-même à le répéter, l’ancien élève d’Eddy-Njock (à Abidjan), plus connue sous le nom de Werewere Liking, s’est une fois de plus évertué à vanter des rythmes du terroir togolais par le truchement des compositions comme « Ega }» et « {Nene yelo} ». Le premier a été concocté sur un fond d’agbadja alors que le second marque le retour  du kamou sur un opus du King. Mais, depuis le lancement de la promotion de  « Da », c’est la mélodie « {Ata} » (première composition reggae dans la discographie de K. Mensah) qui recueille la faveur des Togolais. Elle tourne ainsi en boucle actuellement sur la bande Fm dans la capitale togolaise. Une juste reconnaissance aux trois voyages en Occident qu’a nécessité la réalisation de la nouvelle galette de Papavi Mensah.

  King Mensah explore de nouveaux horizons

Dans notre contrée, il est coutume de dresser des lauriers pour un artiste de la chanson quelle que soit sa production. Il serait peut-être temps que l’on arrête avec cette pratique. Si le reggae et le hip hop mâtiné du traditionnel afro-funk dans lequel il s’est fait une réputation solide, marquent peut-être l’ambition de King Mensah d’explorer de nouveaux horizons, on ne peut pas en dire autant de son inspiration. L’artiste qui a révolutionné la chanson togolaise depuis Bella Bellow semble quelque peu limité. Depuis deux ou trois albums, King Mensah ne met sur la scène que du réchauffé, servant à quelques variantes près la même esthétique musicale sans un vrai travail en profondeur.

Alors que le Togo traverse une crise anomique profonde depuis des décennies, King Mensah ressasse avec une jouissance égoïste et égocentrique les mêmes jérémiades, centrant sa discographie sur Dieu et sa mère et l’exaltation des bonnes femmes. Certes les premiers opus de King Mensah ont révolutionné la musique togolaise mais en ce qui concerne la chanson, il faudra bien attendre un prochain messie.

Edem Gadegbeku © Togocultures

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