Confusion des Sentiments: Première partie
Le grincement du sommier t’a fait comprendre qu’il était enfin passé à l’acte, n’est-ce pas ? Allongés l’un à côté de l’autre, dans ce lit à une place, nous parlions sans oser nous toucher. Une prouesse qui frisait le ridicule. J’avais imperceptiblement laissé mon pagne se relâcher. Son torse nu m’attirait, puisqu’il avait gardé son pantalon. La chair attire la chair, celle de mes globes mamellaires toucha son épaule gauche, et il les prit dans ses mains. Instinctivement, je soupirai et ma main se dirigea vers son entrejambe. Nous avions beaucoup bu, et nos sens étaient affolés.
A la fin du premier round, il transpirait comme un boxeur maladroit, et se rua dans la douche pour se rafraîchir. J’en profitai pour te parler, tu n’avais pas raccroché le téléphone. Tu couinais, comme pour accompagner nos ébats, puis il est sorti de la douche, et j’ai déposé le téléphone. Trois fois de suite Rico m’a malaxé les chairs de son pilon ferme, trois fois de suite il est allé se rafraîchir. Sa descente dans mes profondeurs, opération simple, efficace qui me laissait exsangue et réjouie à chaque fois. Je voulais partager avec toi ce plaisir sans pareil, que même Freud, ton auteur de chevet, n’aurait pas renié, mais peine perdue, je ne pouvais pas te parler sans que Rico ne découvrît le piège malhonnête que je lui avais tendu, se servir de lui pour satisfaire la curiosité malsaine de mon mari, lequel allait payer une note de téléphone salée comme l’Atlantique, mais s’en foutait royalement du moment qu’il pouvait assister au triomphe de sa jeune épouse.
A quel moment as-tu raccroché ? Je ne sais plus. J’étais ivre, doublement, triplement. Je t’aimais, je m’endormis dans les bras de Rico en t’aimant fort, les larmes presque aux yeux comme chaque fois que je pense à la chance de t’avoir dans ma vie. A l’aube, il m’a encore fait vibrer pendant que je dormais encore, entre deux eaux je l’ai entendu crier clairement, « tu va me tuer, la fille-là tu vas me tuer, tu seras désormais ma copine, je ne te lâcherai plus. » Quand il est parti, j’ai dormi toute la journée, puis trois jours plus tard, j’ai compris que la réalité douloureuse de la confusion des sentiments venait de me rattraper. Chaque fois qu’il m’appelait, je n’osais plus te dire « Rico m’a appelé ». Je sentais que j’avais le béguin pour Rico, et cela, je ne savais plus le gérer. Surtout que tu m’avais dit, « une fois, une seule fois, pas de répétition. »
Puis il y eut la répétition. Un mois plus tard. Tu passais ton temps à me persécuter. Tu m’accusais de l’aimer en secret. C’est vrai que, quelque part, je me sentais seule dans ce pays où personne ne me draguait plus. Où je n’étais plus le centre d’attraction des hommes, lesquels me harcelaient à TiBrava comme s’ils étaient possédés par l’esprit du bouc.
De plus, je ne sais comment tu l’as su, Rico avait désormais de l’influence sur moi. Il m’appelait le soir à la fin des cours, et m’engueulait vertement quand je n’avais pas répondu à certains de ses SMS. Je tremblais comme une gamine, je voulais crier, « Rico, arrête de m’appeler », mais je le laissais marquer son territoire. Je devenais sa chose, et Dieu sait que ma propension naturelle, malgré ma force de caractère, est de me laisser dominer par l’homme que j’aime. Jusqu’à la souffrance s’il le faut. Je ne sais pas aimer à moitié, je suis un danger pour moi-même quand je tombe amoureuse.
Et je souffrais de ton manque de confiance en moi. Je souffrais, et Rico aussi commençait à me faire souffrir. C’est pourquoi je t’ai dit ce jour-là, « écoute, Rico m’a invité à dîner, je veux y aller et mettre fin à cette relation ». Tu m’as dit, n’y va pas. Je t’ai dit que j’irais, qu’il était temps de crever l’abcès, que j’allais lui dire la vérité, que j’avais un homme dans ma vie. Tu m’as dit, explique-lui les choses au téléphone. J’ai dit non, ce serait malhonnête, je me suis servie de lui, je lui dois bien cela. Tu m’as dit alors vas-y, va dîner avec lui au restau, mais sois franche avec lui ! J’y suis allée, sauf qu’au lieu de m’emmener au restaurant, il m’a récupérée au métro, et m’a conduite chez lui. Une heure plus tard, tu m’as rappelée, c’était trop tard. Son ascendant sur moi s’était confirmé. Nous avions mangé en compagnie de trois de ses amis, puis ces derniers se sont retirés.
J’ai demandé à partir, il m’a demandé de rester, je lui ai dit, non Rico, je veux qu’on arrête ! Je suis sortie de l’appartement en hâte. A ce moment mon téléphone a sonné, depuis l’autre rive de ta facture transatlantique, une fois de plus tu as voulu savoir où j’étais, j’ai dit que j’allais au métro, que je rentrais chez moi. Tu m’as raccroché au nez, et j’ai rebroussé chemin, je ne sais trop pourquoi. Il m’a ouvert la porte quand j’ai sonné. Puis, là, dans le canapé, en moins de cinq minutes, il m’a de nouveau troublé les sens. Oui, je l’avoue. Tu me demandes si je… ? Non, je ne l’aime pas. Je sais que tu ne me crois pas. Rico, c’est juste mon point faible dans ce pays de solitude intégrale.
Ne t’énerve pas mon mari, écoute, je veux te parler… écoute, ne raccroche pas, je ne l’aime pas, c’est toi que j’aime, je sais que je viens de perdre la meilleure chose qui me soit arrivée depuis que je galère dans ce monde, je sais que je t’ai perdu, que tu ne me pardonneras pas… oui, ce n’est plus du partage ce que j’ai fait, ce n’est pas dans notre code de conduite, mais je veux te dire, quelle que sera ta décision, je m’y plierai, et j’assumerai les conséquences, hein, tu dis ? Allo, allo…
J’ai beaucoup souffert depuis l’âge de onze ans, mais jamais imaginé la souffrance si proche de la folie. Pourquoi as-tu raccroché ? Je voulais te dire que je suis enceinte.