Dialogue entre Gaston-Paul Effa, Mr l’Ambassadeur de l’UE au Togo, et le Prince Asrafo Plakoo Mlapa de Togoville

 Bonsoir à tous et bienvenue dans cette troisième édition du « Live Culture 228 ». On est le jeudi 14 avril, il est 20h précises et nous ouvrons notre journal culturel avec un événement exceptionnel. En effet, le Festival FilBleu ouvre ses portes dans quelques heures, et nous recevons pour en parler un invité qui vient d’arriver au Togo, l’écrivain Gaston-Paul Effa. Il est accompagné de l’ambassadeur de l’Union Européenne au Togo, Mr Nicolas Berlanga, qui accueillera une conférence en sa résidence. Nous avons également le plaisir d’accueillir le Prince Asrafo Plakoo Mlapa de Togoville qui nous accompagnera tout au long de cette émission. Le journaliste Tony Feda animera ces échanges.

Tony Feda : Merci à Culture 228 pour cette opportunité à moi offerte d’animer cette discussion. Je salue les invités. Bonsoir Excellence Monsieur l’Ambassadeur, bonsoir Monsieur Effa, et bonsoir Majesté. Ma première question va à l’endroit de M. Effa : dans « Le dieu dans l’herbe », vous allez à la rencontre de l’animisme en rendant visite à Tala, une prêtresse pygmée, et découvrez le rapport de cette religion à la nature. Pouvez-vous nous parler des raisons qui vous ont poussé à entreprendre cette démarche ?

Gaston-Paul Effa : Bonsoir à tous. Je suis allé au bout de la philosophie occidentale. Mais j’ai fini par comprendre qu’elle m’éloignait de la vie, du verbe vivre. C’est cette femme de rien, Tala, qui l’a rapproché de cette vie, et donc de moi.

Prince Asrafo Plakoo Mlapa : Bonsoir à tous !

Tony Feda : Merci, Majesté, d’être parmi nous. Que les Dieux de la connexion nous accompagnent !

(Jolie photo de Kangni Alem et Gaston-Paul Effa, plutôt concentré sur une côte de quelque chose. N’empêche que je lui envoie cette première banderille, histoire de voir s’il a fait ses libations avant de passer à table. Animisme quand tu nous tiens !)

Culture 228 : Grâce aux photos, nous imaginons ce dîner entre nos invités de ce soir, et l’ambiance qui y règne : débat réel d’un côté, et discussions virtuelles de l’autre. Merci d’avoir accepté de vous prêter au jeu.

Tony Feda : En tant que enseignant de philosophie, de philosophie occidentale, quel rapport y a-t-il entre la vision du monde chez l’animisme et les catégories de la philosophie occidentale ? Quelle est l’essence de l’animisme ?

Gaston-Paul Effa : La vraie philosophie occidentale est animiste. L’humanité vient de l’animisme. Les présocratiques sont animistes. Ils sont dans les choses les plus simples: la nature. Rien d’étonnant si aujourd’hui il y un retour à la nature, y compris en politique avec l’écologie. Il faut oublier le préjugé selon lequel ce qui vient de l’Afrique est dégénéré.

Tony Feda: Soit, Monsieur Effa. Pour sortir de l’écologie et revenir au religieux, par exemple. L’Afrique est terre hôte depuis des siècles de deux religions étrangères, l’islam et le christianisme, qui ont évidemment un impact sur les cultures africaines. Au regard des violences de toutes sortes développées par les extrémismes religieux, l’animisme peut-il être exempt de ces phénomènes extrêmes ?

Gaston-Paul Effa : L’animisme est contraire de l’extrémisme. Être animiste, c’est apprendre à être soi-même. Si on parvient à ce stade ultime, on ne peut pas être violent ! Au contraire, on réaccorde le monde ! On fait un avec les Choses et les êtres. On devient pluie, mouche, vent, nuage… On devient Amour…

Tony Feda: J’adore cette question, Monsieur Effa. Une dernière banderille, s’il vous plaît. On trouve chez Weber l’idée que le protestantisme est à l’origine du développement du capitalisme. De même également, on trouve chez Edem Kodjo (Et demain l’Afrique… ) et Axelle Kabou (Et Si l’Afrique refusait le développement), l’idée qu’il ne peut y avoir développement en Afrique sans agression de la nature. Or la nature est sacrée dans l’animisme ? Est-ce que la science, la technique et le développement industriel sont ils compatibles avec une société animiste ?

Gaston-Paul Effa : Paul Ricoeur nous rappelle que cette question est dépassée, il faut dépasser cet enjeu politique et idéologique.

Wikipédia : Paul Ricœur (1913-2005) est un philosophe français. Il développa la phénoménologie et l’herméneutique, en dialogue constant avec les sciences humaines et sociales. Il s’intéressa aussi à l’existentialisme chrétien et à la théologie protestante. Son œuvre est axée autour des concepts de sens, de subjectivité et de fonction heuristique de la fiction, notamment dans la littérature et l’histoire.

Bruno Voganne : Pourquoi donne-t-on parfois l’image que l’animisme est une religion mauvaise par rapport au christianisme ?

Gaston-Paul Effa : C’est une vision locale. L’animisme a fécondé l’humanité. Y compris la vielle religion chrétienne. Imaginez que la Cène, dernier repas du Christ est animiste : « Vous ferez cela en mémoire de moi ».

Prince Asrafo : Le Vaudou (vodu/vodun) est plus que de l’animisme. Ce mot « animisme » est commun en principe à une croyance qui fait appel à Dieu, ou à la Vie, historiquement le mot est souillé par John Stahl, allemand du XVIème Siècle, et ses pratiques d’immolation ont été condamnées en Allemagne dès lors.

Plakoo Mlapa : Le mot Vodu (vaudou) étant maintenant connu et retenu par Larousse, il mettra plus à l’aise intellectuellement parlant le locuteur de langue étrangère pour une réalité dont l’approche herméneutique (Paul Ricoeur) nous sera plus saisissante…

Tony Feda : Sans transition, nous allons poser une première question à Monsieur l’Ambassadeur Berlanga. La Délégation de l’Union Européenne accueille depuis quelques années des événements culturels : expositions d’arts plastiques, rencontres d’auteurs, spectacles. Comment peut-on comprendre cela ?

Nicolas Berlanga : Pourquoi pas ? La diplomatie du XXI siècle doit être de proximité et s’approcher des leaders d’opinion. Le monde de la culture fait de l’opinion dans les sociétés modernes. L’action de la diplomatie européenne en Afrique doit être proche de la culture.

Tony Feda: Excellence, je retiens les deux dernières phrases. « Le monde de la culture fait de l’opinion dans les sociétés modernes. L’action diplomatie européenne en Afrique doit être proche de la culture » Cependant, il serait intéressant de savoir ceci: Au début des années 2000, l’Union Européenne a financé un Programme de Soutien aux Initiatives culturelles (PSIC) qui n’a pas fait long feu. Quelle est la politique culturelle de l’Union Européenne à l’égard du Togo aujourd’hui ?

Nicolas Berlanga: Nous n’avons pas un projet spécifique mais nous essayons d’introduire un côté culturel dans toutes nos actions, soient de dialogue politique (en faveur de la culture) soient de développement. FILBLEU, nos expo ou notre relation avec les universités sont des exemples

Tony Feda: Merci Monsieur Berlanga. Pour abonder dans le même sens que la dernière question. A l’heure où la France, traditionnel et principal partenaire culturel a réduit de moitié son budget de la coopération avec le Togo, que compte faire l’Union Européenne pour soutenir la dynamique culturelle qui se met en place en dépit de l’insuffisant appui étatique ?

Nicolas Berlanga: D’abord en réitérant toujours que l’état doit en faire davantage. Par rapport à l’UE et la France et l’Allemagne, n’oubliez pas que nous sommes dans une dynamique de plus en plus fédératrice dans nos actions, et la culture peut être un bon démarrage.

Tony Feda: Allô les participants, il n’y a que des acteurs culturels ici. Vous n’avez pas une question à Monsieur l’Ambassadeur. C’est ce soir ou jamais

Bernard Bokodjin : Bonjour Excellence. Je voudrais savoir si au dela de la dimension culturelle ds les actions, l’UE au Togo ne peut pas accompagner le gouvernement ds lelaboration d’une veritable politiqur culturelle? Parce que aujourd’hui le gouvernement ne prend pas en compte la Dimension culturelle ds les projets de développement. De même que les initiatives politiques.

Nicolas Berlanga : Nous serions très ravi d’aider à définir cette politique culturelle, mais nous ne pouvons pas prendre cette initiative. Il faut qu’elle vienne des autorités.

Culture 228: Pour rappel, la politique culturelle à été adoptée. Un document daté de mars 2010 existe. Il appartient aux acteurs de se l’approprier, de s’en saisir. Et à l’État d’encourager sa diffusion, puis sa mise en œuvre. Un premier pas est posé avec le FAC même si cela reste très insuffisant. Comment l’UE apprécie-t-elle cette initiative ?

Nicolas Berlanga : J’apprécie beaucoup cette initiative et j’espère que cela continuera avec plus de moyens.

Culture 228 : Envisagez-vous éventuellement une contribution financière pour augmenter le volume de son financement ? Au Bénin voisin, le FAC est passé à 5 milliards cette année…

Nicolas Berlanga: Sincèrement non. Il faut que l’appropriation se consolide avant qu’un partenaire envisage de contribuer.

Rodrigue bellow: J’ai fait un constat : l’Occident donne plus de valeur aux Africains qui ont excellé dans l’art (musique,foot,cinéma… bref les stars…) pourtant nos dirigeants négligent cette culture…

Tony Feda: Au prince Mlapa. Majesté, avant d’embrancher avec la manifestation que vous organisez à partir de demain, pensez-vous que l’Afrique a besoin de retourner aux sources de l’animisme ?

Plakoo Mlapa: « Pensez-vous que l’Afrique a besoin de retourner aux sources de l’animisme ? » La question ne se pose pas en ces termes pour nous mais concerne précisément là prise en compte de ses Référents ou symboles propres indispensables à la reconstitution de l égrégore Afrique… On peut même s’interroger sur quelle » Afrique » pose là question? Celle qu’on mutile, celle de l’informel ou celle des Chefs Tradition réduits en ornements, simple « témoin » d’un temps révolu…

Tony Feda : Une question au Prince Mlapa : Ki-Zerbo dans l’ouvrage « A quand l’Afrique ? » accuse les dirigeants africains d’être malheureusement convaincus « qu’il n’y a pas grand chose à tirer de la culture africaine  » et de se jeter à corps perdu dans les valeurs occidentales. ». Que pensez-vous de cette affirmation? L’Afrique est-elle réellement résolument tournée vers l’Occident ?

Plakoo Mlapa : Ce défaut relevé par le Professeur Ki-Zerbo vient de l’école occidentale implantée en Afrique et nous descolarise de nos propres valeurs. L’Africain est volé, mais pire encore, il est volé de lui-même. C’est d’elle-même que l’Afrique est volée pour citer Aimé Césaire. Seul le Symbolisme est là force et là vitalité des Nations, on voit l’Afrique chuter lamentablement de ses hauteurs de symbolisme égyptien et nourrie de couleuvres occidentales. Comme l’homme-monument des sieurs Coustères, nommé Monument d’indépendance du Togo. La rencontre du 16 avril nous en dira plus…

Tony Feda: Monsieur Mlapa, votre réponse est pleine de toute poésie, mais est-ce qu’on peut savoir réellement quelles sont ces couleuvres occidentales dont se nourrit l’Afrique et qui la font chuter ? A ma connaissance, la musique moderne, pour ne citer qu’elle, est tout de même d’inspiration africaine.

Plakoo Mlapa : Pour le simple cas du Togo la date du 27 AVRIL et l’édifice qu’on lui correspond comme symbole d’indépendance du Togo sont de véritables couleuvres qu’on a fait boire à des personnes qu’on dirait d’aucune intelligence…

Culture 228 : Nous arrivons à une heure et demie d’émission déjà. Nous pouvons remercier nos invités Mr l’ambassadeur et l’écrivain Gaston-Paul Effa, ainsi que leurs complices à la technique, les organisateurs du Festival Fil Bleu. J’ai toutefois une question pour Kangni Alem s’il est toujours présent : qu’attendez vous de cette 9ème édition et quels sont ses points forts ?

Kangni Alem : Rendez vous en 2017 pour la 10e édition : vous verrez clairement pourquoi on s’est battu jusque-là.

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