Entretien avec Lilian Thuram : Exhitions ou déconstruction du racisme intellectuel

Un public sélect est invité ce lundi 28 novembre à 20h30 au Quai Branly à Paris pour le vernissage  de l’Exposition « Exhitions : l’invention du sauvage ». C’est une idée de la star de football française Lilian Thuram , commissaire général de l’exposition. Elle sera concrétisée par un travail de recherche de deux ans mené par deux scientifiques : Nanette Jacomijn Snoep et Pascal Blanchard. Entre l’accueil des invités et le discours du Ministre de la Culture français, Lilian Thuram  a accordé à Togocultures une interview pour expliquer les raisons de cette exposition.

Exhibitions au Musée du Quai BranlyTogocultures : Comment est née cette idée de l’Exposition Exhibitions

Lilian Thuram : C’est la rencontre du livre de Pascal Blanchard, il y a une dizaine d’années, sur les Zoos humains, qui m’a permis de prendre conscience de comment le racisme scientifique s’était propagé dans la société pour devenir une culture. C’était important alors de faire cette exposition pour montrer comment de génération en génération, on avait véhiculé certaines images et ces images-là étaient dues notamment au fait qu’il y a longtemps encore on pouvait voir des populations qui venaient d’Afrique, des Amériques, d’Océanie dans des zoos comme des animaux. Donc, je trouvais  que c’est important de réfléchir aux séquelles laissées par cette histoire.

Togocultures :  En exhibant les sauvages d’autrefois aujourd’hui vous ne pensez pas que ça puisse donner l’effet contraire ?

Lilan Thuram : Je ne pense pas. En règle générale, il est préférable de comprendre le pourquoi des préjugés et de voir comment ça s’est propagé. Les gens sont dans une certaine souffrance parce qu’ils ne comprennent pas ce mécanisme. Aujourd’hui, on n’exhibe pas les sauvages et le titre de l’exposition c’est l’invention du sauvage. Malheureusement aujourd’hui  des personnes ont des préjugés négatifs sur certaines personnes et nous (Nanette Jacomijn Snoep et Pascal Blanchard), on montre que le racisme est avant tout une construction intellectuelle qu’on peut déconstruire. Et il faut faire attention pour ne pas s’enfermer dans ses couleurs de peau parce que nous sommes dans une société où on a tendance à intégrer le discours raciste qui peut vous amener à vous enfermer dans votre couleur de peau. Le travail, justement, c’est de comprendre cela pour ne pas tomber dans des préjugés et que de génération en génération on se libère de ces préjugés liés à la couleur de la peau ou à d’autres préjugés.

Cire anatomique d'un homme noir Expo Exhibitions au Musée du Quai Branly Photo: Gaëtan Noussouglo
Cire anatomique d’un homme noir Expo Exhibitions au Musée du Quai Branly Photo: Gaëtan Noussouglo

Togocultures : En visitant l’expo, on a l’impression de s’embarquer dans une sorte de spirale, de labyrinthe et dès fois ça donne le tournis. C’est quoi le sauvage aujourd’hui ?

Lilan Thuram : Ce n’est pas un labyrinthe, c’est une progression chronologique. Ca vous semble une spirale parce que vous êtes mal à l’aise devant les images et donc peut-être que ça vous donne le tournis. Et justement, nous sommes en train de montrer le processus qui, petit à petit, augmente avec le temps pour expliquer que les préjugés existent dans la société. La pire des choses est de ne pas comprendre les choses. Moi, je me rappelle. A l’âge de 9 ans je suis arrivé dans la région parisienne. Je n’avais pas compris pourquoi il y avait des préjugés négatifs sur la couleur de ma peau. Et reprenant l’histoire, j’ai pu comprendre maintenant que c’était une construction. Alors, je n’ai pas intégré le discours négatif qui est lié à la couleur de ma peau. Il faut amener les adultes à dépasser cette problématique.

Propos recueilli par Gaëtan Noussouglo

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