Création du Fonds d’aide à la culture : Le début des grandes interrogations

Atelier Théâtre de Lomé au Panafest
Atelier Théâtre de Lomé au Panafest

Le 11 novembre 2009 dernier, le Conseil des Ministres du Gouvernement Togolais a annoncé l’adoption du décret portant « organisation, exploitation et financement du Fonds d’aide à la culture ». Le communiqué officiel rendu public annonce que le projet de décret est une concrétisation, un texte d’application de la loi adoptée le 23 novembre 1990 relative à la protection du patrimoine politique national qui prévoyait la mise en place de ce fonds. 19 ans après le vote de la loi, le texte d’application est donc adopté ! Il fallut donc 19 ans pour passer à la phase opérationnelle du Fonds. Pour qui connaît le Togo, cela se comprend puisque 1990 correspond à une période de réformes controversées, le texte ayant été voté par un gouvernement à l’époque aux mains de l’opposition.

Commentant la décision du Conseil des Ministres, Oulégoh Kéyéwa, Ministre de la Communication et de la Culture, affirme : « ils sont nombreux les artistes, les journalistes qui ont insisté pour que le Fonds soit créé. Mais l’élément déterminant est l’impulsion du Chef de l’Etat. » Il convient alors de souligner le courage du Chef de l’Etat qui inscrit la création de ce fonds dans la continuité de l’action gouvernementale tout est comblant un manque. Par ailleurs, ils sont unanimes les acteurs culturels à saluer cette création qui officialise pour la première fois au Togo l’intervention publique dans l’action culturelle. Curieusement, tous sont convaincus que rien n’est joué et que le plus difficile est devant nous.

On s’en doute, l’inquiétude principale qui résulte de cette annonce est résumée devant le Ministre de la Communication et de la Culture le 14 novembre 2009 lors de la remise du 5ème Prix d’Excellence de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest regroupant 15 Etats membres) par le Chargé des Affaires Culturelles de l’Institution sous-régionale, M. Mamadou Guèye. Celui-ci, tout en se félicitant de la  « création du Fonds d’Aide à la Culture destiné à soutenir la promotion des arts et de la culture » a émis le souhait « qu’il devienne pleinement opérationnel et réponde, dans toute la mesure du possible, aux espoirs des acteurs culturels ». Comment peut-il en être autrement lorsque l’appel à l’intervention de l’Etat dans le financement des activités et des initiatives culturelles a fait l’objet de multitudes de requêtes depuis des années et que souvent, au Togo, on vote les lois sans leur donner l’occasion de se concrétiser ?

Un artiste, Agbo Sétodji, marionnettiste, a souvent d’ailleurs chanté sous le regard amusé du Ministre de la Culture lors d’intermèdes scandant des célébrations dans le Département ministériel que « depuis leur création, les fonds de dotation pour la culture sont restés sans sous » et d’interpeler les pouvoirs publics qu’ils donnent au Trésor public des ressources pour le développement culturel. Ainsi, tout en reconnaissant l’effort fait par le gouvernement, l’ensemble des artistes et professionnels de la culture togolais restent dans l’expectative et s’inquiètent : Quel est le montant de ce fonds ? Comment surtout vont être organisés les mécanismes de sa répartition ? Quels seront les conditions et les critères d’attribution ?

Déjà, selon les sources proches du dossier, un premier obstacle a été levé. En effet, le projet de loi prévoit que le président de la commission de gestion du fonds soit nommé par décret pris en Conseil des Ministres et non par arrêté ministériel. Cela est très important, sinon la commission sera instrumentalisée et pourrait être un jouet dans les mains des ministres de la culture successifs. Cependant, cette disposition ne semble pas constituer la solution à toutes les dérives imaginables : comment donc faire en sorte que le Fonds soit réparti un tant soit peu équitablement entre les porteurs de projets culturels ? On craint le clientélisme, le copinage, comme on dit ici : le « mindéfrérisme » : « donnez à celui-ci, c’est mon frère ! » ; bref la politisation et l’arbitraire. C’est pourquoi certains n’hésitent pas à suggérer que l’Etat confie à un cabinet privé le soin de la gestion du pactole, avec bien sûr précision du mode de contrôle et obligation de résultats.

C’est dire que les acteurs culturels ne doivent pas attendre qu’un problème aussi important que le mode de gestion et d’attribution du fonds soit réglé seulement dans l’arène politique. Ils ont leur mot à dire en vue de l’équité dans la répartition d’une aide octroyée par les contribuables togolais.

© Togocultures

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