Art et sacralité en Afrique

De façon générale, l’art traditionnel en Afrique a une dimension religieuse prononcée. L’art religieux en particulier, divinise les ancêtres, permet d’exprimer symboliquement la relation à la divinité, la vision du monde de l’Africain et  une représentation de presque tout le panthéon des dieux.

   Art africain traditionnel et divinisation d’ancêtres

Tout d’abord il faut distinguer l’art sacré et l’art religieux.  L’art sacré est celui qui s’intègre à l’exercice d’un culte. Il ne vise pas en premier lieu à satisfaire des besoins esthétiques, à charmer ou à émouvoir ; son but premier est sa fonction liturgique, ou la contribution à un mode de vie consacré. Il ne se confond donc pas avec l’art religieux, concept bien plus large, couvrant tout ce qui s’inspire, dans son contenu ou son esprit, des croyances d’une religion.

L’Art africain traditionnel fait une place importante à la représentation des ancêtres divinisés. Dans toute la mesure où la croyance répandue est que la mort n’est pas une fin. Une fois décédés, les individus rejoignent le monde des esprits où l’âme continue par vivre en attendant de revenir dans l’incarnation. On a entendu l’histoire de morts apparus aux vivants, de parents parlant en songe à leurs enfants ou de morts qui se seraient mariés ailleurs et qui, contraints de montrer leur lieu d’origine, se sont volatilisés laissant femme, enfants et parents dans la perplexité la plus grande. « Les morts ne sont pas morts », ils sont dans toutes les manifestations atmosphériques, a écrit le poète sénégalais Birago Diop.

Dju-Légba de Glidji Togo Photo: Gaëtan Noussouglo
Dju-Légba de Glidji Togo Photo: Gaëtan Noussouglo

Dans la croyance traditionnelle, il n’y a après la mort ni paradis ni enfer. Les ancêtres qui se sont distingués comme des modèles accèdent à des dimensions de dieux qu’on invoque et à qui on peut faire des sacrifices notamment au travers des couvents ou des autels familiaux. Il est très important que le mort ne soit pas oublié des vivants. Il accède post-mortem au statut d’ancêtre de la famille et du clan.

Sur le plan plastique, les ancêtres peuvent être représentés de diverses façons. L’art sacré puise dans les expressions culturelles, dans le panthéon des dieux et dans les croyances religieuses traditionnelles. Ainsi, l’art permet de garder le « corps » ravi par la mort. C’est le cas des prestigieuses têtes en bronze ou en terre cuite des Oni d’Ifé, au Nigeria, primitivement fixées sur des mannequins de bois ou des portraits commémoratifs, à l’instar des têtes en bronze des Oba de Bénin, « surmontées à l’origine de défenses en ivoire ornées de bas reliefs sculptés, évoquant les hauts faits du Prince, pieusement conservées sur les autels royaux, ou bien encore des reliquaires contenant quelques ossements, ou des statues reliquaires, comme celles qu’honorent les Fang et les Kota du Gabon dans le cadre du culte Bwété ou Bwiti. »

 

L'arbre fétiche près de Comé au Bénin Photo: Gaëtan Noussouglo
L’arbre fétiche près de Comé au Bénin Photo: Gaëtan Noussouglo

A l’exception de Mawu, le Dieu suprême (au Togo, Bénin et Ghana), créateur de toute chose, tous les dieux sont représentés par des « fétiches » : pierres, plantes, bois, pièces de fer, statues anthropomorphes, bâtons en bois, monticules de terre, etc. A l’entrée des villages, des fermes ou des concessions, des vodou et des « légba » sont érigés en terre de barre, les yeux faits de cauris et fréquemment pourvus d’attributs virils. Pendant ce temps, les autres divinités plus puissantes les unes que les autres tel Hêbiosso (Shango en yoruba) dieu du tonnerre ou de la foudre, Sakpata ou Sakpatè, celui de la variole et Gu celui de la guerre ont leurs sanctuaires où on leur voue des cultes et où des sacrifices leur sont versés.

 Art sacré comme image « pluriforme » et vision de l’homme africain

L’art sacré en Afrique a une dimension artistique double : plastique et musicale. Et l’anthropologie de l’art en étudiant l’image figurative ou abstraite que l’Homme se donne de lui-même, à travers les arts, les intentions philosophiques, conceptuelles qui sous-tendent les représentations ainsi que le contexte ethnologique, sociologique et religieux de leur production, nous permet de mieux comprendre les expressions plastiques sacrées que très peu d’artistes africains maîtrisent à l’heure actuelle.

 

Azé Kokovivina et son Kélensi Photo: Gaëtan Noussouglo
Azé Kokovivina et son Kélensi Photo: Gaëtan Noussouglo

« Le regard sur la représentation du corps humain passe par Trois catégories d’objets : la statuaire quand le corps des dieux, des génies et des ancêtres reproduit celui des hommes ; le masque quand le corps se masque et que se double l’identité ; les objets de parure et de pouvoir lorsque le corps se pare et signale l’autorité à travers la richesse ou l’influence. A cela s’ajouteront aussi des considérations générales sur le mobilier et l’architecture, autres prolongements du corps humain. »

Ainsi, qu’elles soient en deux dimensions (dessin, peinture, symboles) ou en trois (sculpture en bas et haut-relief, sculpture en ronde bosse), ces représentations artistiques nous permettent d’accéder à une autre compréhension du monde et de l’homme africain.

Kodjo Cyriaque Noussouglo©Togoculture

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