Par David Ganda et Joël Ajavon
David Ganda : M. Samuel Wilsi, vous êtes l’auteur et metteur en scène de la pièce « Apocalypsong » prête à être servi ce mercredi 13 avril à 19h au Goethe Institut de Lomé. Pouvez-vous nous parler de la forme du spectacle, et de ses intentions ?
Samuel Wilsi : Il s’agit d’une représentation théâtrale. En fonction des choix de mise en scène, pour permettre un rendu idéal des propos, on retrouve dans cette création la vidéo, la musique, la danse, etc. Mais bien entendu, tout ceci contribue au spectacle vivant et je puise dans tout ce qui peut au mieux servir l’histoire les comédiens et les spectateurs. C’est aussi le contexte de l’histoire qui détermine ces choix. Dans Apocalypsong, nous sommes sur un plateau de télévision, dans une émission grand public. J’essaie donc de m’approcher au mieux de cette réalité, tout en créant un effet de distanciation qui donne à l’art toute sa valeur.
David Ganda : Ce sera donc multidisciplinaire et multiforme ?
« Pour moi, la création artistique n’a pas de limite.
Peu importe les genres et les sources,
l’essentiel est de bien raconter une histoire. »
Samuel Wilsi
Je ne me pose donc pas de question. Quels sont les ingrédients pour faire une bonne sauce arachide par exemple ? Certains y mettront de la tomate, d’autres des aubergines, mais l’essentiel est que la sauce soit bonne.
David : De quand date l’écriture, et d’où vient votre motivation ?
Samuel : J’ai écrit une première version de ce texte en allemand en 2010 sous le titre « Himmelshaus » et mis en scène en Allemagne. La version française, qui n’est pas une traduction mais une réécriture, date de décembre 2015.
« Cela fait des années que la religion redevient un problème.
Les crimes et assassinats en son nom se multiplient. »
Les médias modernes amplifient le phénomène en faisant leurs choux gras de chaque pet qui vient d’un chapelet. Personnellement, j’ai du mal à comprendre ces gens qui pensent avoir raison au delà de la raison. Je hais l’intolérance car elle signifie que l’on joue à Dieu.. Écrire sur ce sujet allait donc de soi.
Akofa Kougbenou : Je dirais tout simplement que l’auteur fait allusion au vivre-ensemble que les humains ont abandonné au profit des barrières que nous nous sommes imposées, et qui nous rendent inhumains dans tous les domaines.
David : En combien de temps le spectacle a–t‘il été créé ?
Samuel : La création est une opération kamikaze, un gros pari. Trois semaines en tout. En dehors de la lecture des textes etc. Cela soude tout le monde pour une période précise. Mais je pense que si le metteur en scène sait déjà dans quelle direction aller, il n’y a pas de souci. Et bien entendu avoir les comédiens qu’il faut.
David : Voilà souvent la réalité contraignante à laquelle est souvent confrontée le théâtre togolais.
Samuel : Oui. Pas le choix. Une création de plusieurs mois aurait été idéale, mais on s’adapte et on essaie d’avancer ainsi.
David : On ne peut que vous féliciter et encourager. Vous avez tous du mérite ! Dites-nous, si c’est pas trop demandé, les horaires des répétitions.
Samuel : On répète tous les soirs de 18 à 22h au Centre Culturel Denyigba. Les week-end, les horaires varient. Un grand merci à Gakpara Frédéric pour son soutien à cette création.
Joël Ajavon : Comment s’est fait le choix des acteurs ?
Samuel : Pour les comédiens, j’ai demandé à Akofa de me faire des propositions. J’ai fait mon choix dans le lot, et pris contact avec certains que je connais, et trouvais idéals pour mes personnages. Je leur ai expliqué le projet et avec ceux qui ont accepté, j’ai pris la barque.
Joël : Pourquoi cette ouverture vers la danse, le conte et même la radio ?
Samuel : Cela tient vraiment au genre de la création, même si cela est enrichissant de travailler avec les acteurs culturels d’autres disciplines. Le Togo est un petit pays et la culture est un petit bout de terre. Je pense que l’on devrait travailler plus souvent ensemble pour abolir les frontières. Apprendre des autres pour s’enrichir. Aller vers la radio et autres médias participe de cette volonté, mais l’important est d’avoir des projets qui permettent cela et non faire un patchwork insipide sous prétexte de travailler avec tout le monde.
David : On lit dans vos propos un grand désir rassembleur et cela explique aussi votre démarche artistique à travers toutes vos créations. Est-ce que selon vous le théâtre togolais a une identité particulière ?
Samuel Wilsi : J’aimerais bien… Pour le théâtre togolais, je ne sais pas trop s’il y a une identité. Je n’ai pas fait le Togo assez longtemps pour en parler. Mais je pense savoir que le concert-party est un genre développé et affiné au Togo mais qui se perd je crois. Concernant le concert-party, il y a Joël Ajavon le spécialiste qui est là. Pour ma part, j’essaie de créer en m’inspirant de tout ce que je vois ici et ailleurs. J’essaie d’approcher et de séduire le public ici. Le but ultime étant de faire aimer le théâtre chez nous.
Akofa Kougbenou : Je pense que le théâtre togolais a été un théâtre particulier, qui regroupait non seulement un maximum de comédiens sur scène, mais aussi une richesse du choix de la mise en scène faisant ressortir les différents arts de la scène.
« Malheureusement, à partir de 2009-2010, le théâtre togolais
a commencé à adopter un autre visage en abandonnant
le rôle de rassembleur pour celui de l’individualiste,
où l’on assiste à la naissance d’autant de comédiens que de compagnies théâtrales. »
Akofa Kougbenou
Akofa : Ce qui entraîne des créations limitées à un ou deux comédiens, dans le but de juste sillonner les festivals à budget dérisoire hors de nos frontières. Nous sommes d’accord que c’est le manque de financement qui a réduit notre théâtre ainsi, mais nous ne devons pas perdre de vue cette joie et cette vie qui nous animaient, assis devant une scène remplie de talentueux artistes qui nous dévoilaient le côté caché d’une mise en scène réussie sous toutes ses coutures. APOCALYPSONG de Samuel Wilsi nous ramène ce bonheur et cette complicité que ressentaient les acteurs sur scène dans le but de reconquérir et de satisfaire le spectateur. Car plus on a d’acteurs sur scène, plus le bonheur du public est total. Toutefois, tout est question du choix de mise en scène.
« J‘aimerai savoir la place qu’occupe le théâtre dans notre société aujourd’hui ? Est-ce que vous arrivez à toucher facilement les gens dans votre art, ou c’est juste pour des cibles spécifiques ? J‘ai parfois l’impression que le public togolais ne sent pas concerné. » Sitsope, Chanteuse
Samuel Wilsi : Je l’invite simplement a être des nôtres le mercredi au Goethe. Pour savoir si le théâtre peut être grand public. Bien entendu, nous essayons de toucher tout le monde avec les thématiques qui sont les nôtres et une mise en scène qui permette a chacun de tirer profit de ce qu’il voit. Le théâtre somnole un peu, c’est vrai. Mais dans de nombreux pays voisins, il vit et vibre. Nous essayons avec les metteurs en scène et comédiens ici présents de redynamiser ce milieu.
Tekana Zogbéadji : Quelle vision avez vous du théâtre togolais dans 10 ans ?
Samuel Wilsi : Je ne sais pas trop. L’espoir, c’est que cela devienne une activité artistique normale, comme au Burkina Faso qui reste un exemple.
Jack : Le théâtre de nos jours est une chose méconnue de la jeune génération. Avez-vous une idée de les replonger dans cet art ? Si oui, y a t-il des projets ou des ateliers programmés ?
Samuel Wilsi : Oui, nous avons des projets dans ce sens. Contactez Akofa pour en savoir plus.
JC Dick : Les reporters d’Africable Télévision ne manqueront pas le rendez-vous. Bon boulot Sam et bon courage à tous !
David Ganda : Merci pour ce temps accordé à notre journal, bonne représentation ce mercredi 13 avril à 19h au Goethe Institut de Lomé et surtout beaucoup de courage à toute l’équipe en création !
Joël : Merci pour la disponibilité et la promptitude.
L’équipe du spectacle : Akofa Kougbenou / Fati Fousseni / Estelle Foli / Narcisse Amouzou / Godwin Sonabey / Noel Dossavi / David Sodhar / David Assimadi / Samuel Wilsi