A la rencontre du dramaturge Well DOGBATSE : « il y a une pensée avant l’écriture »

Well DOGBATSE est Docteur en Lettres Modernes. Il sintéresse aux questions de linforme et de la tradition en littérature. Professeur de Français au lycée, DOGBATSE est également chargé de cours de vacation à lUniversité de Lomé. Dramaturge, il est membre du réseau dauteurs Escale des Ecritures. Il a publié aux Editions Awoudy Les Vendeurs d’âme (2013) puis  La Danse des scorpions (2021).  

 Well DOGBATSE, vous êtes sélectionné pour la prochaine saison « Plumes Fraîches » organisée par l’Association Escale des Ecritures, quel intérêt voyez-vous à l’organisation d’un tel événement ?

W D : Plumes Fraîches est pour moi, une tribune de fraternité, de communion et de communication entre auteurs de théâtre ; ce qu’on pourrait appeler la fratrie des auteurs dramatiques togolais. C’est un véritable laboratoire de fabrication de textes dramatiques. Le texte avec lequel on y participe, y entre KO et y ressort  toujours OK…  La fabrique d’un texte est synonyme de sa mise en chantier. Etant donné que le regard de l’autre sur ce qu’on écrit, enrichit, participer à cette messe littéraire, c’est accepter que mon texte gagne en apport d’autres « architectes de théâtre ».

 Pourquoi avez-vous choisi le théâtre comme genre d’expression ?

 Le théâtre est un langage qui a une double présence : le texte et la scène.  Or, la société est une forme de théâtre, et le langage qui permet de bien la représenter, c’est la scène. Donner ma vision du monde par le théâtre, c’est occasionner la rencontre de deux langages qui ont des choses en partage, et qui ont des questions à se poser en ce qui concerne l’amélioration du fonctionnement du corps social à travers la pédagogie de la vertu.

 Comment abordez-vous l’écriture de vos pièces ? Quel est le point de départ ? Comment s’alimente le processus d’écriture ?

 Je dois dire, en citant le titre de l’essai d’Alain Mabanckou (2016), que « le monde est mon langage » ; autrement dit, mon écriture, c’est le monde, c’est la société. Pour écrire, j’observe beaucoup la société ; elle est ma complice. Ensuite, je construis un scénario dont les matériaux artistiques s’inspirent de ladite société. Mes personnages sont programmatiques. Ils constituent des cartes sémiques ou des figures à destinée sociale. En rapport avec ce scénario, j’ai à l’esprit une idée de leur entrée, leur prestation et leur sortie. Enfin, j’habille ce scénario en le nourrissant aussi de mes lectures et de mes trouvailles.

L’influence de Sony Labou Tansi est très présente dans vos pièces. Outre l’ombre de l’auteur congolais, quelles sont vos références ? Comment ces auteurs s’invitent dans vos pièces ?

L’écriture est un ensemble de « briques multicolores », comme je l’avais écrit en épigraphe de ma pièce Les Vendeurs d’âme (2013). Mais, il n’est pas toujours aisé pour un auteur de donner une liste exhaustive de tous les auteurs qui l’ont consciemment ou inconsciemment nourri. D’ailleurs, ce qui est plutôt intéressant, c’est  la capacité du public avisé à signaler ces traces intertextuelles explicites ou implicites grâce à son regard, sa mémoire et sa culture. Parlant donc de public avisé, vous en êtes un, puisque vous avez réussi à retrouver dans mon écriture l’influence de Sony Labou Tansi [Mais rassurez-vous, le dramaturge congolais n’est pas un fantôme qui me hante à tous les coups ! Rires !], l’auteur que je considère comme le plus grand dramaturge de l’Afrique de tous les temps. Je lui dois l’esthétique qui permet de vider les mots de leur sens premier et de les remplir de nouveaux sens pour montrer le retour et  l’infiltration de l’amoralisme de Machiavel dans la gestion des sociétés africaines contemporaines. Par ailleurs, je conçois l’écriture comme un jeu de mots et de langages portant sur des œuvres antérieures. En écrivant, ce jeu de dialogue se met en place. C’est un rite d’écriture ludique pour moi… Je convie plutôt les récepteurs actifs et ludiques à s’engager dans le jeu de découverte des références de mes pièces à l’instar de ce que vous avez commencé de faire.

 Vous avez publié deux pièces aux éditions Awoudy, à savoir Les Vendeurs d’âme (2013) et La Danse des scorpions (2021), entre le temps d’écriture de ces deux pièces, qu’est-ce qui a changé dans votre rapport à l’écriture ?

Une nouvelle pièce écrite est toujours l’accomplissement d’un nouveau défi. Beaucoup de choses ont changé dans mon rapport à l’écriture. D’abord, la société est un langage qui se transforme, et mon écriture évolue avec. Ensuite, comme je l’avais signalé, mon écriture se nourrit de la société, de mes lectures et de mes découvertes.Je suis enseignant avant d’être dramaturge. Donc plus je lis, plus mon écriture se porte mieux. Néanmoins, esthétiquement et idéologiquement,Il y a toujours une pensée dans l’écriture,  La Danse des scorpions est une suite logique de Les Vendeurs d’âme. Mon théâtre emprunte à deux héritages culturels : langage théâtral populaire et  langage théâtral moderne. Parlant de la dimension populaire, mon théâtre est une miniaturisation de la vie socio-politique, c’est-à-dire l’expression de ce que le citoyen lambda pense de son chef ou d’une tierce personne dont le comportement ne répond pas aux normes sociales de la communauté. C’est ainsi que mon activité théâtrale devient une tribune populaire où sont tournés en dérision tous les aspects de la vie. La tradition orale y est fortement présente à travers la parole traditionnelle qui me permet de jeter un regard critique sur les instances de la société.

 Pour finir, votre projet d’écriture retenu pour les rencontres « Plumes Fraîches » a pour titre La Confession des musaraignes. Pouvez-vous nous en parler brièvement ?

La Confession des musaraignes, c’est l’histoire d’une guerre de succession entre le chef Eklo et son ancienne femme nommée Agama. Obligé de céder le sceptre après plusieurs mandats faits à la tête de Liébaville, Eklo est, malgré lui, en quête d’un successeur qui protégera ses arrières…

Propos recueillis par Joel Ajavon

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