Sélom Komlan Gbanou est devenu une étoile au firmament.

Depuis quelques années, notre très cher ami de toujours Sélom Komlan Gbanou souffrait d’une grave maladie handicapante au Canada où il vivait et travaillait comme professeur d’université. Il est décédé le 16 juillet 2024.

Sélom est né en 1964. Il a débuté ses études universitaires à l’Université du Bénin de Lomé, au département de Lettres Modernes. Il les a poursuivis à Bayreuth en Allemagne.

Sélom était l’un de mes anciens étudiants et un ami qui fit partie du fameux groupe des tractographes dramaturges autour de la revue Propos Scientifiques créée et animée par l’universitaire Huenumadji Afan et moi. Plus qu’un simple universitaire, il fut un brillant intellectuel toujours curieux et prolixe. À Bayreuth, il avait fondé avec un ami la revue « Palabres » où les plumes de tous les horizons déposaient leurs réflexions scientifiques et intellectuelles.

Sélom était un écrivain qui prenait son temps dans l’exercice artistique délicat de la littérature. Il était dramaturge, metteur en scène, nouvelliste et surtout poète. C’est à travers la poésie qu’il a excellé avec des oeuvres comme « Amour battant »(Awoudy, 2016) et « Enfantissages » (Awoudy, 2014). Son oeuvre poétique est l’une des plus aboutie de la poésie togolaise. Il donnait souvent des coups de main à des écrivains débutants qui cherchaient leur voie sur les chemins de l’écriture.

Sélom fut un pionnier du journalisme vrai au Togo après le monopole détestable de la parole unique sous la dictature du parti unique. Avec un groupe d’amis, ils avaient créé le journal satirique « Kpakpa Désenchanté ». Il s’était agi d’un journalisme militant qui a accompagné la lutte du peuple togolais pour la liberté et la démocratie malgré les terribles menaces et les dangers de ce genre d’exercice dans une dictature militaire. Quand prit fin l’aventure de « Kpakpa Désenchanté », il lui arrivait de prêter sa plume au journal « La Tribune des Démocrates » que je dirigeais à l’époque, dans les années de braise 1990. Fervent partisan de la liberté, il était un vrai combattant désintéressé, loin des calculs opportunistes et carriéristes.

Lors de ses retours au pays, il ne négligeait jamais son terroir natal de Tchekpo dans le Yoto pour s’y ressourcer. Touche à tout, il avait fait des expositions de peinture et de photographie. Mais son terrain artistique de prédilection était les lettres en tant que créateur, critique et essayiste.

Lorsque je fus informé par son grand ami Martin Gbénouga, trois jours plus tôt, que les médecins avaient débranché toute le tuyauterie qui le maintenaient encore en vie, je reçus un uppercut émotionnel. Les mots étaient absents comme disparus. Évanouis. Attendre l’inéluctable. Attente angoissante et douloureuse. Expression de l’impuissance de l’être humain incapable de donner un filet de souffle à un être cher aspiré par le néant. Malgré  la cruauté de Koudjesu-la-Mort, Sélom ne sera pas néantisé. Ses oeuvres intellectuelles et artistiques lui survivront.

Avec ce décès qui nous appauvrit d’une amitié chaude et complice, nous les amis de Sélom, je constate que le petit cercle des amitiés militantes et artistiques que nous avons dressé comme deux mains ouvertes vers l’être humain en signe d’amour depuis les années 1985-1990, est en train de subir l’érosion insidueuse du temps qui passe. Noël Tingayama Mawo, Camille Amouro, Sélom Komlan Gbanou nous ont adieusés, mais ils demeurent vivants en nous, gravés dans nos coeurs endeuillés au fer rouge de l’amour.

Sélom, le combattant infatigable de la liberté, tu as chevauché une comète pour rejoindre les étoiles. Essuyons nos larmes.

Salut, l’Artiste !

Ayayi Togoata APÉDO-AMAH

Kangni Alem, écrivain: « Triste toujours la mort loin de chez soi. Nous connûmes des jours de gloire avortée et Gbanou demeure une référence intellectuelle. Qu’il dorme apaisé! »

La journaliste Sophie Ekoué: « Komlavi de mardi. Je vais te chercher parmi les nombreuses étoiles dans le ciel pour te raconter les « togolaideries » une de tes inventions néologiques. Je viens de relire un tes textes « Prosaïque et poétique » j’y apprends que chez les Gbanou, on vient au monde un mardi sans doute qu’on le quitte également un mardi. Bon voyage Selom. Bon repos. Bonne lecture. Bonne rigolade. J’entends d’ici tes grands éclats de rire! »

L’artiste Eric Wonanu « Au revoir grand ‘homme. Un autre décès dans le cercle culturel togolais. Gbanou Selom fut un excellent professeur de français, pour nous qui avions fait sa classe, au lycée de Tokoin de Lomé. Il n’a pas fait que nous apprendre à faire les dissertations et les commentaires composés. Il nous a appris à réfléchir. Cet homme plein d’humour, qui avait un véritable don pour coudre les mots à sa convenance, a réussi à aiguiller nos jeunes attentions, du moins pour certains d’entre nous, vers les fragiles choses de l’esprit. La curiosité, les émotions, les esthétiques, les goûts et les incertitudes…

Nous étions dans les années 90, le Togo était alors sérieusement embrasé par la révolte populaire. Au lycée de Tokoin, notre classe avait formé un petit noyau dans le militantisme actif en faveur de la démocratie. Même là, Gbanou Sélom était pour nous un modèle et une intarissable source d’inspiration. Lui qui faisait activement partie de ces mousquetaires des Lettres, qui avaient pris la plume pour combattre de front la féroce dictature militaire. Ce fut un homme de liberté qui a voué sa vie à la culture du levain. »

Le journaliste Ekoué Satchivi « Sélom, le passeur de savoir et le journaliste. Symbole est ton prénom. Entre fraternité et solidarité, tu as  toujours été aux premières loges. Liberté d’esprit tu en as tant fait preuve. On t’a connu plein d’initiatives, réservé et discret. Malgré ton soudain départ pour l’autre rive, bien longtemps tu seras dans les souvenirs »

L’enseignant Konny Dagbovie : « Il y a des morts qu’on n’arrive pas à pleurer, tellement on a la gorge nouée. Un rêve très tôt dissipé … Je refuse de te pleurer, mon silence une célébration à la taille de ton envergure. »

Une réponse

  1. Je fis la connaissance de Sélom dans les années 2000 à l’Université Laval (Québec, Canada) lors d’une conférence internationale. Les dialogues intellectuels que nous avons menés au cours des années ont débouché sur deux ouvrages majeurs que j’ai eu l’immesnse honneur de co-diriger avec lui : Mémoire et identité dans les littératures francophones, suivi plus tard de Enjeux identitaires dans l’imaginaire francophone. Je garde de lui l’image d’un brillant intellectuel doté d’une intelligence supérieure ! Ses innombrables publications scientifiques constituent des contributions exceptionnelles au rayonnement des cultures, des littératures et des études africaines.
    *Prof. Kanaté Dahouda is the current Chair of the Department of French, Francophone and Italian Studies at Hobart and William Smith Colleges, Geneva, New York, USA.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

publicité
publicité