Allassane Sidibé dit Al Sydy, ce jeune conteur togolais, est né dans le quartier Zongo, un quartier populaire et multiculturel de Lomé qui sera rasé par le régime Eyadéma. Dans cet ancien quartier est implanté aujourd’hui les banques dont BTCI, BOAD et autres ECOWAS… Les habitants seront déplacés à Agoé Zongo, à 18 km de Lomé. Dans son nouvel environnement, Al Sydy va essayer avec quelques amis de reconstruire son univers perdu et de s’habituer à son nouveau paysage. Excellent percussionniste, il monte un groupe de conteurs qui, dans les années 1990 et 2000, monteront à l’assaut du Festhef à Assahoun, Filbleu et autres festivals en vue à l’époque au Togo. Puis, l’homme a grandi et s’est fait un nom dans le cercle très restreint de conteurs restés dans la capitale togolaise, ceux-là qui n’ont pas voulu déposer leurs valises en occident.
C’est dans cette enfance à l’univers coloré, enrichi de différences ethniques et religieuses et à l’oralité vivante qu’il a plantée ses racines de conteur. Il tire également ses richesses du vaste patrimoine oral togolais et du continent africain et se sert de cette manne pour nourrir ses racontées. Il trouve la clé de mon succès dans le travail bien accompli, dans la foi en l’art du conte et dans des rencontres à travers le Togo, l’Afrique, la France, la Martinique, la Suisse et la Belgique. Cet été, il est en tournée en Europe.
Ainsi, après le Festival A moi, contes deux mots en Ardèche au mois de mai, il a mis le cap sur la 12e édition Festival Palabrages à Nîmes en France en juin -juillet, le journal Midi Libre du 4 juillet 2016 écrit : « Tantôt désopilants, tantôt émouvants, dérangeants parfois, voire quelque peu effrayants, les contes de la Périgourdine Monique Burg et du Togolais Allassane Sidibé, n’ont laissé aucune place à la monotonie. Les accents du sud – quel sud ? – des passerelles entre le Périgord (quand une femme siffle, c’est pour attirer le diable) et le Togo (quand une femme siffle, c’est pour attirer le serpent) ont apporté une saveur particulière aux récits et ont permis aux participants de voyager d’autant. Des contes parsemés de chants, de dictons, un croisement de cultures qui mêlaient humour et sagesse puisés dans des racines profondes… «C’est quand un moustique se pose sur tes testicules que tu comprends que la violence ne peut pas tout régler». Une oralité très imagée certes, surprenante, livrant en peu de mots une belle leçon de philosophie. »
Il est attendu au Festival Passeurs d’histoires à Baden en Bretagne en juillet et en août au Festival Busker’s à Neuchatel en Suisse. Un agenda chargé pour le responsable de la Maison d’oralité Gabité. Avec le spectacle Collecte vagabonde, Allassane Sidibé s’interroge sur l’importance des contes et du conteur dans la société. Quand les abeilles disent non relate la révolte des femmes de Lomé en janvier 1933 et les luttes héroïques des femmes africaines hier et aujourd’hui. Deux sujets de contes d’actualité qui servent le conteur dans ses déplacements cet été en occident car à l’étranger avoue le conteur « j’apporte naturellement, ma culture togolaise et africaine, nos valeurs, nos façons de faire et naturellement tout ceci suscite interrogations, curiosités. Et donc après chaque spectacle un débat s’ouvre entre toi et le public qui veut savoir d’avantages sur toi, ton pays etc. Le conte a été toujours une école, que-dis-je, la première école dans nos sociétés africaines. Il permet à un enfant de devenir un adulte accompli ». Les contes d’Allassane Sidibé suscitent réflexion, développement de soi et de l’autre. A ce titre, le conte est toujours plus important aujourd’hui qu’hier. Les contes africains suscitent de plus en plus d’engouement en Europe.
Une fois revenu sur ses terres togolaises, un programme dense attend le directeur de la maison de l’oralité Gabité. « Gabité organise les derniers samedi du mois la nuit des contes. Il y a aussi le programme Kpatima tous les mercredi après-midi pour les jeunes oreilles. Le thé-palabre regroupe conteurs et public autour d’un thème. Très prochainement, on va créer le trimestre des conteurs. L’occasion sera offerte à trois conteurs de montrer leurs travaux. » Il n’oublie pas l’organisation du festival Misé gli loo qui sera à sa 7e édition cette année.
Gaëtan Noussouglo