Droit de réponse :Quand un écrivain APEDOH-AMAH appelle à une guerre civile pour sauver les gros mots de sa petite phrase .

Tonton Apédoh- Amah, j’ai lu avec beaucoup d’amusement votre article sur Togo cultures, article dans lequel vous invitiez la meute à une guerre civile contre trois modestes écrivains : Kouméalo Anaté, qui je ne sais pas si elle a même lu notre interview avant la parution de la revue, Ewomsan qui l’a lue et n’a jamais demandé qu’on en retranche quoi que ce soit et moi qui vous ai sollicité et qui ai lu et relu votre texte .Excusez- moi pour ma réponse tardive mais cordiale à votre lettre.

Claude Assiobo Tis Photo Filfrancophone
Claude Assiobo Tis, écrivain et directeur de publication du magazine littéraire Reflets Photo: Filfrancophone

En réalité, votre article m’a enfin situé : j’avais déjà surpris de furtifs regards, des phrases courtes de sens, de vos agents d’informations, (ces on et ces nombreux écrivains soupçonneux). Ces gens ne sont pour moi que les commentateurs convaincus de tout sauf de leurs limites, dont parle La Fontaine dans le Meunier, son fils et l’âne. Mais vous Tonton, je vous croyais plus circonspect. Au lieu de chercher à vous faire applaudir par la meute, la meute dont votre réaction, on dirait, ne vise en réalité qu’à relayer les mesquineries, vous auriez pu m’appeler et me sermonner directement pour m’aider à mieux faire mon travail. Ce serait trop me donner de l’importance, n’est-ce pas ? Il n’y a pas longtemps, par la passerelle de notre éditeur commun AWOUDY, nous avions eu à échanger des familiarités qui vous auraient recommandé d’être plus élégant avec moi, votre petit frère. Vous avez préféré céder promptement aux injures publiques contre ma personne.

Au fait, comment est née l’idée de cette interview qui nous divise aujourd’hui? Depuis un temps, nous cherchions un créneau pour vous inviter dans l’émission Expressions de la TVT si sensible… Mon obsession était de rendre visibles tous les écrivains productifs   au-delà des membres de l’AET. Et je voulais saisir l’occasion de la parution de cette revue pour faire avec vous le tour de l’ensemble de vos œuvres, l’interview n’étant qu’un prétexte. A la question : «…Vous qui êtes passé de la presse écrite à la fiction, que vaut la littérature dans un pays comme le nôtre où les gens ne lisent pas ? »

Avant de convier l’Etat à une vraie politique culturelle, vous aviez eu la petite phrase où vous proposiez « la suppression pure et simple du ministère de la Culture pour faire des économies budgétaires » si cette politique n’advenait pas.

J’ai bien saisi que vous n’attaquiez pas Mme Anaté en personne. L’auriez-vous fait ,cette attaque, contre sa personne ou contre toute autre personne que j’aurais annulé la publication de toute l’interview au grand bonheur de ceux qui trouvent que je m’occupe un peu trop de vous ; serais-je aussi votre courtisan sans le savoir ?

J’ai bien compris dans l’interview que vous attaquiez le ministère de la culture en tant qu’institution. Mais j’ai supprimé des phrases dans votre réponse pour deux raisons.

Je vous dis ici la première raison. Certes nous avons été victimes de l’immobilisme de la politique culturelle du parti unique. Mais vous suggérez aujourd’hui qu’on supprime le ministère de la culture au moment où, pour la première fois, ladite institution a créé un fonds destiné exclusivement à la culture, un fonds qui commence à accompagner des revues littéraires. Franchement, j’ai pris votre suggestion pour une grosse blague. Et c’est pour cela que vous commencez à accréditer l’idée selon laquelle nous sommes des courtisans, des gens en service commandée, n’est-ce pas ? Vous avez vu que ma vie a changé ?

Une telle idée ne peut venir à vous que de petits esprits incapables de rien entreprendre et qui passent leur vie à interpréter les gestes des autres en pensant à leur appétit.

Tonton, dites-moi que c’est une petite blague. Notre point d’attache commun Mr Awoudy doit connaître mes rapports aux intérêts matériels que nous deux, lui et moi, avions eu à partager. Non, il doit vous en avoir parlé. Je sais me sacrifier pour le travail et éviter même de réclamer un salaire quand il le faut : pour l’intérêt général. Lui et moi avions même ficelé et soumis au fonds Fac un dossier personnel qui, réglementairement, n’a pas été retenu et que je n’avais jamais cherché à forcer auprès de qui que ce soit, il vous le confirmera. J’aime surtout le zèle au travail comme vous aussi vous aimez le champ lexical rétréci et fangeux du sexe. Le saviez-vous, je suis natif d’une localité où mes oncles et tantes maîtrisent parfaitement l’art de la caricature et des injures crues contre les provocateurs. Mais depuis que nous, leurs enfants, sommes passés par l’école et voulons faire «  les choses en intellectuels » (c’était une expression qui vous était chère dans l’interview), depuis que moi j’avais eu mes 18 ans surtout, je ne sais plus utiliser de mots comme : « zozo attardés », » pieds nickelés », « malfrats »,  « écrivains tarés » pour désigner des pères et mères de famille. Je laisse ce vocabulaire aux enfants de la rue …

Moi, je mesure la valeur d’un intellectuel, non par ses convictions tranchées mais par ses capacités à ménager des marges   de doutes dans ses réflexions: un intellectuel, selon moi, ne vit pas avec des « m’a- t-on dit » que vous ne craignez pas de prendre à votre propre compte.

Togoata Apédo-Amah à l'Université de Lomé Photo: Gaëtan Noussouglo
Togoata Apédo-Amah à l’Université de Lomé Photo: Gaëtan Noussouglo

Tonton, si je voulais être courtisan, je me ferai plus proche des grandes sources d’intérêts, si j’étais un courtisan, je me serai empressé d’embarquer dans le CAR à la mode à l’époque. Et c’aurait été même tactiquement plus intelligent et plus payant. Je compte parmi les premiers cadres du CAR de vieux amis ; ils sont plus que des amis, ce sont des frères. Je ne les ai jamais courtisés contre mon indépendance d’esprit ; plus d’un connaît ma rigueur intellectuelle. Renseignez-vous si vous ne vous êtes pas brouillé avec eux pour les avoir barbouillés avec vos injures. Et je compte aussi parmi les cadres de l’UNIR des frères et des amis très proches qui respectent mes convictions inoxydables de progressiste comme je respecte les leurs, je ne les injurie pas car je ne crois pas avoir raison sur toute la ligne, et je ne me crois pas plus vertueux qu’eux en les observant dans leur vie quotidienne en dehors de la politique, ce terrain politique où , contrairement à ton avis dans l’interview, le déséquilibre est permanent, où la réflexion doit devancer la situation potentiellement changeante ; un terrain où l’affrontement, parfois sans issue, entre les forces centripètes et les forces centrifuges d’un idéal , laisse toujours percer à la base une odeur de pourriture. L’acteur politique est un homme, parfois pitoyable, amené à transiger perpétuellement avec sa conscience, avec l’honneur, la probité. La seule question c’est : est-ce qu’il le fait au nom de l’intérêt général? C’est pourquoi, je n’avais même pas compris ce que, dans l’interview, vous aviez appelé «  faire la politique en intellectuel » au nom de quoi vous vous autorisez facilement à injurier tout le monde.

Tous les acteurs politiques et non politiques (y compris vous monsieur Apédo-Amah le grand juge) croient avoir raison ou ont des alibis ; ce qui les départage, ce sont les résultats de leur engagement pour l’intérêt national. C’est plus reposant pour vous et pour moi de servir cet intérêt général dans la société civile, n’est-ce pas ?

Que cela soit clair pour tous les nains qui parlent à vos oreilles de mission commandée. Je n’ai jamais pris la carte d’un parti politique. Avec le pouvoir, je n’ai ni l’importance ni la proximité dont vous me soupçonnez. Vous et moi sommes insignifiants pour ces gens-là, Seigneur Apédo-Amah. C’est avec tout le sens de la dialectique que moi je conduis ma vie et m’emploie à mettre mes ambitions obsédantes pour la promotion de la littérature au- dessus des mêlées politiques minables des intellectuels rabougris du Togo. Et je me tiens à une distance réglementaire des influences politiques sans être indifférent à la question politique. A mon âge, je ne crois pas aux hommes effervescents; je crois à la patience de Dieu. Entre les deux, il y a le verdict de l’Histoire, une puissante marmite qui bout d’elle-même, souffle le chaud et le froid, souffle entre le chaud et le froid sous l’action intelligente et opportune d’illustres hommes mais aussi de braves esprits anonymes.

Franchement, je vous trouve original par vos jugements au premier degré de tous ceux qui aussi par mégarde et méprise vous écorchent. Vous ne pouvez pas me dire que vous ne connaissez pas Mr EWOMSAN qui est resté dans l’appareil de l’État sans changer ses convictions politiques jusqu’à sa retraite. Et patatras un matin d’humeur, vous découvrez qu’il est directeur de publication courtisan, un délateur, un homme en mission commandée. Ce problème de « censure » n’est qu’un incident entre vous et moi que vous cherchez à transformer en bataille rangée, en alerte épidémique burlesque.

Je suis loin de penser que vous Apédo-Amah puissiez adhérer à ce schéma de ces esprits simples nombreux au Togo : « Ceux qui gesticulent sont des combattants donc des opposants donc des démocrates comparables aux Zola, Hugo, Voltaire, Shakespeare. Ceux qui ne gesticulent pas sont des collabos, des gens en mission commandée, des délateurs ».

Je sais, s’il vous plait, que l’écrivain doit être du côté de ceux qui subissent l’Histoire et ses injustices avérées non pas en gesticulant mais en agissant (je pèse mes mots). Encore lui faut-il être célèbre ou du moins être lu. Nous en sommes-là au Togo. Les Zola, Hugo, Voltaire, Shakespeare sont lus. Nous signaler par de gros mots sur les médias n’est pas une fin en soi. Dans ce Togo où de plus en plus, nous serons forcés d’aller vers la vraie démocratie, où les jeunes, trop manipulés de tous les côtés, auront désormais une seule arme, une vraie voix d’électeur, qu’iront-ils voter, exprimer s’ils n’ont pas de culture, ou ne sont pas encadrés par des élites cultivées, je veux dire si les uns et les autres n’ont pas lu pour avoir la vraie culture qui signifie voyage dans les idées avec toutes ses contradictions bienfaisantes ? Oui, nous en sommes-là ; il faut créer une tradition de lecture à travers la promotion des œuvres de l’esprit dans lesquelles les écrivains déposent souvent le meilleur d’eux-mêmes. Et quels écrivains sont plus proches de nos jeunes et de leurs préoccupations sinon des auteurs togolais ? Telle est ma vision et mon combat et j’y crois fermement même si je peux me tromper. Et ce combat, à mon point de vue, est au-delà des clivages politiques que l’histoire s’emploiera à rendre moins violents, moins tribaux, plus créateurs au fur et à mesure que les gens instruits s’intéresseront à la culture avant la politique.

Je sais que c’est aussi cela, votre grande idée. Et cette idée est, selon moi, toute prométhéenne : voler du feu sacré à tout dieu au profit des humains sans devenir Icare, celui qui ne sait voler qu’avec des ailes de cire vers le soleil, un réceptacle de lumières, de connaissances, mais aussi une source de brûlure . Moi, je suis croyant : et la recherche de la justice sans Dieu n’est qu’une impasse. Nous qui nous voulons des intellectuels et faire les choses en intellectuels devons rester fermes dans nos cœurs mais humbles dans nos idées au lieu de nous transformer en cerf- volants en vol plané, admirables seulement pour le regard sérieux d’enfants hilares, au lieu de rester dans une bulle pour en tomber sur la terre seulement en précipitations intellectuelles à la moindre occasion.

Les petites idées de vos amis n’intimident que ceux qui n’ont pas confiance en eux-mêmes, ceux qui, sans ressources intérieures, sans repères profonds, ne vivent que pour des réussites de surface, ceux qui sont sensibles aux verdicts des commères, et attentifs à leurs regards et leurs oreilles minés de toutes sortes de sentiments qu’ils prennent pour des idées.

Et pourquoi idolâtrez- vous seulement vos amis ? Que vient chercher le nom de Mr Huenoumadji Afan dans cette liste d’illustres écrivains d’action comme Wolé Soyinka, Ken SaroWiwa, Solyenityne

J’avoue qu’avec Huenoumadji Afan, vous partagez une certaine idée de l’équité que vous Apédo-Amah vous desservez par votre inélégance de style…

Connaissant votre soif de la question politique, inévitable dans vos livres, je n’ai pas omis de l’aborder par deux questions précédentes auxquelles vous avez répondu en utilisant des mots comme «…la dictature militaro-fasciste, des méthodes fascistes, le gangstérisme politique, légué à ce pays par des individus de sac et de corde sans foi ni loi… »

Et ces paroles dures, je n’ai pas cherché à les censurer pour ne pas violer votre identité. Alors que dans la question suivante, je vous invitais à « une proposition sans polémique » sur la solution de la non-lecture des togolais, vous êtes revenu sur vos clichés politiques. Dans l’ensemble vous deveniez surabondant et redondant sur la question politique qui n’était pas le thème central de notre interview. Et j’ai voulu faire progresser votre pensée pour mettre en relief votre solution proposée au peu d’engouement des togolais pour la grande lecture.

Que je doive me référer à vous avant d’opérer cette synthèse, j’avoue que cette rigueur déontologique m’a échappé. Et cette lacune-là, madame Anaté même l’a regrettée après votre polémique. Mais que vous en tiriez tous les prétextes pour vous ériger en procureur incandescent, je plains votre entourage et tous ceux qui ont l’habitude de vous respecter. Je vous aurais présenté des excuses et cherché à réparer si vous ne vous êtes pas dédommagé à 200 pour 100 avec des insultes médiatisées.

Si vous ne faites pas heureusement partie de l’AET, vous deviez malheureusement vous abstenir d’accorder une interview à sa revue même si un de ses promoteurs vous harcelait et que vous n’aviez, vous, rien à attendre de ses services, comme vous semblez l’insinuer ! Moi, ma tête lucide m’a appris que ce qui nous met souvent sous pression vers nos actes libres, ce sont nos propres besoins et non les harcèlements des tiers. Alors, pourquoi avez-vous cédé aux harcèlements d’une revue si insignifiante ? Par modestie ? Lorsqu’on est modeste, on ne prend jamais de plaisir à dénigrer au superlatif tout le monde : à mon avis.

A moins qu’on soit d’une autre espèce : et il doit y avoir une barrière entre les espèces.

Voici l’intégralité de l’interview de Ayayi Togoata Apédo-Amah

Claude Assiobo Tis

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