Dans les rues et boulevards de Lomé, tout ce qui se vend est exposé à la curiosité du passant, acheteur potentiel. On y trouve tout et n’importe quoi : fruits et légumes en tous genres et beignets toutes cuissons, chaussures pour enfant avec ou sans lacets, chemises manches longues et courtes, ventilateurs avec ou sans pales, paniers garnis, télévisions pour poulets, matelas éventrés et garde-mangers désarmés,… oui, et mêmes des meubles… Bref, dans la rue, tout besoin de la personne doit trouver satisfaction, que cette personne soit vivante ou trépassée, car c’est jusque dans l’au-delà que nous accompagne le sens des affaires des commerçants. Ici, ça ne rigole pas : dans les rues de Lomé, on trouve même des cercueils ! Bon prix, à emporter ou à consommer sur place.
Togoculture a été attiré par un cercueil en hélicoptère sur la route d’Adidogomé, à la sortie de la ville, là où même le lampadaire du haut de sa haute tige n’ose plus aller. Mourir, c’est partir définitivement, alors pourquoi ne pas y aller en hélicoptère, tant qu’à faire ?
L’homme est une île que la terre vorace engloutit sans crier garde un soir, une nuit ou un matin. Là où nous allons, les problèmes ne suivront pas, au plaisir des vivants. Alors le vivant qui se sait mortel, au lieu de creuser la terre, de creuser le temps, achète son hélicoptère. Au moment fatal, il est conduit tranquillement dans son engin porté à bout de bras et entre ainsi dans le ventre de la terre, pour convoler avec la mort. Alors, en guise de noce, juste un dernier voyage de luxe dans un hélicoptère ! Un petit décollage sans nuage pour un voyage sans dommage !
Pour l’instant il n’a pas trouvé pilote à sa hauteur… L’hélicoptère est là, au bord de la route, et aguiche le passant, il est exposé au vu et au su de tout le monde et nargue ses futurs passagers qui savent que le voyage est incontournable et l’issue certaine : exit la vie !
Rêve-t-il de son pilote ? Ou alors pour un cercueil un cadavre n’est-il rien de plus qu’un cadavre ?
Compatit-il avec ceux qui meurent pour leurs mauvaises idées, avec ceux qui meurent d’ennui d’attendre un sauveur qui se fait attendre… avec ceux qui meurent de maladies qui n’existent plus… avec ceux qui meurent de bêtise, de pouvoir et du trop plein de fortune… A tous ceux-là, susurre-t-il à l’oreille l’ingénieuse idée est de partir en hélicoptère, en voiture ou en train sous la terre. Pourquoi pas ?
Les reporters de Togoculture ont croisé son chemin à plusieurs reprises, mais ils n’ont rien entendu. Celui qui voit l’hélicoptère n’est pas sous terre, mais caresse l’illusion de la vie. Alors en attendant le grand envol: Attachez vos ceintures et attendez l’extinction du signal lumineux avant de vous relever. Il nous faut voltiger dans la vie et profiter de chaque instant de bonheur. Cueillir la vie et la croquer goulument avant le grand saut vers l’inconnu, dont nous supputons dès lors qu’il ressemble à un aéroport. Comme dira Brassens « Allons vers l’autre monde en flânant en chemin ». Nous avons encore plusieurs vies à vivre, plusieurs chemins à prendre. L’amour est porteur de milliers de vies avant que l’hélicoptère ne nous donne le tournis.
Gaëtan Noussouglo et Bernard Müller