Se rendre chez le missionnaire Roberto Pazzi n’est pas une mince affaire. Il habite entre Adidotivi, petit baobab, et Adidotigan, grand baobab, non loin de Vogan (Togo). A Adidotivi, on bifurque à droite sur un sentier bordé de fleurs, de bougainvilliers et d’une allée de palmiers. A la fin du deuxième sentier on aperçoit un homme qui semble être sorti de sa case pour aller à la rencontre de visiteurs qu’il n’attendait pas, mais que le bruit du moteur annonçait depuis longtemps. Le sourire édenté de cet homme âgé n’enlève rien à la lumière qui semble habiter son regard. Il vous souhaite la bienvenue en ouatchi, la langue locale.
Dans sa case, paillote en terre rouge au toit de chaume, trône une table recouverte de livres. Trois chaises attendent les visiteurs dans cette pièce unique où il dort sur une simple natte. Pazzi est étonné quand on lui dit qu’on est venu le voir spécialement : « Moi ? Ma personne ne signifie rien. Je ne suis personne. C’est seulement mes idées qui existent ». Difficilement, il accepte d’être pris en photo ou d’être filmé. Qui est donc Roberto Pazzi ?
D’origine italienne et membre de la congrégation des Comboniens de Vérone, Roberto Pazzi se vit assigner en 1970-1972 la « tache particulière de collecter les traditions ancestrales dans les divers groupes ethniques de toute l’aire Aja-Tado ».
L’originalité de son approche réside à la fois dans sa formation et dans sa méthode de recherche sur le terrain. Ni historien, ni anthropologue, ni linguiste au départ, le père Pazzi se révéla un chercheur exceptionnel. Sur le terrain, le père Pazzi s’applique à apprendre le dialecte local pour s’attirer la sympathie des populations et se fond entièrement dans leur milieu.
Sa démarche témoigne de l’ambigüité des missionnaires à l’égard des religions traditionnelles. Si pendant longtemps, les églises catholiques et protestantes se sont acharnées à démontrer le caractère idolâtre et satanique du vodou, l’approche sensible et intelligente de certains prêtres ou pasteurs à permis de révéler la richesse de cette mystique. La visite que le pape Jean-Paul II rendit aux prêtres vodous de Togoville en 1986 a surpris les adeptes de toutes confessions. Ce geste permet de tourner une page dans la grande histoire des malentendus interculturels.
Partisan d’une immersion totale, il s’installa d’abord dans le petit bourg de Logomé à 4 km d’Afagnan dans une case que rien ne distinguait de celle des villageois. Plus tard, il déménagea à Atigbé-Dzogbépémé, près d’Agou, qu’il dut enfin abandonner pour venir sur la terre de Vogan, où il vit actuellement à l’écart des habitations, en un lieu-dit (nommé par lui) « ermitage atitsoga yayratoa » (La Croix bénie) non loin de là où les navigateurs portugais plantèrent la première croix sur le sol ouest africain, en 1472. Il demeure l’un des spécialistes les plus réputés du vodou.
Gaëtan Noussouglo © Togocultures
Cet article a été publié dans : Vodou Voodoohttp://www.editionsloco.com/Noussouglo
Société des Missions Africaines de Strasbourg :http://missionsafricaines.org/roberto-pazzi,936.html
Publication de Roberto Pazzi
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=37101