5ème anniversaire de l’adoption de la Convention de l’UNESCO sur la diversité des expressions culturelle : Relever aujourd’hui le défi de la protection et de la promotion de la diversité culturelle

CyriaquCyriaque Noussouglo,  Robert et Rasmané Ouédraogo en  Belgique
Cyriaque Noussouglo, Robert et Rasmané Ouédraogo en Belgique

Il est apparu avec la mondialisation que la diversité culturelle est menacée à l’échelle de la planète. Les forces en présence sont si déséquilibrées que si rien n’est fait, des expressions culturelles mineures seraient à la limite éteintes comme c’est le cas des menaces qui pèsent sur la biodiversité. Comment donner une chance égale à toutes les cultures quelles qu’elles soient de pouvoir s’exprimer de façon harmonieuse et équitable à travers le monde ? Tel est l’essentiel de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée à Paris, le 20 octobre 20005 par la 34ème Conférence générale de l’UNESCO avec une majorité écrasante de pays membres de l’UNESCO (148 pays pour, deux contre) et dont nous fêtons cette année le 5ème anniversaire.

Cette convention  devrait entrer en vigueur le 18 mars 2007, soit trois mois seulement après le dépôt du trentième instrument de ratification, effectué le 18 décembre au Siège de l’UNESCO à Paris. En effet, alors qu’au 15 décembre 2006, l’UNESCO avait enregistré 22 instruments de ratification, 13 pays (dont le Togo) ainsi que la Communauté européenne, avaient déposé leur instrument à l’UNESCO, faisant passer à 35 le nombre de ratifications reçues. Koïchiro Matsuura, le Directeur général en service à l’époque, s’était félicité de l’intérêt soutenu des Etats pour ce nouvel instrument normatif : « le processus de ratification a connu un rythme inédit. Aucune convention de l’UNESCO dans le domaine de la culture n’a été adoptée par autant d’Etats en si peu de temps », a-t-il déclaré. Pour sa part, Irina Bokova, l’actuelle Directrice générale tout en soulignant la « richesse considérable » que constitue la diversité culturelle, invite d’ores et déjà les pays à traduire concrètement sa défense et sa promotion « dans la réalité de tous les jours, dans les décisions et les actions des gouvernements, des décideurs politiques, du secteur privé et de la société civile.

Une adoption rapide, fruit d’une mobilisation sans précédent 

En ce jour du 5ème anniversaire où le 115 ème instrument de ratification est enregistré à l’UNESCO, nous, défenseurs de la diversité culturelle réunis dans les organisations professionnelles de la culture et dans les coalitions nationales pour la diversité culturelle membres de la Fédération Internationale des Coalitions pour la Diversité Culturelle (FICDC) avons présent à l’esprit l’immense contribution des pays membres de l’UNESCO, de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), de l’Union Européenne, du Canada (1er pays du monde à ratifier la convention) à l’avancement de la cause de la diversité culturelle. Nous rappelons et nous nous félicitons du succès de la campagne de ratification qui a été  le fruit du travail acharné d’acteurs culturels, de représentants des milieux culturels, de chefs d’États et de gouvernements, de dirigeants d’organisations internationales, de  ministres de la Culture et des Affaires étrangères, de  hauts fonctionnaires chargés du dossier.

La Coalition Togolaise pour la Diversité Culturelle (CTDC) se félicite particulièrement d’avoir apporté sa contribution par sa participation à Paris, au siège de l’UNESCO, à la 3ème et dernière session des experts gouvernementaux de l’UNESCO qui a finalisé le texte de la convention. Elle a en outre participé activement à la campagne internationale  de ratification, notamment au Togo, en Centrafrique, au Tchad et en Roumanie lors du XIème Sommet des Chefs d’état et de Gouvernement de la Francophonie qui s’est tenu à Bucarest du 25 au 30 septembre 2006 sans compter le fait qu’elle ait accueilli peu avant ce sommet à Lomé, du 19 au 22 septembre 2006,  les 2èmes Rencontres des coalitions et organisations professionnelles de la culture des pays membres de la Francophonie qui ont réuni près de 40 délégués et experts venant de l’Afrique francophone, anglophone, lusophone, de la France, de la Suisse et du Canada. Enfin, elle s’honore d’abriter actuellement un projet sous-régional d’expertises et d’information culturelles dénommé « Projet CIRDOC» : Centre d’Information, de Recherche et de Documentation sur la Culture qui démarre cette semaine même.

 Un instrument de reconnaissance du droit souverain des États en matière de politiques culturelles

Jim McKee Rasmané Ouédraogo et Ivan Bernier +á Québec
Jim McKee Rasmané Ouédraogo et Ivan Bernier +á Québec

Il y a donc exactement cinq ans, la communauté internationale adopte la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles  qui représente une avancée majeure pour toutes les cultures du monde dans le domaine du droit international. Cette convention souligne le droit souverain des États et gouvernements d’établir librement leurs politiques culturelles et reconnaît clairement la nature spécifique des biens et services culturels.

Le 19 décembre 2006, l’UNESCO salue à travers un communiqué de presse, l’adoption de ce précieux instrument de sauvegarde et de développement culturel : Fruit d’un long processus de maturation et de deux années d’intenses négociations, jalonné par de nombreuses réunions d’experts indépendants, puis gouvernementaux, ce texte vise à réaffirmer les liens qui unissent culture, développement et dialogue et à créer une plate-forme innovante de coopération culturelle internationale. Elle réaffirme le droit souverain des Etats d’élaborer des politiques culturelles en vue de{« protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles » , d’une part, et de « créer les conditions permettant aux cultures de s’épanouir et interagir librement de manière à s’enrichir mutuellement », d’autre part (article premier).

La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles  consacre le rôle de la culture comme moteur essentiel du développement (article 13), mobilise la société civile pour la réalisation de ses objectifs (article 11), et place la solidarité internationale au cœur de son dispositif (articles 12 à 19), en prévoyant, entre autres, la création d’un Fonds international pour la diversité culturelle (article 18), fonds qui a démarré ses activités en cette année par le premier appel à projets. La convention entérine aussi « l’importance des droits de propriété intellectuelle pour soutenir les personnes qui participent à la créativité culturelle »   et réaffirme que « la liberté de pensée, d’expression et d’information […] permettent l’épanouissement des expressions culturelles au sein des sociétés » .

Avec l’adoption de la Convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, l’UNESCO dispose d’un dispositif normatif complet dans le domaine de la culture riche de sept Conventions afin de prendre soin de la diversité culturelle dans toutes ses manifestations, et plus particulièrement les deux piliers de la culture : patrimoine culturel matériel et immatériel, y compris les expressions culturelles traditionnelles – et créations contemporaines. Trois Conventions – celle de 1972 sur le patrimoine mondial, celle de 2003 sur le patrimoine immatériel, et celle de 2005 sur la diversité des expressions culturelles – servent de cadre particulièrement propice à cette fin.

Grâce à ce dispositif juridique étendu, l’UNESCO est désormais mieux équipée pour accomplir la mission qui lui est conférée par son Acte constitutif de respecter la « féconde diversité des cultures »  et de « faciliter la libre circulation des idées par le mot et par l’image » .

Prendre la juste  mesure des enjeux et agir

Le Togo a donc été l’un des premiers pays du monde, le 3ème en Afrique à avoir ratifié cette convention. On se rappel que le  vendredi 21 juillet 2006, le Communiqué officiel du Conseil des Ministres a examiné le projet de loi autorisant l’adhésion à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée à Paris le 20 octobre 2005.  Il a souligné que « parmi les objectifs et principes directeurs énoncés par cette convention, il convient de préciser les plus importants qui sont le principe du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales,  celui de souveraineté, d’égalité et de respect de toutes les cultures ainsi que le principe de solidarité et de coopération internationales. L’adhésion à cette convention offrira au Togo l’opportunité de concilier la dimension matérielle et la dimension immatérielle du développement lui permettant ainsi de dégager au niveau national des mécanismes de protection et de promotion de nos expressions culturelles à l’instar du paysage culturel, le Koutammakou, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO le 28 juin 2004. »

Quelques jours plus tard, le texte a été ratifié et déposé à l’UNESCO, tout cela dans une célérité exemplaire voulue par le Chef de l’Etat.

Il faut néanmoins souligner que beaucoup reste encore à faire si nous voulons tirer le maximum de profits de cette convention en permettant le développement culturel dans notre pays.

Campagne au Togo 2006
Campagne au Togo 2006

Les acteurs et professionnels des arts et de la culture nourrissent de grands espoirs et piaffent d’impatience devant l’instance prolongée des mesures urgentes à prendre dans le secteur : l’activation du statuts des artistes et du Fonds d’Aide à la Culture, la construction d’infrastructures culturelles telles que les écoles de formation, le Conservatoire de musique, les centres culturels, les maisons des arts et de la culture dans les grandes villes, le renforcement des capacités des acteurs, l’accompagnement des initiatives qui se prennent sur le terrain : subventions étatiques aux centres culturels privés, aux festivals et rencontres internationales à l’instar du Festival du Théâtre de la Fraternité (FESTHEF), Festival International les Lucioles Bleues (FILBLEU), Festival International du Théâtre et des Arts Plastiques (FITAP), les Rencontres Théâtrales de Sokodé (RETHES), les Rencontres Internationales des Arts Plastiques (EWOLE), des biennales du stylisme et de la mode (ALOKPA, BIMOD 228, NADIACALES), des rencontres autour de la musique (Togo Hip Hop Awards, Africa Rythme), etc., l’organisation de rencontres nationales de détection et de sélection de talents dans tous les domaines des arts et de la culture, la construction d’une maison de la culture à Lomé et d’un théâtre national, etc.

Bref, comme on le constate, les attentes sont grandes et requièrent en conséquence la mise en place d’une politique culturelle orientée de façon cohérente et soutenue par des fonds d’investissement dans le domaine des arts et de la culture.

La diversité culturelle, une dimension essentielle de nos sociétés 

 La diversité culturelle est une notion transversale avérée dont la prise en compte permet d’apprécier et de mesurer les grands enjeux du développement et les dimensions essentielles de nos sociétés ; c’est donc une approche holistique qui tient compte de « tout l’homme ». Elle indique une « synchronie essentielle » des cultures en mettant les expressions culturelles au cœur des enjeux contemporains et sociétaux : l’éducation, les langues, les technologies de l’information et de la communication, les droits de l’homme, la gouvernance démocratique, le dialogue interculturel, les échanges culturels internationaux, la coopération internationale, la paix, le développement durable, l’environnement, etc., ainsi que le montre le Rapport mondial de l’UNESCO 2010 intitulé : « Investir dans la diversité culturelle et le dialogue interculturel »   (février 2010).

A partir de ce moment, comme le souligne Françoise Rivière, la Sous-Directrice générale de l’UNESCO pour la culture, {« les gisements de ressources que l’humanité espérait trouver dans son environnement doivent maintenant être trouvés en elle-même, c’est-à-dire dans sa diversité. La diversité doit être conçue désormais comme un point de départ et non comme un obstacle à surmonter. C’est le développement d’une humanité plurielle que la diversité culturelle nous invite à penser, dans la pluralité créative des expériences des uns et des autres et sans modèle unique. » } <br>

Kodjo Cyriaque NOUSSOUGLO 

Expert de la diversité culturelle 

© Togocultures

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