Vanessa Worou prête pour l’envol

Vanessa Worou Photo: Gustave Djonda
Vanessa Worou Photo: Gustave Djonda

Retour sur le concert de Vanessa Worou au Théâtre de verdure du Centre culturel français de Lomé le samedi dernier, en prélude à son départ pour les jeux de la Francophonie qui se déroulent au pays des Cèdres du 27 septembre au 6 octobre 2009.

Le concert se voulait une sorte de répétition générale pour le groupe Afrik’Céleste. Comparativement à son premier concert sur le même podium, l’année dernière, il y a manifestement beaucoup de choses à dire. Car si le premier concert a confirmé tout son talent musical, écho de l’album « Eke », la prestation scénique et l’ensemble costumier de l’artiste laissaient un zeste d’inachevé et faisaient montre d’un amateurisme caractéristique des novices. On ne peut plus en dire autant de cette seconde prestation au CCF. Ce qui laisse l’impression que les Togolais peuvent rêver sans souci dans les bras de Morphée : Vanessa va représenter dignement le Togo. En matière d’art, il faut éviter d’être cocardier, mais vu le tableau un peu sombre de la culture nationale, avec Vanessa Worou on peut se permettre sans faute d’avoir une légère inclination pour le drapeau. Et de rêver d’un trophée… Passons !

Le concert a donc tenu ses promesses. Il faut dire que le CCF de Lomé a cette fois-ci fait beaucoup d’efforts. La sono était au rendez-vous ; il n’y eut ni bruitages ni méchants déchets pour écorner l’ouïe des spectateurs.

Sur le plan musical, Vanessa Worou entreprend une révolution dans le champ musical national en introduisant ce patchwork esthétique du jazz, du blues, du classique et des rythmes traditionnels. C’est bien la preuve que les rythmes traditionnels peuvent bien servir à quelque chose et que l’on n’a plus d’excuses à copier-coller des genres musicaux un tantinet kitsch. Rien que pour que le jazz, l’association du jeune trompettiste Elias Damawuzan, reste quand même la trouvaille de cet album Eké. La virtuosité et le souffle éthéré de cet instrumentiste restituent toute sa quintessence à la musique de Vanessa, laquelle apparaît vraiment comme la digne héritière de Bella Bellow. On attend donc un second album pour en avoir la confirmation et espérer qu’elle va finir par nous la faire oublier !

L’artiste était attendue sur le plan du décor et du costume. On peut lui donner une bonne note. Une fausse jupe et corsage prolongée d’un long ample pan qui semble une grande robe, le tout taillé taillée dans un tissu pagne wax hollandais, ce qui lui donne un air de la regrettée Ella Fitzgerald. Ceci comparé avec l’accoutrement du premier concert, il n’y pas photo. Le nouveau costume, œuvre du styliste Kali Fashion Emmanuel, épouse presque la plastique forte de l’artiste et renforce son imposition naturelle sur scène. Reste un seul regret, le décorateur a trop le goût de la flamboyance, ce qui fait qu’en fond de scène, on se croirait à un mariage.

Vanessa Worou photo:  Gustave Djonda
Vanessa Worou photo: Gustave Djonda

Peut-être faudrait-il encore avoir un peu plus d’idées et d’audaces pour rechercher un costume assez original qui fasse encore plus d’effet pour habiller le porte-drapeau de la chanson togolaise. Mais ceci n’est pas mal déjà, l’artiste qui a une haute maîtrise de sa rondeur, la moule parfaitement bien avec des résultats enchanteurs sur le public. Lequel public a répondu massivement nombreux- théâtre comble comme un œuf avec des dizaines de spectateurs debout -, et donnant parfaitement du répondant au langage que l’artiste tentait d’établir avec lui. Cette artiste a du charisme. De mémoire de spectateur de spectacles d’artistes togolais, il n’y a que King Mensah et Jimi Hope qui établissent une telle communion avec le public.

On ne saurait finir de parler de ce concert sans glisser quelques mots sur les soutiens moraux ou concrets de Mlle Worou. A tout seigneur tout honneur. Le roi de la musique traditionnelle King Mensah, l’éternel roi au grand cœur, lui apporte un soutien très actif en organisant le vendredi 18 septembre, un concert au même CCF. Toute la recette sera versée à l’artiste et à son groupe. Du jamais vu dans le paysage artistique togolais !

Il est vrai que King Mensah a eu certainement écho des démarches de la chanteuse pour avoir des financements en vue des préparatifs du voyage au Liban. Avec bruit et tambours battants, elle a fini par avoir gain de cause. Même au plus haut sommet de l’Etat, le soutien fourni, aux dires de l’artiste elle-même, serait conséquent. Ce n’est pas rien quand on a un soutien présidentiel à la culture, mais encore faut-il que l’on dépasse ces appuis individuels pour rendre rapidement effectif la création d’un Fonds d’Aide à la Culture, annoncé depuis un moment.

A l’heure où les Eperviers nationaux se déplument inexorablement sur fond de division haineuse et ruineuse de la Fédération togolaise de football, c’est à juste titre que l’on constate que la culture peut porter la fierté nationale. Sans grands frais en plus.

Une note également hors propos mais qui a tout son pesant d’or. Le père de l’artiste est venu cette fois à son concert, lui qui a de tout temps guerroyé contre cette tendance chez sa fille, pensait à tort que la musique est le propre des dégénérés et des prostituées. Sa présence constitue tout un symbole et un appel à tous ses parents qui étouffent malgré eux le développement de leurs enfants.

 

En photo : Vanessa Worou, photo de Gustave Djonda / King Mensah Mensah, photo de son site

© Togocultures

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