Togo: Le Wharf de Lomé va- t-il bientôt disparaitre ?

Chaque jour qui passe une partie du wharf de Lomé s’effrite dans l’océan. Le temps ne suspendra pas son vol pour ces œuvres datant de la colonisation allemande et française et qui ont joué un rôle fondamental dans la vie et dans l’évolution de notre pays. Ces œuvres ne jetteront plus jamais l’ancre dans l’océan des âges puisque le temps jaloux les emporte faute de conservation de l’État. Pourtant elles font partie du patrimoine national. Le wharf sera-t-il abandonné à l’offensive des vagues de l’océan comme les maisons afro-brésiliennes d’Aného et d’Agbodjorafo ?

wharf de Lomé Photo Jacque Do Kokou
wharf de Lomé Photo Jacque Do Kokou

Situé entre l’Hôtel Palm Beach et l’Hôtel Ibis Lomé Centre, les wharfs de Lomé datent du temps des Allemands et Français. La construction du port en eau profonde en octobre 1967 a contraint à l’abandon ces œuvres métalliques construites en 1904 et 1925. Le wharf de Lomé était le seul de la côte ouest-africaine équipé pour travailler la nuit et même les week-ends. Les dockers travaillaient de 12h à 21 h par jour même les jours fériés et le dimanche.

Il est un témoin du temps, c’est un moyen qui permettait la participation de la colonie togolaise au commerce international. Il servait aussi aux importations du ciment, des hydrocarbures en vrac, des produits alimentaires, des matériaux de construction, des textiles, du sel, des poisons. Et aux importations du cacao, du café, des palmistes, du coton, du tapioca, de fécule, du coprah.

Le Wharf de Lomé Photo Jacques Do Kokou
Le Wharf de Lomé Photo Jacques Do Kokou

Les paquebots embarquaient beaucoup de personnes. Les Togolais allaient en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Gabon… et revenaient faire leur mariage au pays et repartaient. Deux des Chargeurs -Réunis ou de la compagnie Fraissinet venaient par mois depuis Marseille, prenaient des passagers d’Abidjan pour Lomé puis allaient de Lomé à Libreville, Pointe Noire, Port-Gentil…

Les passagers embarquaient dans des chaises, une sorte de caisse renforcée de fer d’en bas jusqu‘en haut, appelée panier. La chaise pouvait heurter le bout de la barque, ou plonger dans la mer, mais le passager ne pouvait pas tomber, une fois qu’il tenait les cordes. En temps normal, six personnes prenaient le panier. Mais quand il y avait beaucoup de passagers ou que le bateau est était pressé dix personnes prenaient le panier : six assises et quatre debout au milieu. Les anciens de Lomé se souviennent encore de ce temps.

Une animation fébrile règne autour du wharf à l’arrivée des paquebots où l’on assistait à des scènes émouvantes causées par la peur. Les jeunes gens qui partaient en aventure, les jeunes mariées et ainsi que leurs parents pleuraient à cause de la séparation.

Sur le wharf il y avait des risques. En marée haute ou quand il avait tornade, les boats s’échouaient. Il arrivait parfois que les pirogues chargées de fer, de ciment ou de voiture soient prises par de grosses vagues et coulaient. Des spécialistes étaient envoyés sous la mer pour récupérer ces marchandises coulées. Souvent les voitures, les caisses ou les paquets de tôles… et des passagers tombés dans la mer étaient récupérés.

Togocultures lance un appel à l’État pour la conservation de ce patrimoine national.

Gaëtan Noussouglo et Jacques Do Kokou

Le Wharf de Lomé

Par l’Universitaire Kokou Godwin Azamédé

Le Wharf de Lomé Photo Jacques Do Kokou
Le Wharf de Lomé Photo Jacques Do Kokou

La construction du wharf métallique a commencé le 1er novembre 1901 et s’est achevée en fin 1904. Elle s’est déroulée sous la direction de l’ingénieur du gouvernement Georg H. Schmidt et de l’ingénieur K. Preiss, représentant de la firme VMAN. Les africains étaient à leur service souvent pour des travaux non qualifiés. Entre 1901 et 1902 l’administration coloniale avait mis à la disposition des ingénieurs allemands 350 travailleurs forcés venus de l’hinterland pour transporter les piliers métalliques et les rails. En Mars 1902, 15 forgerons africains dont 10 venus d’Accra ont été engagés pour les travaux de rivage du wharf sur la côte. Le pont métallique construit avait une longueur de 304 met était composé de deux parties: la première servait de passage de ressac, avec une longueur de 252 m sur 6 m de large ; la deuxième 52 m de long sur 10 m de large, servait au transbordement. Le coût total du wharf métallique était estimé à 800.000 Mark. Le wharf était inauguré le 27 janvier 1905, le jour anniversaire de l’empereur allemand Guillaume II. De février 1908 au 27 janvier 1909, ce pont sera prolongé de 50 m. Cette construction aurait malgré tout quelque défaut. En raison de la perpendicularité du wharf par rapport à la plage et non à la houle, 180 m de la partie centrale de l’ensemble du pont a été arrachée le 17 mai 1911 par une violente tempête, car les piliers de béton ne laisseraient pas passer l’eau comme dans le cas d’un treillage métallique. Après la réparation de ce dégât, le wharf était remis en service le 1er décembre 1912.

L’existence du wharf rendait plus aisé le transport des produits des navires vers la plage, car, auparavant, c’étaient les autochtones qui transportaient les produits importés dans la colonie à partir de leurs pirogues.  Le wharf permettait la participation de la colonie au commerce international. Le débarquement et l’embarquement des marchandises et des personnes se faisaient en un temps plus court et avec moins de risques.

Par ailleurs, le wharf a facilité entre autres l’importation des ressources nécessaires pour la construction des chemins de fer, a aussi permis l’exportation des produits comme le maïs et le coton. Il a servi jusqu’à l’époque coloniale française, époque à laquelle il a été rénové en 1928. Le wharf a perdu son intérêt à partir de 1964 à la suite de la construction du port en eau profonde.

Les ruines du wharf sont encore visibles aujourd’hui à la plage de Lomé, en face du boulevard de la Marina, ancien boulevard de la République à l’époque française et Kaiser Staden au temps colonial allemand.

Sources: Goethe Institut de Lomé

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