Re-Penser les politiques culturelles : le nouveau Rapport mondial 2018 de l’UNESCO sur la Convention de 2005.

Le 26 décembre 2017, l’UNESCO a rendu publique, depuis son siège régional de Dakar, le tout nouveau Rapport mondial 2018 sur la Convention de 2005 intitulé : Re|Penser les politiques culturelles. Pour rappel, la Convention de 2005 sur la Protection et la Promotion de la Diversité des Expressions Culturelles a été adoptée le 20 octobre 2005. Un premier rapport la concernant a été publié en 2015 lors des dix années de son adoption. Le présent Rapport mondial 2018 rend compte depuis lors des progrès accomplis dans sa mise en œuvre à travers le monde.

A ce jour à en croire la Directrice Générale de l’UNESCO, Audrey AZOULAY, 146 Parties, dont l’Union Européenne, ont ratifié la Convention 2005 qui protège et promeut la diversité des expressions culturelles. Cette convention « est le fer de lance de l’UNESCO dans son action pour renforcer les capacités de production, de création et de diffusion des biens, des activités et des services culturels ». La Convention de 2005 reconnaît aux Etats signataires le « droit souverain de mener des politiques publiques pour le développement de secteurs industriels culturels et créatifs forts et dynamiques. L’UNESCO s’attache à développer avec eux des politiques publiques plus efficaces et plus durables en ce sens. »

Le présent Rapport mondial, en s’appuyant sur 62 rapports périodiques quadriennaux (RPQ) remis par les Parties, analyse l’impact de la mise en œuvre de la Convention à partir de quatre objectifs principaux :  Objectif 1 : Soutenir des systèmes de gouvernance durables de la culture ; Objectif 2 : Parvenir à un échange équilibré des biens et services culturels et accroître la mobilité des artistes et des professionnels de la culture ; Objectif 3 : Intégrer la culture dans les cadres de développement durable ; Objectif 4 : Promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

Il établit le lien entre la poursuite de ces objectifs et les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 (ODD), notamment les ODD 8, 16 et 17. Dans l’optique de « soutenir des systèmes de gouvernance durables de la culture » qui contribuent à la réalisation des ODD, le rapport analyse les politiques et les mesures visant à promouvoir la diversité des expressions culturelles et livre là-dessus des conclusions.

La convention est devenue un instrument privilégié de gouvernance culturelle et politique

La convention est devenue un instrument privilégié de gouvernance culturelle et politique, notamment dans les pays du Sud dont beaucoup comme le Bénin, le Burkina Faso ou encore le Togo se sont dotés de politiques culturelles et de plan stratégique d’orientation de cette politique culturelle. Le cas du Togo expressément souligné dans l’Encadré 1.1. à la page 38, constate les avancées dans la mise en œuvre de la convention, notamment au travers de l’adoption en 2011 de la politique culturelle, de l’activation d’un Fonds d’Aide à la Culture et l’adoption d’un statut des artistes.  Le rapport souligne les effets positifs qu’on observe dans « la gouvernance collaborative et l’élaboration multipartite des politiques, notamment dans certains pays en développement et dans les domaines de l’économie créative et de l’éducation culturelle » ; mais aussi dans la mise en œuvre de politiques culturelles locales, du financement des activités culturelles, du développement des contenus numériques diffusés sur les médias, l’amélioration de l’accès publique à des contenus produits localement, en particulier dans les pays en développement. A propos des médias de service public, des avancées ont été relativement aux « bases législatives concernant la liberté et la diversité des médias à mesure que les gouvernements ont mis à jour les objectifs et les systèmes de leurs médias de service public ». C’est ainsi que 90 pays appliquent le système de quotas qui permet le renforcement des productions de contenus nationaux. Des dispositions sont prises ici et là concernant l’évolution de l’environnement numérique et la révolution technologique qui « a entraîné des modifications profondes de la gouvernance des médias et de tous les maillons de la chaîne de valeur culturelle ». Des déficits existent certes dans la mise en œuvre des politiques relatives à la culture numérique, mais les Etats qui trainent sont encouragés à prendre des initiatives pour améliorer cet environnement numérique, de même que les infrastructures de sorte à  « consolider le marché des biens et services culturels produits et distribués » dans ce nouvel environnement numérique.

La Convention met l’accent sur la relation entre le secteur public, les entreprises privées et la société civile

Selon le Rapport, le rôle de la société civile doit être renforcé pour soutenir et améliorer les systèmes de gouvernance durables de la culture et le développement de politiques culturelles : « pour pouvoir atteindre le niveau nécessaire de collaboration dans l’élaboration des politiques, la société civile doit bénéficier d’un soutien pour renforcer ses capacités et augmenter ses ressources, en mettant l’accent sur la participation politique, la communication et la mise en réseau ».

Le Rapport aborde également les mesures pour « parvenir à un échange équilibré des biens et services culturels et accroître la mobilité des artistes et des professionnels de la culture dans le monde ». En effet, « la mobilité des artistes et autres professionnels de la culture est primordiale pour que circulent des idées, des valeurs et des visions du monde hétérogènes, et pour promouvoir un secteur des industries culturelles et créatives dynamique. » Il se trouve que dans ce domaine précis, les artistes du Sud ont besoin d’accéder aux « principaux » marchés du Nord ; mais cela est rendu difficile « dans le contexte actuel de contraintes sécuritaires ». Il reste néanmoins que la mobilité Sud-Sud est une réalité que doivent conforter les législations, la création de plateformes d’échanges et les facilitations financières notamment. La vitalité et le dynamisme du secteur culturel et créatif sont à ce prix.

Les questions d’échanges des biens et services culturels, en pleine croissance de par le monde et pas suffisamment dans les pays du Sud, ont été aussi abordées ainsi que celles de la liberté artistique. Celle-ci « touche non seulement à l’existence et à la pratique de artistes, mais également aux droits de tous les producteurs culturels et de tous les publics ». Malgré l’augmentation des atteintes à cette liberté artistique « perpétrées aussi bien par des acteurs étatiques que par des acteurs externes, majoritairement envers des musiciens » entre 2014 et 2015, le constat est à l’amélioration, ce qui requiert une plus grande « protection et une promotion efficaces des expressions artistiques elles-mêmes ».

Des dispositions sont prises dans beaucoup de pays pour soutenir les droits économiques et sociaux des artistes, malgré les lois relatives au terrorisme et à la sécurité de l’État, à la diffamation criminelle, à la religion et aux « valeurs traditionnelles » qui ont été brandies afin de limiter la liberté artistique et la liberté d’expression.

Somme toute, ce Rapport mondial est un outil clé qui rend compte des avantages de la protection et de la promotion des expressions culturelles. Et les auteurs de conclure : « Si dans les années à venir, les Parties parviennent à atteindre les objectifs définis dans ce Rapport mondial, complètement ou au moins en grande partie, alors nous verrons émerger un processus qui réalisera la promesse à long terme de la Convention de 2005 : véritablement « repenser » l’élaboration des politiques culturelles à travers le monde. »

Kodjo Cyriaque NOUSSOUGLO

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