Mutation et réouverture du Studio Théâtre d’Art de Lomé

Le vendredi 17 juillet 2015, après cinq années d’inactivité, le Studio Théâtre d’Art de Lomé renoue avec sa principale mission qui est la formation des artistes de théâtre. Pendant sept jours, seize comédiens du Bénin, du Cameroun et du Togo se retrouvent à l’Annexe de la Maison des Artistes à Baguida pour suivre l’enseignement de Jean Lambert-wild, comédien, metteur en scène, auteur dramatique et Directeur du Théâtre de l’Union, Centre Dramatique National du Limousin et de l’Académie de l’Union – Ecole supérieure professionnelle de théâtre. Cette formation conçue sur le modèle de la formation continue est l’illustration du nouveau fonctionnement de l’école qui est en train d’opérer une véritable « mue » en délaissant provisoirement la formation initiale.

Peu de gens se souviennent peut-être de l’aventure mais entre 2006 et 2009 avait existé au Togo une école de théâtre : l’école du Studio Théâtre d’Art de Lomé. Son initiateur, Rodrigue Norman, s’était associé à l’ancien Centre Culturel Français et nombreux de ses frères du métier, parmi lesquels, Béno Sanvee Allouwasio et Alfa Ramsès, pour dispenser des cours de théâtre tous les samedis et parfois d’autres jours de la semaine à tous ceux qui le désiraient ardemment. Et le désir était bien grand chez la quinzaine d’élèves à s’être réellement inscrits. Le projet était noble mais nécessitait des moyens, surtout, financiers. Il fallait payer les professeurs dont le professionnalisme et la qualité étaient les principaux atouts de l’école, en outre il fallait acquérir du matériel pédagogique, faire venir parfois certains formateurs de très loin et les loger. Ce ne sont pas les frais de scolarité des élèves, relativement modestes (44 000 CFA) qui allaient y pourvoir, le ministère de la culture avait salué l’initiative mais avait limité son soutien à ce qu’il savait le mieux faire : un soutien moral. Le Fonds d’Aide à la Culture n’existait pas à l’époque et les quelques aides ponctuelles que l’école a pu obtenir provenait du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’ambassade France au Togo. Une situation difficilement tenable dans la durée lorsqu’on sait que la plupart des artistes nationaux intervenant dans l’école vont régulièrement monnayer leur talent à l’extérieur du Togo, y compris le fondateur. Acculé par des dettes au bout de trois ans, soit la durée d’un cursus complet, il n’a eu d’autres choix que de déclarer la faillite de l’école en mettant en veille celle-ci en octobre 2009. Une seule promotion avait été formée et dans le lot, quelques-uns ont pu s’insérer dans le circuit professionnel alimenté par des contrats à l’étranger, d’autres continuent de pratiquer en amateur cet art.

« Le but, rappelle le fondateur de l’école, n’était pas de fabriquer des professionnels, mais des hommes et des femmes qui ont le théâtre et l’art chevillé au corps et à l’esprit et qui souhaitent le pratiquer avec une exigence accrue tout en ayant une conscience des enjeux artistiques, sociaux, politiques et économiques inhérents à cet art, la question d’en vivre ou pas, dépasse malheureusement le simple cadre d’une école, et va rejoindre le domaine des politiques ».

On aurait tort de supposer qu’en relançant ses activités ce mois de Juillet, le Studio Théâtre d’Art de Lomé a réussi à trouver tous les moyens nécessaires pour le fonctionnement d’une école. Le projet devient viable grâce à l’adoption d’un nouveau modèle de fonctionnement qui consiste à organiser annuellement deux à trois stages intensifs ou master class qui durent quelques jours, voire quelques semaines à l’intention des comédiens déjà en activité. La formule est moins lourde et paraît en adéquation avec les réalités du terrain. « Mieux, affirme en homme averti Rodrigue Norman, elle ne nécessite pas la présence permanente du personnel enseignant dans le pays ».

Jean Lambert-wildUne parfaite illustration de ce fonctionnement est le stage qui a démarré le vendredi 17 juillet dernier à « L’Annexe », nouvel espace mis à la disposition de l’école par la Maison des Artistes de Baguida et qui se trouve à côté du Centre aéré de la BCEAO. Jusqu’au 24 juillet, seize comédiens (14 togolais, une Camerounaise et une Béninoise) sont inscrits pour suivre l’enseignement de Jean Lambert-wild, comédien, auteur et metteur en scène français, directeur du Théâtre de L’Union, le Centre Dramatique National du Limousin, à Limoges.

Homme au style vestimentaire qui ne passe pas inaperçu autant que son parcours ne l’est, à 43 ans, il a déjà eu à diriger la Comédie de Caen et multiplie les expériences théâtrales les unes plus surprenantes que les autres mais toujours guidées par la multiculturalité et les hybridations en tous genres. En pédagogue soucieux de la transmission et de l’apprentissage, le stage qu’il dirige en ce moment à Baguida porte sur « l’habilité de la réplique, la dextérité oratoire et l’agilité gestuelle dans la longue tradition des raffinements comiques » en partant de la pièce Les fourberies de Scapin  de Molière dont certaines scènes ont été adaptées et prises en charge en mina (langue vernaculaire). A la question « comment trouvez-vous le niveau de vos stagiaires », il répond : « Le niveau d’un stagiaire est commandé par sa volonté d’apprendre, ici le niveau est donc bon ». A préciser que Jean Lambert-wild est assisté par Odile Sankara, une comédienne burkinabé avec qui il a l’habitude de travailler.

Ce stage est le premier d’une nouvelle ère dans l’histoire de la jeune structure que porte Rodrigue Norman et Béno Sanvee Allouwasio. D’autres stages sont annoncés d’ores et déjà pour novembre 2015 et mai 2016 avec comme formateurs Pierre Vincent de la compagnie Issue de Secours (France), Armel Roussel (Belgique), Kangni Alem (Togo), … Espérons que pour cette nouvelle saison, les autorités en charge de la culture au Togo lui accordent un soutien plus que moral. Car pour l’instant ce stage n’a été rendu possible que grâce au soutien de Madame Monique Blin, du Théâtre de l’Union en France et de la Maison des Artistes de Baguida.

 

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