Le coin du poète: Nègre en papier de Gnoussira Analla

Le Zangbeto de Hlande au Togo Photo Gaëtan noussouglo
Le Zangbeto de Hlande au Togo Photo Gaëtan noussouglo

La poésie de Gnoussira Analla est une dramaturgie de mots et d’images ; elle recherche l’hymne d’un nouvel-être-au-monde comme unique souffle qui rallie l’être à lui-même, l’unique chemin qui conduise dans les dédales de l’inconnu, de l’inconnaissable, de l’insaisissable et de l’ignorance. Ses nombreux recueils encore inédits : A Tue-tête, Transhumance,Génération spontanée, Abracadabra, etc. autorisent l’appréhension du projet d’une poésie qui laisse tout se dissiper dans le souffle même du poème pour donner libre cours à une exaltation symbolique du langage.

 Génération spontanée

Planning familial, contraception individuelle…

Nous sommes les enfants terribles

de l’holocauste programmé

Géniteur et ordinateur ne font pas bon ménage

Nous avons choisi notre camp

au diable les adeptes du quand

Génération du plaisir de l’anticonformisme

des émotions fortes et du suicide à retardement

La drogue nous monte à la tête

et le mal du siècle nous fait la part belle

Nous ne fûmes pas nés pour connaître

les joies d’être grands-parents

Nous voici les sanglés du ventre

Les cinglés à contre-cœur

bandés comme des chevaux en rut.

Marathoniens à toute épreuve

nous battons tous les records de témérité

autant que de manque d’assurance

Mais on s’en fout tant qu’il y a la quête !

Que voulez-vous qu’on fasse de vieux prophètes

de malheur et des assassins de la fête ?

Ils n’ont pas eu la vie facile, ils sont bien aigris

comme une collision de pétanque !

On nous dit que l’avenir nous appartient

nous l’assumons comme un suicide

Chacun a le droit de choisir sa voie

nous voici génération de la déperdition !

Pas besoin que des loques vivantes

nous fassent la morale

Nous avons économisé plein de larmes

pour le dernier face-à-face avec la vie

Quand en ce jour de catastrophe

l’alerte sera donnée

nous répondrons présents sans rechigner

Avec tout notre cortège de bonnes intentions

et notre attirail de porte-malheur au grand complet.

Et nous dépasserons la femme en sanglot

sur son sort sans nom

au nom de quelle vie ratée elle ne sait

et nous raillerons le môme à l’abandon déjà

groggy sous l’effet de la trahison

et nous bousculerons le pauvre lourdaud

qui se prend pour Rambo.

Génération Kamikaze en route

pour la dernière revue

jeunes nous mourrons pour avoir vécu

Génération de la croix

Génération de la énième venue !

 Gnoussira Analla

Nègre en papier

Nous ne sommes pas nés

de l’holocauste de la négritude

Nos origines se mesurent aux faveurs des bidonvilles

Aux lassitudes des bantoustans

On nous reconnaît à notre odeur qu’est pas d’ici

Nous tentons le peloton d’exécution

au nom de la survie

 

Nous ne protestons pas

Nous testifions

Nous pestiférons

Pour nourrir les débats politiques

A défaut de prendre la bastille

Nous prenons notre conscience

Intègre de tout silence

 

La vie à demi-mot

A huis clos

Nous restitue mot à maux

Elle nous embrase nous encombre

Nous qui avons su dompter la faim

Et assassiner la fête nous dont la vie

Traîne par terre – navire de terre –

 

Vers de terre mes frères, vivre c’est quoi même ?

Mourir un peu ou vivre à titre posthume ?

Etre ou ne pas naître ?

Vivre nous convie à la grève des fantômes

Et le pas raide de courbature

Il veille sur son bonheur au rabais

Gnoussira Analla

©Togocultures

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