Koriko Amoussa dit A.K. Abbram’s : Sauvé de la Fange par l’Ecole et ses talents

Koriko  AMOUSSA dit A.K. Abbram’s Photo: Gaëtan Noussouglo
Koriko AMOUSSA dit A.K. Abbram’s Photo: Gaëtan Noussouglo

L’homme est-il le produit des contingences de son environnement social ou a-t-il la capacité d’être maître de son destin ? Il y a une vingtaine d’années, on aurait pas parié un pfennig sur l’avenir de ce jeune garçon au visage oblong né à Lomé, plus précisément dans le quartier populeux de Nyékonakpoè  où se mêlent gens de toutes les conditions, notamment l’humanité interlope qui squatte les bords de la lagune et traficote entre la capitale et la frontière du Ghana. Passeur de cannabis très tôt, quand enfant jouant à rouler les pneus, des dealers mettaient des drogues dans leurs jouets qu’ils passaient à l’autre côté de la frontière et échangeaient contre d’autres pneumatiques. Les enfants risquaient leur peau à ce jeu dangereux des adultes à une époque où les limiers togolais, s’attendant à voir débouler des bandits du Ghana étaient chaque fois sur le qui-vive.

C’est seulement parvenu à maturité qu’il mesura le risque qu’il encourait à l’époque, ne comprenant rien du jeu dangereux des adultes. Non seulement il ne devient pas dealer mais aussi ne fume pas la cigarette. Il a toujours adoré l’école. Les marginaux ont aussi leur chance, dit-il, l’école restant heureusement un tremplin pour la vie, même si sa scolarité n’était pas toujours payée par ses parents.

Et l’école lui réussit, heureusement. Baccalauréat Série D, 4e année de linguistique à l’Université du Bénin (actuel Université de Lomé), tout allait rapidement. C’est au CEG Nyekonakpoè qu’il connut le théâtre, lors des semaines culturelles. Deux rencontres avec des aînés : Linda Ahiékpor et Sylvain Mehoun et le garnement eût envie de leur ressembler. Envie d’écrire également, de dire quelque chose. Le renouveau du théâtre togolais mit des gens sur son chemin. Travaux avec les metteurs en scène Méwè Banissa, Alfa Ramsès, Gaëtan Noussouglo et Hermas Gbaguidi. Il fonde en 2001, le Théâtre Assassan et joue dans divers spectacles de théâtre.

De la scène, il passe à l’écriture et écrit en mars 2003 sa première pièce Quand l’Oiseau s’envole, qu’il signe du pseudonyme A.K. Abram’s. Le théâtre de Koriko est peuplé de marginaux, des laissés-pour-compte de nos sociétés africaines. Resurgissent dans sa mémoire d’enfance, ce monde d’éclopés et d’enfants abandonnés sans éducation par leurs parents. Les bas-fonds des quartiers de Lomé sont alors peints, à travers un langage argotique pour dire crûment les souffrances d’une jeunesse sacrifiée sur l’autel d’une politique absurde qui opprime ses propres enfants. C’est le monde des violences en famille- le héros a été décapité par son père-, de la rue et surtout politique que les personnages ne comprennent pas forcément. « Ils nous laissent pas de possibilité. Il nous reste que la magouille, la fuite, la collaboration, la lecture, la politique de la main tendue, et la… « , dit Djemi un personnage de l’œuvre.

Amoussa Koriko dit A. K. Abram’s convoque l’histoire de son pays sur la scène. A travers son pays, il décrit les dictatures tropicales vues sous toutes les coutures, des régimes fantoches : « Je crois qu’ils ont les mains liées, parce que je comprends pas pourquoi ils nous traitent de la sorte. Nous sommes quand même des enfants d’ici »  dit Djamal un autre  personnage. Les systèmes néocolonialiste sont indexés.

Koriko poursuit ses pérégrinations et ses recherches à travers le monde. En 2004 il quitte Lomé pour poursuivre ses études à l’Université du North Dakota aux États-Unis dans le département de théâtre (mise en scène, direction d’acteurs et réalisation de film). Il fait des va-et-vient entre le Togo, la France et l’Italie. En 2006, il rejoint la Comédie de Saint-Etienne où se créait la pièce Catharsis de son ami Gustave Akakpo dans une mise en scène de Jean-Claude Berutti. Le spectacle fera des tournées en France et en Afrique. Il collabore aussi avec le prof Gigi D’Alglio, professeur de mise en scène italien avec qui il compte créer le spectacle Macbeth en Afrique.  Qui eût cru que le destin de ce Kotocoli qui n’a fait que deux tours dans sa région d’origine de Sokodé pouvait prendre cette trajectoire-là ? Ses souvenirs le ramènent toujours au Koli sur la colline de Koumondè, qu’il adore.

Tony Féda©Togoculture

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