Jacques Do Kokou, Un cinéaste togolais à Cannes : « Le cinéma togolais est à créer »

Jacques Do Kokou (photo) réalise son rêve de jeunesse : participer au Festival de cannes en France. Le doyen du cinéma togolais trouve du plaisir à fouler les tapis rouges et surtout exulte en voyant des films dans de belles et bonnes salles. Dans les prochaines années, Jacques Do Kokou réalisera son film qu’il défendra à Cannes, comme un militaire, le drapeau togolais. Il a surtout besoin de tous pour réaliser ses ambitions légitimes. Sur la croisette, l’équipe de Togocultures a rencontré l’homme. © Togocultures

Qu’est-ce qui vous a amené à Cannes ?

Suite aux dix années (2002-2012) d’activités menées avec le concours de nos partenaires et qui ont permis de parcourir des milliers de kilomètres pour apporter le cinéma à plusieurs milliers de togolais là où ils se trouvent via le CIT – Cinéma itinérant du Togo, le cinéma de proximité, l’APCAL (Association pour la promotion de la culture des arts et des loisirs) a jugé utile de se rapprocher du CNA-Cinéma numérique ambulant. Elle est devenue ainsi membre du Réseau CNA qui regroupe désormais sept (07) pays africains (Sénégal, Mali, Niger, Burkina Faso, Togo, Cameroun) et CNA France. En tant que responsable du CIT et Administrateur de l’APCAL, je suis à Cannes avec les autres responsables des CNA pour présenter le résultat de la table ronde tenue en 2011 à Ouagadougou dans le cadre du 22ème Festival pan africain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO).

Quelles sont vos attentes

C’est l’occasion pour moi de retrouver mes collègues du métier, de présenter les activités CIT/CNA, de rencontrer et nouer des contacts avec les partenaires pour la pérennisation de nos actions pour le développement du 7ème ART au Togo et dans la sous région. Pour notre réseau c’est faire connaître à nos différents partenaires qui nous assistent, aux professionnels du cinéma comment les CNA travaillent et parler de la place des cinémas itinérants dans l’économie cinématographique africaine en exposant le modèle économique du CNA.

 Est-ce votre première participation à ce Festival ? Quelles sont vos impressions ?

C’est ma première participation au Festival de Cannes. C’est un rêve de jeunesse qui s’est concrétisé cette année. Cela ne s’est pas réalisé facilement. C’est l’aboutissement, je crois de trente ans d’efforts, d’abnégations et de lutte depuis mon premier film « Kouami ou l’exode malversée » réalisé en 1975 et qui a fait de moi le doyen des cinéastes du Togo. Tout cinéaste rêve de venir à Cannes et surtout fouler le tapis rouge. Cannes c’est une belle ville. C’est un plaisir de voir des films dans de bonnes salles.

Pourriez-vous défendre le cinéma togolais tel qu’il est un jour à ce Festival ? En quoi faisant ?

Le cinéma est avant tout un travail d’équipe, de création avant d’être commercial. Je pense qu’en continuant de travailler, il serait possible pour moi d’être présent avec un film à Cannes très prochainement. Beaucoup de personnes me connaissent dans le monde du cinéma en Afrique comme en France et ailleurs et beaucoup de gens savent que je me bats pour que le cinéma soit une réalité au Togo. Cela c’est un atout. Un film c’est le drapeau d’un pays. J’ai besoin de soutiens sur le terrain. Venir à cannes avec un film, c’est l’image du Togo que je viens montrer, vendre. Je sais comment faire un film pour être à Cannes, ou aller dans les grands festivals. Il faut avant tout l’appui de tout le monde, des autorités officielles pour soutenir un projet de film auprès des partenaires que j’ai rencontrés ici à Cannes. Je me bats pour garder la tête au dessus de l’eau depuis toujours, il y a trop de barrières créées artificiellement par des opportunistes. C’est cela qui rend la tâche difficile à tout le monde pour que le Togo soit plus présent dans les rencontres internationales. La vie c’est un combat perpétuel nous sommes certains que nous allons atteindre notre but.

– Que faut-il faire pour aider le cinéma togolais à décoller ?

Pour l’instant, nous ne pouvons pas parler de cinéma togolais. Pour créer une tradition cinématographique au Togo, il reste beaucoup de choses à faire pour qu’un jour nous puissions parler d’un cinéma togolais. La charge ne revient pas seulement à l’État, tout le monde est concerné. Tout le monde doit apporter sa pierre, les créateurs comme les spectateurs. Il faut penser à la mise en place d’un fonds de soutien aux créateurs comme cela existe déjà dans certains pays de la sous région, de véritables structures de production et de diffusion, de la formation du personnel technique, des comédiens…. Il faut encourager et amener les opérateurs économiques à investir dans la production audiovisuelle et cinématographique, les chaînes de télévisions nationales à produire des œuvres d’envergure internationale, et à les diffuser dans l’attente de la création des salles… Il faut introduire l’éducation cinématographique dans les écoles… Il faut créer un environnement qui permet aux méritants de faire des films, de les diffuser. Le cinéma togolais est à créer.

 Pensez-vous sincèrement que RECITEL et CIT vont arriver à intéresser de nouveau les togolais au Cinéma ?

Je le pense sincèrement. Si nous continuons nos actions c’est qu’il y a la demande. En 2006 à la première édition il n’y avait pas de structures de formation à Lomé. Les RECITEL sont venues pour exprimer ce besoin. Avec RECITEL, plus d’une trentaine de jeunes ont été formés en critique de cinéma, écriture, en réalisation…Sur la scène de la production audiovisuelle des jeunes qui ont participé aux formations organisées au cours des ateliers de RECITEL essayent de se positionner. Il ya des réalisateurs, des journalistes critiques de film. Avec le CIT, plusieurs milliers de togolais ont pu voir des films partout au Togo. Petit à petit la population togolaise qui a reçu la visite du CIT redécouvre la projection sur grand écran et apprend à connaître ce qu’est le cinéma à travers les animations et les débats que nous organisons autour de nos projections. Nous avons besoin d’apport financier pour continuer nos actions. Tout le monde doit contribuer à amener les togolais à s’intéresser au Cinéma.

Interview réalisée par Gaëtan Noussouglo © Togocultures

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