Cela fait des années que le grand amoureux du conte Alassane Sidibé se bat pour retrouver le conte tel que ses grands-parents le lui racontaient autour du feu ou sur la cour de leur concession. Il s’éveille et se singularise à son histoire avec l’envie effrénée de semer le rêve dans tous les foyers . Les temps sont passés, la télévision et les vidéos clubs ont eu raison des contes. Les enfants d’aujourd’hui trouvent un plaisir fou dans les films, les jeux vidéo. Le conte perd du terrain. Sachant que le chemin se fait en marchant, Alassane Sidibé se renouvelle en prenant appui sur son passé qui est en même celui de la plupart des parents. Il crée son association Gabité, Maison de l’oralité avec pour objectifs d’ouvrir le conte à d’autres publics, valoriser les contes et les conteurs et aller de maison en maison avec des contes pour le bonheur des parents et des enfants.
Les bons contes font de bons amis et des émules. C’est la raison fondamentale qui pousse les 28 conteurs à arpenter les maisons pour célébrer les belles histoires, idée de redonner goût aux parents, aux enfants et les décrocher un tant soi peu de la télévision. Les contes filent doux en français, en mina. Les proverbes et les devinettes fusent. Ils sont pleins d’enseignements et d’humour. Togocultures a surpris « Les contes en marche » au domicile de l’enseignant d’université Togoata Apédo-Amah au mois d’avril. Tous les conteurs sont en cercle sur la grande terrasse avec deux points focaux, les musiciens koraïste Roger Atikpo et Eustache Bowokabati Kamouna. Les auteurs conteurs se fondent dans le public constitués des gens de la maison, des voisins et des amis de la famille. Avec cette disposition, les conteurs deviennent comme des auditeurs-spectateurs et interviennent dans les contes en chantant, en dansant, en répondant aux devinettes et en lançant des proverbes. Chaque conteur a entre 3 et 8 minutes d’interventions, ce qui permet à une quinzaine de conteurs d’intervenir. Les contes en marche, c’est 2h à 3h d’intervention. L’accompagnement musical est riche, très riche. Roger Atikpo quittera son coin pour rejoindre Eustache Kamouna pour le plaisir des spectateurs
La marche est lente semée de contes, de légendes et de devinettes. Tous les contes ne sont pas du terroir comme la naissance des races, un conte chinois. On retrouve Maliki à la recherche d’un pouvoir surnaturel, le secret des touffes de cheveux, l’homme et le lingot d’or, les hommes politiques, la souris et ses trois enfants,… On se laisse séduire par le style et le charme de chaque conteur. Les amateurs côtoient les professionnels. Des élèves formés en conte entrent pour la première en scène pour tester ce qu’ils ont appris. L’aisance du professionnel (Edem Modjro, Alassane Sidibé, Roger Atikpo, David Ganda,…) côtoie le stress et l’approximation de l’amateur. Le conte est comme un doux breuvage, une viande et un mets succulent à partager. Une mise en garde sous forme de proverbe est toutefois lancée : « Ne donner pas la viande de bœuf à un chien sinon un jour, il risque de confondre votre pied à une viande de bœuf ».
Les contes en marche, c’est l’esprit en fête, l’esprit en feu. Les spectateurs n’hésitent pas à danser à chanter avec les conteurs. La joie et l’ivresse se lisent sur tous les visages. C’est une initiative louable pour le doyen Béno Sanvee et le professeur Togoata Apédo-Amah. . C’est une invitation au voyage dans l’imaginaire, au goût et à l’envie de bons contes, de belles histoires, des proverbes, des devinettes et surtout de la musique. Le chemin se fait candide vers l’épanouissement de soi et la redécouverte de l’autre. « Quand le poisson est dans l’océan, l’océan est infini. Quand l’oiseau est dans le ciel, le ciel est infini » et quand les contes sont en l’homme, ses rêves sont infinis et son emprise sur la réalité est dense et intense.
Contes en marche est un concept né en 2009 à Lomé sous la houlette du conteur Alassane Sidibé. Il pense lancer le collectage des contes à travers le Togo dans les mois à venir. La maison de l’oralité pour le moment ne bénéficie d’aucun financement mais le conte est bon.
Gaëtan Noussouglo